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André Balbin, rescapé d’Auschwitz

Le jeudi 9 avril 1998.

André Balbin est un vieux monsieur de 89 ans à la voix cassée par l’émotion. Arrêté à Paris fin 1941 pour infraction au port de l’étoile jaune, il se retrouve à Auschwitz en mai 1942. Pendant plus d’une heure, alors que chacun retient son souffle, il nous fait revivre l’enfer nazi, la faim, le froid, les coups, les humiliations. « Il y avait une maisonnette fermée, et ça c’était la chambre à gaz. Je faisais partie d’un commando [N.D.C. : groupe de travail]. À 50 mètres on faisait des trous, des caveaux : 15 mètres sur 4. Ceux qui étaient gazés, c’était la nuit. Ils mettaient tous ces gazés dans le trou. Le matin on arrangeait ces cadavres avec de la chaux. Un peu de terre. Un peu de chaux. Ensuite nivellement de la terre jusqu’à ce que ça soit plein. »

« Un jour, il y a un ouvrier qui a crié : “Mais c’est ma fille, c’est ma fille !” Nous on a dit : “C’est pas possible. Tu ne peux pas reconnaître ta fille”. Alors un soldat est arrivé, il a pris son revolver et l’a descendu. Il a dit : “Là, tu seras avec ta fille”. » Pendant près de trois ans, ce sera une suite d’atrocités sans nom. Soudain il relève la manche de son costume et brandit son avant-bras gauche face aux juges et aux jurés : « J’avais le nº 41796. Ça il ne fallait pas l’oublier ! Parce qu’on n’avait pas de nom. » Et de conclure : « Je ne suis pas sorti d’Auschwitz ! Je vis toujours à Auschwitz ! Papon doit payer. Il faut qu’il paye. S’il n’y a pas de prison, il n’y a pas de justice. »