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PIC, PACS, CUS, CUCS

Le Mariage républicain en danger

Le jeudi 30 avril 1998.

12 000 maires viennent de signer la Déclaration des maires de France pour le mariage républicain. Par ce texte, lancé par Michel Pinton, maire UDF de Felletin dans la Creuse, ils s’affirment « soucieux de préserver la famille comme élément naturel et fondamental » et se déclarent opposés « à la mise en place d’un contrat d’union pour les personnes du même sexe » et « à l’implication du maire en tant qu’officier d’État civil, dans la célébration d’un contrat de ce genre. »

Cette initiative rassemble le tiers des maires français, essentiellement maires de petites communes, et reçoit le soutien d’Isabelle Muller-Schneider [1], vice-présidente de l’Association pour la promotion de la famille (sans que cette association soit impliquée, d’après sa présidente) et l’offre d’aide de Familles de France (association familiale traditionnaliste membre du cartel d’association anti-avortement fédéré par Christine Boutin). Rien de bien étonnant bien qu’un peu paradoxal : résister aux unions contre nature [2] au nom de la famille, voilà un des credos intangibles de la droite réactionnaire, mais défendre le mariage républicain célébré par les maires va à l’encontre de la foi catholique de bon nombre d’entre eux. L’épouvantail étant terrifiant, il vaut mieux encore prôner le mariage civil !

En effet, nous ne savons pas qui du CUS (contrat d’union sociale), du CUCS (contrat d’union civile et sociale), du PIC (pacte d’intérêt commun) ou du PACS (pacte civil de solidarité) sera présenté en mai au vote de l’Assemblée nationale mais ce qui effraie le plus ces réactionnaires de tout poils c’est que non seulement on pourrait donner des droits aux cohabitants hors mariage mais aussi aux couples homosexuels.

La mission Droit et Justice, présidée par Jean Hauser, professeur de droit, a rendu à la chancellerie son rapport proposant des solutions pour résoudre les difficultés rencontrées par les concubins par la création d’un pacte d’intérêt commun. Par ailleurs, Patrick Bloche (PS) et Jean-Pierre Michel (MDC) terminent la rédaction d’un projet de loi commun instituant un pacte civil de solidarité. Aucune de ces deux propositions n’est favorable à la célébration de l’union par le maire : elles visent à permettre à des personnes physiques d’organiser tout ou partie de leurs relations pécuniaires et patrimoniales dans une communauté de vie.

Ni CUS ni maire

Les propositions du CUCS ou CUS envisageaient jusqu’alors d’aller plus loin en reconnaissant le lien unissant deux personnes physiques, quel que soit leur sexe, et leur obligation de soutien matériel et moral devant un officier d’État civil.

C’est pourquoi cette proposition est tant défendue par les associations d’homosexuels masculins car, au-delà de droits accordés par les dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles aux seuls époux ou concubins (rapprochement de conjoints fonctionaires, assurances vieillesse, veuvage et décès, donations et legs, déclaration et imposition commune des revenus, séjour de partenaire étranger…), elle ouvre l’espoir d’une reconnaissance des couples d’homosexuels.

Si l’on veut bien comprendre la détresse dans laquelle se retrouvent certains homosexuels ou lesbiennes au moment du décès de leur compagnon ou compagne de vie, notamment à l’heure du sida (exclusion de la chambre d’hôpital ou des funérailles, exclusion du logement commun si le bail est au nom du défunt, spoliation des biens communs par la famille en l’absence de testament… [3], il n’en reste pas moins étrange de vouloir revendiquer la force des liens amoureux par un contrat imitant le mariage ou le concubinage, vouloir ainsi entrer dans la norme hétérosexuelle et patriarcale.

Face aux intégristes et réactionnaires (forces brunes et bleues) ou normalisantes par l’universalisme républicain voire moralisatrices (forces roses, rouges ou vertes), cette fierté homosexuelle et lesbienne aurait mieux à faire, et surtout plus à gagner, à revendiquer une reconnaissance des droits de l’individu au niveau social, économique et politique, telle que les anarchistes mais aussi bon nombre de féministes et lesbiennes le formulent : droits attachés aux individus dès la naissance leur permettant de s’associer avec qui ils veulent sans jamais être obligés de s’assujetir à autrui et de perdre tout ou partie de ces droits.

Hélène Hernandez


[1Secrétaire de l’association pour la promotion de l’année de la famille, y fréquentant là Jean-Marie et Anouck Meyer (gendre et fille de Jérôme Lejeune).

[2Michel Coulon (PS), maire de Le Fay en Saône-et-Loire, cité par Michèle Aulagnon dans Le Monde du 16 avril 1998.

[3Marianne Schulz, Droits des lesbiennes : état des lieux, in En avant toutes !, éd. Le temps des cerises, p 251.