21 jours de grève et de blocus depuis le 27 mars 1998 : Il y a plus de 10 ans, Carrefour-France rachète Rond-Point à Lormont (33) dans la banlieue bordelaise, avec « ses » salariés et avec ses salaires.
Justement, ces salaires sont inférieurs de 8 % à ceux du groupe Carrefour. Un contrat moral, mais oral, était le rattrapage progressif des salaires. Cette situation n’a jamais évolué et en 1985, un accord est signé entre la direction nationale et le syndicat Force Ouvrière, entérinant ces différences de traitement sur les salaires ainsi que sur le plafonnement de la prime d’ancienneté (à 3 % alors que dans la majeure partie du groupe le plafond est à 12 %) pour le traitement des magasins rachetés par Carrefour-France.
C’est une centaine de grévistes qui occupent le centre de livraison du magasin de Lormont. À ce jour les étalages du magasin sont en majorité vides.
Sous la pression de la direction, une pétition des salariés non-grévistes (entre 200 et 250 personnes en majorité en contrat précaire) a été mise en place en direction du personnel, des clients et des commerces de la galerie marchande et envoyée au préfet le 11 avril 1998 pour mettre fin au blocus. Mais aujourd’hui les commerçants, victimes à leur tour de la situation car la galerie est désertée, se retournent contre la direction de Carrefour qui joue le pourrissement et a refusé tout début de négociation. Cette direction propose généreusement 2 % d’augmentation des salaires.
Une très grande majorité de non-syndiqués et quelques syndiqués CGT forment le comité de grève. Dans un secteur aussi dur que celui de la grande distribution, il est vrai que se syndiquer nécessite de plus en plus de courage, mais les situations collectives comme ce genre de grève, permet aux femmes et aux hommes, salariés dans ces secteurs, de se découvrir et de s’unir.
Mercredi 15 mars, une manifestation interprofessionnelle de soutien a rassemblé 200 personnes issues de délégations de divers secteurs de la CGT ainsi que d’une section SUD Métaux, qui ont manifesté dans le magasin vide de Lormont.
C’est ce même mercredi soir que la plate-forme d’approvisionnement occupée de Beautiran (33), qui fournit les 12 Carrefour du grand Sud-ouest, a été évacuée par la gendarmerie sans heurts.
Une plainte pour entraves à la liberté du travail a été déposée par la direction auprès du préfet.
À ce jour, la situation est bloquée, le patron « campe » sur ses positions, les soutiens continuent à arriver (collectes, péages d’autoroutes, nourriture fournie par la mairie de Lormont ainsi que la toile de la tente qui sert de QG de blocage du centre de livraison). Des rotations sont effectuées pour assurer le blocus jour et nuit. Mais chaque weekend est source d’inquiétudes face à la pression des habitudes des consommateurs.
Partage des Richesses ?
Ce conflit est symptomatique des inégalités. La revue Challenges dans son millésime 1997 des plus grosses fortunes de France, rappelait que les deux familles qui tiennent le groupe Carrefour, sont parmi les 10 plus grosses fortunes françaises. La famille Fournier avec 13,4 milliards est au 8e rang, alors que la famille Deffaurey, avec 24 milliards, est au 3e rang !
Comparons : la plupart des contrats du Carrefour de Lormont sont des contrats précaires à peine supérieurs au RMI, alors que la fortune des 500 plus grosses fortunes représente l’équivalent de 1 350 Airbus, de 11 000 000 de Twingo ou de 87 000 siècles de SMIC !
Nous ne pouvons que soutenir ce combat pour la dignité, ce combat de luttes des classes et nous invitons tous les salariés à leur manifester leur soutien, qu’ils soient dans la grande distribution ou ailleurs.
Philippe Arnaud
groupe Emma-Goldman (Bordeaux)