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éditorial du nº 1463

Le jeudi 1er février 2007.

L’Abbé est mort, vive l’abbé peut-on entendre partout. Il ne manquait plus que ça, après les enfants de Don Quichotte, pour nous faire l’éloge de la charité dans tous les médias. Il faut aider les malheureux, disent-ils, leur donner des couvertures car ils ont froid, les pauvres, et de la soupe car ils ont faim. Après ça, tout le monde est rassuré, nous vivons dans une bien belle société qui prend soin de ses miséreux.

Et là où nous passons de la charité au miracle, c’est lorsque tout cela se fait sans que personne ne trouve à redire sur le fait que lesdits miséreux sont le produit de cette société. Que ceux qui font « oeuvre de charité » sont ceux qui ont les moyens de le faire, et il est bien facile de donner quelques miettes, pour la forme, lorsque, dans le fond, on possède tout le pain !

Ainsi il ne faudrait pas trouver à y redire, c’est mieux que rien… C’est vrai, c’est peut-être mieux que rien, mais c’est sûrement bien insuffisant.

Les magasins sont remplis de nourriture, les villes regorgent de logements spacieux où règne le luxe ; parfois ceux-ci restent inoccupés pendant de longs mois pour que ces charmants messieurs, qui nous aident par leurs dons, puissent quand même se remplir les poches.

Les politiciens de tout bord profitent de l’événement pour nous montrer qu’ils s’intéressent à nos problèmes, qu’ils peuvent les résoudre grâce à leur grand coeur. On revoit le fabuleux destin de m’sieu l’Abbé, aidant les plus pauvres, voyageant dans toute la France en hélicoptère, et nous n’osons imaginer le prix du voyage…

Il ne s’agit pas de se satisfaire de l’action de l’Abbé ou de râler parce qu’on aime bien ça, râler. Mais de trouver inacceptable que l’on puisse avoir faim, ou dormir dehors, en ces temps où on ne manque ni de nourriture ni de moyens pour construire des logements.

C’est de trouver inacceptable que ceux qui possèdent tout se permettent de nous donner des leçons sur notre refus de prendre les miettes qu’ils nous donnent en les remerciant et en la fermant. Tant que chacun de nous ne pourra subvenir à ses besoins, nous ne cesserons d’exiger le partage des richesses.

Nous avons besoin de nous loger, des logements sont libres. Nous avons faim, la nourriture abonde dans les magasins et nos exploiteurs se remplissent la panse à n’en plus pouvoir. Mais les pauvres se révoltent ; combien de squats, d’affaires de vols qui se retrouvent devant les tribunaux ? Nos âmes charitables veillent à ce que l’on respecte la propriété privée, il ne faudrait pas que le goût du travail nous passe et que nous décidions de vivre en s’affranchissant des rapports de domination.