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À la petite semaine

Le symbole pour tous

Le jeudi 9 avril 1998.

Beaucoup se sont insurgés, dès l’annonce d’un verdict jugé clément, contre cette condamnation somme toute indulgente, au regard des faits reprochés, prononcée envers Maurice Papon.

En déclarant que l’important réside dans la culpabilité reconnue d’un homme au comportement abject durant l’Occupation, et non dans la lourdeur de la peine infligée, d’autres nous ont dit que la mémoire des victimes était ainsi honorée et que la sanction minime revêtait une valeur de symbole qui seule doit importer.

Nous ne nous serions guère émus, en vérité, en attendant son abolition, si, ayant embastillé tant d’innocents au cours de son histoire, la prison avait hébergé pour une fois une authentique canaille. Mais adversaires des enfermements nous fûmes, adversaires des perpétuités nous restons. Nous ne saurions donc pour cela nous ranger ici au côté des premiers nommés.

Alors, soit, va pour le symbole ! Mais le symbole pour tous, cela va de soi ! Car on ne comprendrait pas qu’un condamné allégorique jouisse d’une liberté bien réelle quand, dans le même temps, des coupables de moindre envergure sont appelés à croupir des années durant dans les pourrissoirs du système carcéral. Que le crime à grande échelle ouvre droit au symbole quand la délinquance ordinaire ou l’assassinat au détail n’ouvriraient que les portes des cachots. Il ne faudrait pas qu’une leçon fâcheuse soit tirée de ce fameux procès, dont le rôle pédagogique a tant de fois été souligné.

Coupables mais rendus à la liberté, tous les prisonniers symboliques pourraient ainsi tenter de se racheter. Les plus méritants pouvant même escompter devenir, pourquoi pas ?, préfet de police et espérer une manifestation de Maghrébins sur les quais de Seine pour exercer contre elle, à l’abri des lois de la République, leurs pulsions homicides. Où encore ministre de l’Intérieur d’un gouvernement de gauche et jouer les Papons au rabais en revoyant chez eux d’indésirables étrangers.

Quel beau symbole de réinsertion ce serait !…

Floréal