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Cinéma

« Ossos »

de Pedro Costa
Le jeudi 26 février 1998.

Pour Paulo Branco, producteur portugais, parisien d’adoption, le film de Pedro Costa est un film qui va très loin, qui atteint une dimension inédite au cinéma, qui peint un monde à part, qui réussit à montrer que ce quartier de Lisbonne presque maudit est peuplé d’humains, misérables, certes, mais d’êtres vivants. Ossos est une œuvre difficile. Le film vous atteint au plus profond de vous même, on le reçoit malgré lui. Il ne veut pas vous séduire, il détourne plutôt la tête, il a honte de vous montrer ce qu’il montre. Ce ne sont pas des scènes racoleuses de la misère du monde, même si ces êtres sont si loin de notre vie, ils transmettent la dimension étonnante de la leur. C’est parfois très violent, mais vrai, glauque mais dans une authenticité. Ce sont les images qui transportent le contenu malgré elles. Les personnages ne tiennent pas à vous délivrer un message. Ils existent, portent et représentent une dureté, une force. Le film avance avec des plans lents, forts, aux couleurs rares, couleurs qui étonnent, tellement vous partagez le noir désespéré de ce père, de cet enfant, de toutes ces mères potentielles. De cette quête d’amour.

Un film sur un quartier de Lisbonne : Fontainhas. Un film sur l’âme d’un quartier. Sur les âmes qui errent dans ce quartier, sur une mère qui ne sait que faire de son enfant. Sur d’autres qui essaient de s’improviser mères et maternelles. Pedro Costa invente une figure inédite du corps social. Les pères plus faibles qu’un bébé seront des mères d’adoption pour enfants abandonnés. Être le père réel est-ce vraiment une question importante quant le bébé ne veut que manger et regarder l’humain qui le tient dans ses bras ?

Heike Hurst
émission Fondu au Noir (Radio libertaire)