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Quelle identité nationale ?

Le jeudi 22 mars 2007.

DEPUIS QUELQUES ANNÉES, il est devenu évident qu’avec Nicolas Sarkozy Le Pen est devenu inutile. La tendance s’accélère. Dans ses discours prononcés ces dernières semaines, l’hôte de la place Beauvau a annoncé son intention, dès son élection, de créer un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale. Rien que cela !

Comme le chef du Front national, Nicolas Sarkozy a compris tout l’intérêt qu’il y avait à chatouiller la fibre nationale de la France profonde. Cette identité nationale, hautement proclamée, a des relents xénophobes qui prennent leurs racines dans l’Action française de Charles Maurras, tout comme chez les Croix-de-Feu du colonel de La Roque. Plus grave encore, cette identité nationale, qui paraît aller de soi, nous renvoie à la tentation raciste née de l’affaire Dreyfus, à la fin du XIXe siècle.

Ces évocations sont-elles excessives ? Il ne semble pas. En effet, dès lors que l’on met le doigt dans l’engrenage de la marginalisation et de l’exclusion, il n’y a plus guère de limites car les supporters de la politique du rejet arrivent en nombre à la rescousse. Il est bien connu que les pervers s’estimant soutenus ne cessent de multiplier les lois restrictives et les vexations diverses.

Bien sûr, il n’est pas question, ici, de faire le moindre amalgame, mais il y a des similitudes qui ne peuvent manquer de faire réfléchir. Depuis le début de la campagne pour l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy ne cesse de parler d’immigration choisie.

Cela ne peut que nous renvoyer à cette loi de Philippe Pétain, du 27 septembre 1940, sur les « étrangers en surnombre dans l’économie française ». Rapidement, plusieurs dizaines de milliers d’étrangers allaient se retrouver dans des Groupes de travailleurs étrangers (GTE) et enfermés dans des camps. Cette loi précédait de quelques jours la publication du statut des Juifs de France, le 3 octobre 1940.

Fort heureusement, rien de semblable de nos jours. On n’enferme plus massivement, on expulse (environ 25 000 expulsions en 2006). On n’inquiète plus les Juifs mais on s’intéresse plutôt aux Arabes, que l’on diabolise en les désignant comme musulmans. Il n’y a plus de camps de concentration (nous sommes en démocratie) mais des centres de rétention administrative, d’où l’on expulse systématiquement.

Pourtant, comme au temps des années noires de l’occupation nazie et du régime de Vichy, il y a des rafles ponctuelles dans certains quartiers de Paris, mais cela ne concerne que des Noirs… De même, les policiers de la République n’hésitent jamais à arrêter des femmes et des enfants — sans doute au nom du regroupement familial.

Nicolas Sarkozy nous explique que l’on n’accueillera plus, au pays des droits de l’homme, que des étrangers connaissant déjà notre langue et nos coutumes. À ce niveau de réflexion, mon père n’aurait jamais été admis en France, en 1923, et pas davantage ma mère, en 1924. C’était l’époque où les Polonais arrivaient par dizaines de milliers pour extraire le charbon des bassins miniers, qui connaissaient un déficit de mineurs français, et qu’un nombre aussi important d’Italiens commençaient à travailler dans la sidérurgie lorraine. L’économie française ne devait pas se plaindre de cet afflux de travailleurs étrangers.

Revenons au régime de Vichy. Dès l’automne 1940 était mise en place une politique de dénaturalisation. Le 7 octobre 1940, le gouvernement Laval abrogeait le décret Crémieux du 24 octobre 1870 qui avait attribué la citoyenneté française aux juifs d’Algérie. Rapidement allaient être dénaturalisés les juifs d’Europe centrale qui avaient acquis la nationalité française après 1936. Rien de tel à envisager de nos jours, mais il convient de se poser la question.

Maurice Rajsfus