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À la petite semaine

Instruction civique

Le jeudi 26 février 1998.

L’effondrement des valeurs, le mal croissant des banlieues, l’irrespect omniprésent, l’indiscipline chronique et, surtout, l’inquiétant désintérêt des nouvelles générations envers la politique classique, qui — triste observation… — amène seulement un jeune sur quatre en âge de voter à s’inscrire aujourd’hui sur les listes électorales, auront contribué à cette décision heureuse, bien que tardive, de réactualiser une discipline tombée en désuétude : l’instruction civique.

Parmi les initiatives nées de ce désir estimable de rendre toute sa place à l’éducation citoyenne, retenons en particulier celle qui consiste, depuis quelques années, à sélectionner 577 collégiens de France pour les réunir à la Chambre des députés, quand arrive le mois de mai, dans un éphémère Parlement des enfants, copie conforme de notre glorieuse Assemblée. Cette volonté novatrice et audacieuse de sortir l’enseignement de papa des locaux scolaires poussiéreux, de l’extraire de la pure théorie des cours soporifiques pour se colleter aux réalités du terrain ne fut d’ailleurs pas saluée ici en son temps, reconnaissons-le, comme il convenait.

Toutefois, la seule visite guidée des palais somptueux où se forge le destin de la République demeure très insuffisante. Une pleine et entière formation à la citoyenneté exigerait, c’est bien le moins, que s’ajoute à la connaissance de ces lieux de légende celle des endroits où s’agglutinent les victimes des décisions qui y furent prises. Ainsi, au sortir du Palais-Bourbon, son président pourrait-il convier les bambins curieux à découvrir une quelconque ANPE et son cortège de débris du libéralisme, quelque bureau d’aide sociale ensuite, refuge des détresses les plus criantes, puis, ici et là, deux ou trois soupes populaires et leurs cohortes de loqueteux ayant abdiqué tout espoir. Enfin, apothéose à cette leçon de choses démocratique, une visite de prison où croupissent ceux qui n’ont pas voulu ou pu respecter les règles d’un jeu truqué, afin que la tendre enfance y constate la douce attention qui préside au « rachat » de ses pensionnaires.

Ce serait passionnant. Et, de retour au foyer, que d’observations ces petites têtes blondes et brunes auraient à conter le soir à leurs vrais citoyens de parents !

Floréal