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Chronique de l’école caserne

Le jeudi 16 avril 1998.

Portique de détention d’armes, caméras vidéo de surveillance… l’école va bien ! Demandez aux enseignants de Seine-Saint-Denis, aux élèves, aux collégiens, aux lycéens… Ils ne vous diront pas le contraire : c’est un plaisir d’être scolarisé !

Après Vigipirate aux portes des établissements scolaires, ça va être maintenant Vigipirate intra muros ! Ségolène Royal et Claude Allègre, les mammouths en chefs de l’Éducation nationale, viennent de réclamer à Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur, de « mettre en place un dispositif de contrôle approprié » dans les collèges et les lycées (Le Monde du 2 avril 1998). Ségolène Royal qui n’hésite pas à comparer l’école avec un supermarché propose même d’organiser des fouilles : « je ne vois pas pourquoi on fouillerait à l’entrée de certains grands magasins et pas à l’entrée des établissements scolaires où il y a eu des signalements de détention d’armes. » (France 2, le 5 avril 1998)

Dans les Hauts-de-Seine, à Bagneux, au Collège Henri Barbusse, S. Royal a été devancée. Le 24 mars dernier, pour le vol d’une clé, une dizaine d’adolescents se sont retrouvés « totalement nus » pour une fouille, « peut-être un peu virile » a concédé un témoin…

À ce rythme là, dans la hiérarchie carcérale, l’école aura toute sa place entre la caserne et la prison. Mais est-ce bien nouveau ? Quand on y regarde de près, l’école n’a rien à envier à la société dans laquelle elle tente de survivre. Elle n’en est que le triste miroir… Et depuis Jules Ferry… c’est toujours d’actualité !

Comment franchement « former des citoyens avec des pratiques de sécurité et des fouilles systématiques ? » Comment franchement envisager une école de la liberté, de l’égalité et de la fraternité dans un tel contexte ?

Pis : n’y a-t-il pas tromperie sur la marchandise quand certains collaborateurs du ministre de l’Éducation nationale, Philippe Mérieu en tête (le « Monsieur plus » des lycées) en appellent à la pédagogie Freinet ou institutionnelle avec la mise en ordre sécuritaire de lieux déjà bien enrégimentés ?

Si l’école « doit faire sa révolution » (dixit Mérieu) elle ne pourra pas la faire seule ! Violences, drames, exclusions, échecs… l’école n’en a hélas, pas le monopole. Voir s’y installer, comme dans les supermarchés, les prisons, les usines l’intendance sécuritaire n’a rien d’étonnant.

L’État capitaliste a ce qu’il mérite : une école à son image. L’État a ce qu’il désire : une école à sa botte.

Chronique de l’École caserne est le titre d’un ouvrage de Fernand Oury et Jacques Pain.

Alain Dervin
groupe Pierre-Besnard (Paris)