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35 heures

Les Patrons en veulent trop. Et nous ?

Le jeudi 30 avril 1998.

Un sondage de janvier paru dans Le Monde mettait déjà en évidence le peu d’enthousiasme des salariés pour cet avatar socialiste de la justice sociale qu’est la réduction du temps de travail de Martine Aubry. La ministre du Travail a dû se lancer dans une opération de marketing pour forcer le sourire de ceux et celles qui sont sensée s’enthousiasmer de travailler 35 heures par semaine. Reconnaissant qu’il n’y a pas « de grand mouvement de soutien » aux 35 heures, elle a demandé aux préfets et aux syndicats de se mobiliser. Viannet, pour la CGT, n’a pas peur du ridicule en évoquant « l’avancée la plus importante depuis 1936 ». De son coté, la section cadre de la CGT déclare : « la perspective des 35 heures […] n’effraie pas les chefs d’entreprise ». Cet aveu n’étonnera pas les lecteurs du Monde libertaire. La CFDT, toujours à la pointe du combat cogestionnaire souhaite organiser un rassemblement le 12 mai au stade Charléty de Paris pour entamer une campagne dans les entreprises sur les 35 heures.

Pourtant, sur le terrain, les premiers conflits qui ont traits à la négociation sur les 35 heures se développent et se crispent. Après la journée d’action du 28 février organisée par les syndicats de la banque face à la dénonciation de la convention collective par les patrons de ce secteur, c’est le 22 avril que les syndicats de salariés appelaient à se mobiliser contre les attaques patronales de l’union des grands commerces de centre-ville. Faible mobilisation, semble-t-il, de la part des salariés d’une nouvelle journée d’action est déjà appelée pour le 4 juin. Le patronat des grands magasins est d’accord pour les 35 heures mais en dénonçant les conventions collectives de 40 000 salariés, et en demandant plus de flexibilité et d’amplitude horaire.

Comme la loi Aubry n’a pas prévu de limites dans la remise en cause des acquis ce sont les rapports de force sociaux qui vont faire la différence.

Pour évoquer la loi de Robien, loi votée en 1996 et qui porte sur la RTT il est intéressant de noter que l’entreprise de collants Well du Vigan (Gard) qui a bénéficié dans ce cadre d’une ristourne de 5 millions de francs vient d’annoncer de nouveaux licenciements. Non seulement elle n’a pas légalise toutes les embauches prévues avec la signature de l’accord en 1997 mais en plus elle cherche à bénéficier des avantages que lui offre la loi Aubry ! Concrètement, la direction annonce que toute nouvelle réduction du temps de travail se conclura par d’autres licenciements. Bel exemple d’efficacité de la RTT motivée par les nécessités du profit et de la spéculation !

Ce n’est pas l’entrevue CNPF-gouvernement du 17 avril qui nous fera croire que le patronat est le perdant de l’histoire. C’est bien nous tous et toutes à travers le grignotage constant de nos conditions générales de vie, de travail, qui sommes les grands perdants : sans oublier les chômeurs, toujours actif dans leurs luttes, mais toujours incertains dans leurs perspectives d’intégrer le triste monde du travail.

Il n’y aura pas de repos possible pour les consciences et des bonnes volontés une fois gagné le rapport de force pour que les RTT produisent des embauches sans précarité et sans condition de la part des patrons, il faudra bien penser à aller plus loin, toujours plus loin contre l’injustice sociale. Car s’en tenir là, c’est renoncer à la seule lutte qui vaille vraiment : celle de l’égalité sociale sans exploitation, sans domination.

Daniel
groupe du Gard