Accueil > Archives > 1998 (nº 1105 à 1145) > 1117 (2-8 avr. 1998) > [éditorial du nº 1117]

éditorial du nº 1117

Le jeudi 2 avril 1998.

Il y a juste cent ans, en 1898, la troisième République dans son œuvre de législation sociale votait, sous la poussée des radicaux et des socialistes, une loi sur les accidents du travail afin d’améliorer la condition de la population ouvrière. Une loi qui en fait n’était pas aussi progressiste que ce que les dirigeants républicains laissaient entendre puisqu’elle s’appliquait à l’exclusion des travailleurs immigrés. Il n’est alors pas étonnant que dès le début du siècle, le fond des mines par exemple, un des lieux où les accidents étaient parmi les plus fréquents, se soit rempli de travailleurs polonais et italiens puis maghrébins dans les années 20. Une population exploitable à merci et ne bénéficiant pas des « progrès de la république sociale ».

Aujourd’hui, la social-démocratie au pouvoir nous prépare une loi, présentée au conseil des ministres du mercredi 25 mars, visant à endiguer, voire supprimer la misère et l’exclusion. Mais, dans le même temps, elle maintient dans la précarité la plus totale au niveau de leur condition de vie des milliers de travailleurs immigrés sans papier. Les seules perspectives que leur promet notre belle république sont l’expulsion ou au mieux le maintien dans la clandestinité, servant ainsi de main d’œuvre flexible à merci, sans droit ni titre, dans des secteurs tel que le bâtiment ou le textile, et cela au plus grand profit du patronat.

Dernièrement, Tony Blair, le nouveau symbole d’une gauche « républicaine et libérale », affirmait devant les députés français que « la gestion de l’économie n’est ni de droite ni de gauche ; elle est bonne ou mauvaise ». Pour une fois, un représentant de gauche a le mérite d’être clair et de lever l’hypocrisie sur la capacité de la gauche à gérer différemment l’économie. En effet cette division politicienne entre la droite et la gauche n’est finalement qu’une illusion masquant l’action de gouvernements gérant, via l’État, les intérêts des mêmes classes dominantes. Lorsque l’économie est bonne pour les patrons, elle est mauvaise pour les travailleurs et quand elle est bonne pour les travailleurs elle devient mauvaise pour les patrons. Quant aux lois cherchant à colmater cet antagonisme d’intérêt, derrière des effets d’annonces et de bons sentiments « humanistes » affichées, elles ne règlent rien aux causes du problème et prennent bien garde de laisser suffisamment d’échappatoires, de possibilités de détournement pour ne pas entraver la bonne marche des profits. Encore une fois, seule la transformation radicale par l’action directe de ce système économique fondé sur l’exploitation et l’inégalité pourra changer notre quotidien.