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éditorial du nº 1124

Le mercredi 21 mai 1997.

La gauche plurielle affirme vouloir lutter contre les inégalités sociales. Pour tenter d’expliquer le gouffre existant entre ce discours et la triste réalité, le gouvernement invoque la nécessité d’une gestion « responsable » face à des revendications « irréalistes ». Ce raisonnement condescendant, propre aux élites, insiste sur les trésors de pédagogie que doivent déployer nos « pauvres » dirigeants, l’ignorance du bon peuple expliquant son impatience.

Les chômeurs s’organisent et luttent. Aubry et Jospin entonnent en chœur : vos revendications sont légitimes… mais les caisses sont vides. Les exemples démontrant l’hypocrisie d’une telle argumentation sont légion. Dernier en date, la réforme en cours du régime des stock-options est un véritable scandale. Vous connaissez mal les stock-options ? C’est normal, vous n’êtes pas concernés par cette forme d’intéressement. Elles sont réservées aux dirigeants d’entreprise et à un petit nombre de cadres.

Le système est simple : ces salariés aux revenus déjà faramineux se voient offrir des plans d’options de souscriptions ou d’achats d’actions à prix réduits. Il suffit aux heureux bénéficiaires d’attendre tranquillement, l’œil rivé sur la Bourse, pour lever leurs options, c’est-à-dire les vendre, et réaliser ainsi de juteuses plus-values. Rappelons que la Bourse de Paris vient de franchir pour la première fois le seuil des 4 000 points, l’indice CAC 40 ayant gagné 34 % en quatre mois.

Jusqu’en 1996, ces plus-values étaient imposées au taux ridicule de 20 %. Arthuis, ministre des Finances sous Juppé, jugeant lui-même cet avantage fiscal exorbitant, a fait majorer le prélèvement fiscal pour les options levées dans les cinq ans qui suivent leur attribution tout en assujettissant ces plus-values aux cotisations sociales.

Depuis, bien évidemment, plusieurs associations patronales n’ont pas cessé de dénoncer cette mesure, pourtant bien timide. Cet appel au secours a été entendu. En avril, Didier Migaud (PS), rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, a déposé un amendement, inspiré par Strauss-Kahn, remettant partiellement en cause le dispositif Arthuis. Il prévoit notamment de rétablir l’exonération de cotisations sociales pour les options attribuées avant janvier 1997 par les sociétés de moins de quinze ans. Le Sénat s’est engouffré dans la brèche, étendant cette exonération à toutes les entreprises françaises.

Depuis, Jospin s’est exprimé sur ce sujet, le 12 mai à l’occasion des « assises de l’innovation ». « Nous devons savoir récompenser la prise de risque pour ceux qui font le choix d’entreprendre » a expliqué notre Premier ministre socialiste. Jospin maîtrise parfaitement la langue de bois. Le propre du système des stock-options est justement d’écarter tout risque : les bénéficiaires ne perdent rien s’ils ne réalisent pas leurs options qui restent alors purement virtuelles.

Les chômeurs apprécieront cette touchante attention…