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1er Mai contre le chômage, le racisme et les inégalités

Seule la lutte paie !

Le jeudi 30 avril 1998.

Le gouvernement Jospin ne semble jamais hésiter à s’autoféliciter ou à téléguider diverses enquêtes de « satisfaction » en sa faveur.

Récemment, nous apprenions que les prévisions pour les comptes de la sécurité sociale étaient au beau fixe. Puis, nous pouvions entendre, ici et là, des économistes « responsables » affirmer à qui voulait l’entendre que l’économie était rentrer dans un nouveau « cercle vertueux »…

Sans faiblir, Jospin annonce une baisse du chômage avec — tenez-vous bien — la création de 600 000 emplois d’ici la fin 1999. La réduction du temps de travail à 35 heures y participerait de beaucoup. Quant aux emplois jeunes, c’est, à en croire la plupart des médias relayant les déclarations du pouvoir, une bien belle réussite !..

Devant tant d’optimisme béat, le doute ne semble plus permis : nous vivons une époque formidable ou tout s’arrange !

Réformes et restructurations en stock

Pour tenter de nous en convaincre tout à fait, le pouvoir et ses médias étalent sous nos yeux les grands « dossiers du jour ». Ces dossiers, vous les connaissez tous. On vous l’a dit et répété : nous sommes en route pour la « grande aventure de l’Europe », ce qui passe par la monnaie unique. Et puis, un autre grand chantier est la réforme de l’État.

Pour la classe dirigeante, c’est l’occasion d’orchestrer un brassage médiatique dont le premier avantage est de distraire l’opinion publique (en attendant que cette fonction soit remplie par la coupe du monde de football ?).

Cependant, il s’agit aussi et surtout de mettre en œuvre de profondes restructurations du système politique et social pour faire face aux nouvelles contraintes du capitalisme mondial.

L’Europe, c’est avant tout la construction d’un puissant bloc capitaliste sur la scène internationale ; un bloc qui sera à même de conquérir de nouveaux marchés, d’opérer les investissements nécessaires dans les zones de productions à moindre coût (Pays de l’Est, Chine etc.).

Pour la réforme de l’État et de ses institutions, il s’agit d’intégrer concrètement les principes de décentralisation et de régionalisation. L’objectif est le recentrage de l’État sur des fonctions considérée comme essentielles (la diplomatie, la police, la justice…) et des services d’assistance minimum avec, pour condition, une « adaptation » des services publics, au nom de la sacro-sainte règle de la rentabilité et de la gestion comptable (ce qui, en clair, signifie leur démantèlement).

Exceptés les services dits publics que nous voudrions effectivement voir disparaître (la police, où Chevènement s’apprête à recruter 6 500 policiers en 1998 ; l’armée, pour laquelle Jospin a confirmé l’attribution de 85 milliards de francs par an à l’équipement… !), tous les services de réelle utilité sociale sont en sursis : l’école, le secteur hospitalier, EDF (le prochain sur la liste des privatisations après France Télécom), les transports (avec la régionalisation de la SNCF), le système de protection sociale…

La bonne santé de l’économie fait la très mauvaise santé des travailleurs et des chômeurs. L’offensive du pouvoir politique est naturellement couplée à celle du patronat. Ce dernier à toutes les raisons d’être grandement satisfait par la tournure des événements. Les principaux groupes français ont des chiffres d’affaires en nette progression par rapport à 1997 (cf. Le Monde du 23 avril). Saint-Gobain progresse de 17,2 %, Michelin de 11,9 % (c’est l’occasion de se souvenir du plan de redressement de cette entreprise !), Lagardère de 16,8 %, Bouygues de 24,1 % etc. Les forces vives du capitalisme français se porte bien !

Mais, on le sait, les riches et les puissants en veulent toujours davantage ! C’est aujourd’hui à travers la loi sur les 35 heures que vont s’opérer de catastrophiques reculs sociaux.

Vu l’état des rapports de force et la faiblesse des mouvements de salariés (le nombre d’heures de grèves n’en finit pas de baisser d’année en année), les négociations sur l’organisation du travail tournent et vont continuer de tourner systématiquement en faveur des capitalistes. Les 35 heures vont donc être l’occasion de revenir en arrière sur la plupart des conventions collectives qui offrent déjà si peu de protection. On prendra pour exemple le problème de la définition du « temps de travail effectif » (et donc payé) qui risque d’être de plus en plus restrictive.

Parallèlement à cela, il y a des faits qui parlent : six millions de personnes vivent des minima sociaux, dont le pouvoir d’achat ne cesse de se détériorer, un million de ménages subsistent via le RMI, et les sociétés d’intérim Manpower et Adecco sont devenues les premiers employeurs privés en France…

Une classe en lutte

Les bonnes âmes modérées ne manqueront pas de nous rappeler que la situation pourrait être pire : Il est vrai que nous pourrions tous crever de faim ! La logique du moindre mal est bien commode pour accepter et faire accepter l’exploitation et l’oppression.

Pour notre part, nous ne cesserons pas de dénoncer à la fois la droite libérale, ultra-libérale, l’extrême droite, et cette gauche autoritaire et étatiste qui a commis un crime politique impardonnable : faire le sale boulot des restructurations capitalistes en trompant les aspirations populaires au « changement » et à plus de justice sociale !

Notre action aujourd’hui doit consister à faire renaître partout où nous en avons les moyens des liens de solidarités et de lutte, accompagnés d’une analyse critique sans concessions de l’État et de l’économie de marché, des bases idéologiques du racisme (qui se développe à partir du nationalisme), de l’ordre moral religieux, sexiste et homophobe…

Les mouvements de chômeurs, avec des collectifs qui, dans de nombreuses villes, ne baissent pas les bras ; le mouvement dans les établissements scolaires en Seine-Saint-Denis, interrompu pendant les vacances de Pâques mais prêt à rebondir, la colère toujours éminemment présente chez les personnels hospitaliers, le mouvement des sans-papiers qui est loin d’être terminé (on pourrait continuer la liste), voila un ensemble de lutte qui actuellement peuvent nous permettre d’être optimiste !

Il est vrai que nous n’avons pas le choix : nous sommes dans la quasi totalité des secteurs, le dos au mur. Il reste cependant à définir des objectifs fédérateurs, des revendications pouvant être, à la fois, suffisamment radicales pour traduire les aspirations à un changement révolutionnaire ; et suffisamment concrètes pour emporter l’adhésion des salariés, des chômeurs, des précaires…

Ces revendications de ruptures, les anarchistes contribuent à les construire, par leur action organisationnelle et par leur présence dans les diverses organisations de luttes du mouvement social : syndicats, collectifs, associations.

Voila pourquoi le premier mai ne sera jamais pour nous une simple commémoration, mais qu’il restera une journée de contestation politique de l’ordre établi !

Régis
groupe Déjacque (Lyon)