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Clermont-Ferrand

Lettre ouverte à M. Roger Quillot

Le jeudi 23 avril 1998.

Suite aux positions exprimées par Roger Quillot, sénateur du Puy de Dôme dans la presse locale à propos du mouvement des chômeurs de Clermont-Ferrand, ces derniers lui répondent.



Nous avons campé 83 jours place de Jaude, pour dire non à cette exclusion de millions d’êtres humains au bénéfice de quelques attardés mentaux qui alignent des chiffres sur des ordinateurs dans un club très fermé que l’on appelle la Bourse. Le temps d’un combat, vous avez vécu à l’ombre d’Albert Camus. Cela ne vous a pas protégé des rayonnements du pétainisme, puisque c’est avec stupeur que nous vous voyons tirer à vue sur des exclus. Monsieur Godard, maire de Clermont-Ferrand vous a demandé de l’aide ? Où est-ce une retraite mal vécue qui vous a fait monter au créneau ? Vous n’avez pas utilisé votre plume pour défendre la cause des plus humbles mais pour cautionner l’expulsion par 200 flics casqués, équipés de boucliers et de matraques, d’une dizaine de personnes armées de tracts.

En 83 jours, nous avons attiré bien plus de sympathie des Clermontois. Les notables ne se sont d’ailleurs pas leurrés sur l’impact de nos actions. Ils sont presque tous venus se montrer dans ce lieu que vous osez nommer verrue. Votre mépris envers l’aspect des plus démunis s’aligne sur l’attitude de la municipalité qui a passé au jet et désinfectant le sol qui avait porté notre chalet. Nous serons nombreux à la libération de tous les sans-droits à demander justice. Oui, Monsieur Quillot, le chalet des citoyens exclus n’avait pas l’esthétisme d’un bel hôtel particulier, la ville nous avait coupé l’électricité, le fonctionnement des toilettes publiques, et mis des chaînes aux accès à la circulation. C’était un état de siège sans confort, où les pauvres n’avaient pas honte d’être pauvre, habillés par le secours pop, nourris par la banque alimentaire, et équipés comme ils le pouvaient.

N’en déplaise aux yeux sensibles blessés à la vue des conséquences du chômage, ils étaient venus montrer les dents en plein centre-ville. Mais d’ores et déjà, l’image du chalet a plus circulé et éveillé de consciences que ne l’a fait votre figure. Nous affirmons que toutes nos délégations étaient constituées de chômeurs et de précaires, avec parfois le soutien des salariés. Nous n’avons pas obtenu la gratuité des transports pour tous ceux qui vivent avec moins de 4 000 F par mois. L’agglomération clermontoise a instauré des lignes de démarcation avec des zones ayant peu ou pas le droit à la libre circulation pour tous. Les chômeurs ayant des ressources inférieures à 2 500 F devront payer leur titre de transport. C’est une question de principe, a dit M. Godard, de demander une participation. Ah bon, un principe de demander de l’argent à ceux qui n’en ont pas ! Quant à votre rappel de notre non respect des règlements, merci d’en avoir publiquement pris acte. Un récent procès nous a rappelé le devoir de désobéissance des citoyens envers les lois scélérates. […] Ici pendant que des salariés travaillent 60 heures par semaine pour un salaire de misère, des familles entières sont sans emplois, des immigrés recensés à la préfecture seront mis dans des wagons, des gosses crèvent du saturnisme, les forces de polices maltraitent les enfants de nomades, les personnes âgées meurent sans que les agents hospitaliers aient le temps matériel de leur tenir la main, les SDF sont quotidiennement contrôlés… […] Alors, M. Quillot, soyez assuré de notre totale désobéissance envers cet ordre qui produit des exclus au profit de quelques malfaiteurs. Faites savoir à vos amis qu’il ne suffit pas de brandir le mot gauche pour se prémunir de la colère de la ville.

M. Gomez
Mouvement des chômeurs