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À l’origine du Premier Mai

« Les Martyrs de Chicago »

Le jeudi 30 avril 1998.

L’idée du Premier Mai comme journée d’actions et de revendications ouvrières fut lancée pour la première fois en 1884 au IVe congrès du syndicat américain AFL (Fédération américaine du travail). Il fut en effet décidé d’impulser à partir du Premier Mai 1886 une immense campagne d’agitation, essentiellement menée au travers de grèves, visant à obtenir la limitation de la journée de travail à 8 heures.

Si, à la date fixée, des grèves éclatèrent sur l’ensemble du territoire américain, c’est à Chicago qu’elles furent le plus radical et où cette journée acquis une importance historique qui marquera pour toujours le mouvement ouvrier international. Chicago était alors un des centres les plus actifs du mouvement ouvrier américain, principalement dominé dans cette ville par les militants anarchistes dont un certain nombre étaient des immigrés allemands. Ces derniers occupaient d’ailleurs une place dominante parmi les travailleurs de la ville.

À l’occasion du Premier Mai 1886 un véritable bras de fer va s’engager avec le patronat local. Au lendemain de cette journée, alors que les grèves se poursuivent en entraînant plusieurs milliers de travailleurs, les patrons licencient 1 200 ouvriers, font appels à des « jaunes » (les « scabs ») mais aussi à la célèbre agence « Pinkerton » spécialisée dans « la casse » de grèves en fournissant des provocateurs ainsi que des tueurs à gages.

Le 4 mai au soir un immense meeting, rassemblant près de 15 000 personnes, est organisé sur la célèbre place du marché (Haymarket) d’un quartier populaire de la ville. La plupart des militants anarchistes en vue y prennent la parole, tel Albert Richard Parsons. En plein milieu du meeting la police à cheval chargea alors le rassemblement provoquant ainsi un véritable affrontement. Dans la bataille une bombe fut lancée sur un détachement de police par un militant anarchiste allemand, Schnaubelt, dont on ne su jamais si son acte était l’objet d’une provocation ou d’une sincère réponse à la violence policière. Il n’empêche que cet acte fut le prétexte à une violente répression où perquisitions et arrestations se multiplièrent dans les jours qui suivirent. Huit des principaux leaders syndicaux de la ville, tous anarchistes, furent alors arrêtés et condamnés à la peine de mort le 20 août 1886 lors d’une véritable parodie de justice.

Trois compagnons virent finalement leurs peines commuées en années de bagne. Malgré la campagne de solidarité, le 11 novembre 1887 au matin Parsons, Fischer, Engel et Spies furent pendus. Lingg s’étant suicidé en prison deux jours plus tôt pour échapper à l’exécution. En 1893, la révision du procès reconnut l’innocence des huit inculpés ainsi que la machination policière et judiciaire mise en place pour criminaliser et casser le mouvement anarchiste et le plus largement le mouvement ouvrier naissant. Les suppliciés furent alors réhabilités et les trois emprisonnés purent quitter le bagne.

Le premier mai est donc bien une journée inscrite dans l’histoire du mouvement ouvrier avec le sang de militants anarchistes.

David