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éditorial du nº 1453

Le jeudi 2 novembre 2006.

Comme l’assemblée populaire de Oaxaca nous l’avait annoncé, le gouvernement mexicain y a envoyé l’armée afin de mater la révolte. À l’heure où nous bouclons le journal, celle-ci encercle la ville, et le peuple, désarmé, est retranché derrière les barricades. Le gouverneur de la province a donc eu ce qu’il voulait, il n’a pas flanché et n’a fait aucune concession.

L’assemblée populaire lançait depuis cet été des appels à la solidarité internationale pour essayer d’éviter de se faire massacrer dans l’indifférence générale et pour que le gouvernement mexicain y réfléchisse à deux fois avant de réprimer la révolte dans le sang ; le gouverneur lui a répondu à sa manière en provoquant les hostilités par l’assassinat d’un journaliste new-yorkais. Cela est un exemple parmi d’autres du mépris dans lequel les dirigeants de notre planète tiennent les peuples qu’ils dirigent, trop occupés qu’ils sont à favoriser l’enrichissement des grandes multinationales et de leurs actionnaires. Ici, en France, nous ne sommes pas une exception à cette règle, notre président, en visite en Chine, a enfourné dans sa giberne quelques gros contrats qui permettront aux entrepreneurs français d’exploiter un peu plus les ouvriers chinois tout en leur refourguant le surplus de notre production.

Nos patrons, eux, et les représentants des grandes centrales syndicales se sont réunis au sommet, histoire d’étudier de quelle manière organiser la casse du code du travail. Il s’agit d’enterrer les acquis sociaux que nous avons conquis au prix de plus de cent cinquante ans de lutte. Il s’agit aussi, ne soyons pas dupes, de fournir quelque matière aux programmes électoraux des différents partis en campagne, l’insécurité à elle seule ne suffisant pas à alimenter ceux-ci. Pourtant, en ce qui concerne l’insécurité, la police met le paquet pour montrer son efficacité, et ce sont les jeunes des banlieues, les sans-papiers, les mal-logés et les pauvres en général qui en font les frais. En Espagne, la réhabilitation des combattants pour la liberté qui luttèrent contre la dictature franquiste risque fort de n’avoir jamais lieu, au nom de la réconciliation nationale. Autant dire que l’on ne veut pas rouvrir la boîte de Pandore, qui risquerait d’embarrasser des caciques de la sphère économique et politique espagnole, dont le comportement sous la dictature n’était pas au-dessus de tout soupçon.

Que ce soit à Oaxaca, à Paris ou à Madrid, nos gouvernants se paient notre fiole et jouent notre vie sur le tapis vert des tables de négociation.

À nous de leur montrer, en descendant dans la rue, que, à semer la misère, ils récolteront la colère.