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Lyon

Les Chômeurs s’invitent à bouffer !

Le jeudi 12 février 1998.

La mobilisation et les actions des chômeurs continuent sur Lyon malgré les tentatives de recadrage autour de la question des 35 heures lors de la journée d’action du mardi 27 janvier. Ce jour même, en marge de la manifestation syndicale de la matinée, le collectif d’action des chômeurs avait appelé à un rassemblement-vin chaud en fin de journée, en plein centre ville, à quelques pas de l’ancienne ANPE occupée début janvier. Les 400 à 500 personnes présentes avaient alors montré leur détermination à continuer le mouvement spécifique des chômeurs, en haussant même clairement le ton. Les slogans, tout comme les prises de paroles et les discussions, témoignaient d’une radicalité et d’une conscience anticapitaliste claire, pour beaucoup acquise au cours de cette lutte.

Depuis, des assemblés générales continuent à se tenir au rythme de deux à trois par semaine, réunissant à chaque fois entre 100 et 200 personnes. Celles-ci ont pour objectif de tenter de structurer le mouvement sur le long terme et d’organiser des actions « coup de poings ». Afin de pérenniser le mouvement deux initiatives d’importances sont à noter. D’une part la mise en place, en grande partie à l’initiative de jeunes chômeurs d’origine maghrébine, d’une « commission banlieues ». Celle-ci a élaboré son propre tract, qui a été distribué à plusieurs milliers d’exemplaires dans les banlieues lyonnaises afin de populariser le mouvement des chômeurs et inciter les individus à ne pas rester isolés mais à rejoindre la lutte. Il est d’ailleurs important de voir que la dernière phrase du tract est « Pour que personne n’agisse à notre place, pour l’autonomie des luttes ! ». D’autre part le collectif des chômeurs a en grande partie orienté ses actions sur la question des transports. Dans la dernière semaine de janvier, à deux reprises, plus d’une cinquantaine de personnes ont occupé les lignes de métro, bloqué les oblitérateurs de plusieurs stations et distribué de nombreux tracts aux usagers aux cris de « transports gratuits pour les chômeurs ! ». Ces actions se sont faites dans un climat assez tendu car à chaque stations nous devions faire face à une forte présence des flics et de nervis des Transports en commun lyonnais (TCL).

Des restaus du chômeur

Enfin, comme la lutte ouvre bien souvent l’appétit, à l’image des chômeurs parisiens qui ont occupé le Fouquet’s, à la sortie de la première action transports gratuits le jeudi 30 janvier, le collectif s’est invité au restaurant. Le choix du restaurant ne fut pas neutre. C’est à plus d’une cinquantaine que nous avons poussé la porte de « Léon de Lyon », célèbre bouchon, symbole de la grande cuisine lyonnaise mais aussi de l’inégalité capitaliste. Une fois installé nous avons en effet pu nous rendre compte que le prix du menu moyen du soir tournait autour de 700 F et qu’une bouteille de vin pouvait atteindre 4 100 F !

Après un refus, des menaces d’évacuation par la police, devant notre détermination, le rapport de force imposé et certainement par crainte de voir une évacuation porter atteinte à son établissement (matériellement et moralement), le patron (qui emploie trente salariés) se résigna à nous servir un repas copieux et fort arrosé en tentant néanmoins d’en tirer partie lorsque la presse arriva. Fort de ce succès, la semaine suivante, le mardi 4 février, ce fut au tour de la « Brasserie Georges » (célèbre brasserie à choucroute) d’être investie par les chômeurs. Là aussi l’opération fut menée à bien et tout le monde sortit une nouvelle fois fort repus.

On vous l’avait bien dit que seule la lutte paye… et nourrit !

David
groupe Durruti (Lyon)