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Élections régionales : 42 % d’abstention !

Les Élections passent, les luttes sociales s’imposent !

Le jeudi 19 mars 1998.

Les élections régionales version 1998 confirment le profond divorce existant entre la classe politique, toutes tendances confondues, et des couches toujours plus larges de la population.

42 % d’abstention ! Ça claque comme une gifle, et sape la légitimité politique de celles et ceux qui prétendent vouloir nous gouverner.

Face à cette réalité gênante, les politiciens se désolent du désintérêt collectif pour la chose publique et du danger que cela ferait courir à la démocratie.

Cet argumentaire qui tend à nous prendre pour des imbéciles se garde bien de prendre en compte le fait que beaucoup d’individus ne sont pas aller voter parce que justement ils en ont marre d’être pris pour des billes. Il est clair qu’un tel taux d’abstention n’est possible que parce qu’il y a une volonté de la part de nombreux d’individus de marquer leur refus l’allégeance à quelque parti que ce soit.

Il s’agit donc bien d’un non-vote sanction, d’un acte hautement politique et conscient, assumé par une partie non négligeable de la population.

Bien entendu s’ajoutent à ceux-là toutes celles et ceux qui refusent d’être électeurs pour cause d’engagement militant dans la vie politique et sociale et pour qui la délégation de pouvoir à laquelle aboutit le système électoral est la marque même de la dépolitisation organisée des populations.

Par ailleurs il semble bien que les listes Lutte Ouvrière aient aussi bénéficié des suffrages de franges de populations révoltées par la situation sociale et qui ont choisi de marquer leur mécontentement par un vote protestataire en faveur d’une organisation qui a toujours affirmée son anticapitalisme. Cela ne veut pas dire que tous les votes qui se sont reportés sur Arlette Laguillier adhèrent au projet et aux idées de cette organisation trotskiste.

Il se confirme donc de plus en plus clairement qu’un espace politique existe en dehors des schémas de la représentation électorale.

C’est sans aucun doute le premier bilan à tirer de cette dernière farce électorale. Cela ne peut que conforter celles et ceux qui travaille à donner un contenu et des perspectives émancipatrices aux luttes sociales.

Pendant les élections les luttes revendicatives continuent !

D’un point de vue institutionnel la gauche plurielle va prendre le contrôle de plus d’une dizaine de régions. Elle peut donc apparaître satisfaite et estimer que les électeurs ont validé les dix mois de gouvernement Jospin. Pourtant elle aura rarement une majorité absolue dans les assemblées régionales et devra donc passer des alliances de gestion pour faire voter les budgets et autres projets. Cela ne peut se faire qu’en passant des compromis avec des secteurs du centre droit et des petites listes.

En fait c’est surtout le rejet de la droite et les divisions internes du RPR et de l’UDF qui donnent l’illusion de l’adhésion à la politique de Jospin et consort.

La gauche plurielle n’est pas à l’abri de la versatilité et des sautes d’humeur populaire et pourrait, à un moment ou un autre, se retrouver confrontée à un mouvement social qui n’a rien à faire des échéances électorales ni de la prétendue légitimité qui en découle.

Le FN semble avoir trouvé les limites de son influence et plafonne difficilement à 15 % même si en Alsace et en PACA il améliore ses résultats en pourcentage. Les règles du jeu politiques vont quand même lui permettre de se faire mousser au moment du choix des présidences de région.

Ces élections régionales ne vont pas bouleverser profondément la donne sociale. Tout au plus va-t-on voir des changements d’appareil à la tête des exécutifs régionaux. La gauche plurielle va se chamailler quelque peu pour savoir si Marie-Christine Blandin va conserver la présidence de la région Nord-Pas-de-Calais avec son score riquiqui de 7 % et si le PCF doit se voir attribuer ici ou là une présidence en récompense des services rendus à la majorité.

Mais comme elle l’a clairement annoncé, la gauche plurielle entend faire des régions les relais locaux de la politique gouvernementale. Il n’y a pas de miracle à attendre et tout à redouter !

De toute façon, le poids réel des Conseils régionaux et leur autonomie de décision sont relatifs, à l’image des masses financières qu’ils gèrent.

La somme des budgets des 22 régions françaises se montent à 70 milliards de francs quand par ailleurs l’État brasse entre 1 600 et 1 700 milliards de francs. Cette seule comparaison donne les limites de la régionalisation à la française.

Heureusement et c’est un fait constaté depuis quelques années les luttes sociales deviennent indifférentes aux périodes électorales.

Ce 15 mars, les chômeurs ont occupé le siège de la gauche plurielle à Paris, ouvert un hôtel vide dans le 18e arrondissement, les sans-papiers se sont mis de la fête en occupant, après Evry, de nouveaux lieux à Paris et au Havre et les sans-logis ont cru bon de manifester contre les expulsions.

Décidément les journées électorales sont très chargées et il n’y a donc rien d’étonnant à ce que tant de gens très occupés à gérer et à intervenir sur ce qui les concerne directement en oublient leur devoir de citoyen !

Bernard
groupe Déjacque (Lyon)