Accueil > Archives > 2006 (nº 1421 à 1459) > 1447 (21-27 sept. 2006) > [éditorial du nº 1447]

éditorial du nº 1447

Le jeudi 21 septembre 2006.

Nous vivons dans une grande démocratie, ce qui tendrait à laisser croire que la population a le contrôle de ses institutions, telles l’armée, la justice et la police en particulier. Bien sûr, sur le papier, des lois existent. Mais la réalité est tout autre ; déjà, le prétexte électoral sécuritaire dont sont nées ces dernières années plusieurs séries de lois ne se justifiant que par la peur du terrorisme a habitué les citoyens à vivre sous un contrôle armé serré. Ce sont maintenant des militaires munis d’armes de guerre qui assurent le contrôle des populations dans les grands centres de communication, ports, aéroports et gares routières ou ferroviaires. Les citoyens n’ont, eux, aucun contrôle sur ces mercenaires, qui ne rendent de compte qu’à leurs chefs. Quand on sait que l’armée française, forte de son expérience dans la bataille d’Alger au cours de laquelle elle a perfectionné à grande échelle ses méthodes de torture et d’élimination d’opposants, a formé la plupart des officiers des dictatures sud-américaines des années soixante-dix, ainsi que leurs tuteurs étatsuniens, il y a de quoi avoir peur. Les lois sécuritaires ont aussi insidieusement donné plus de pouvoir aux milices privées. Ces vigiles, que nous nous sommes habitués à côtoyer aux mêmes endroits, ainsi que dans les grands centres commerciaux, sont tout autant hors du contrôle des citoyens. Il est curieux, par exemple, de voir que la SNCF utilise des compagnies privées de sécurité, alors qu’elle possède sa propre police ; mais il est vrai que, contrairement aux miliciens privés, les agents de la SNCF ont un devoir de service public et sont tenus, comme les fonctionnaires, à décliner leur numéro d’agent aux usagers qui le leur demandent, ce qui les met sous le contrôle de ceux-ci. Ces sociétés de vigilance, qui prennent exemple sur leurs concurrents américains, ces grandes compagnies qui perpétuent la guerre en Irak où ils engrangent des milliards sur le dos des Irakiens, des grandes compagnies pétrolières et des contribuables états-uniens, ont le vent en poupe chez nos dirigeants. Il est vrai qu’en période électorale nos politicards sont bien contents de pouvoir s’appuyer sur des professionnels pour assurer la sécurité de leurs meetings, mais de là à leur donner des pouvoirs de contrôle sur les citoyens, il y a un pas que nos ministres ultralibéraux du gouvernement Villepin n’ont pas hésité à franchir. Nous vivons donc dans une grande démocratie, mais, si nous n’y prenons garde, de grandes compagnies privées contrôleront bientôt totalement l’armée et la police. Mais, rassurons-nous, elles ne nous imposeront pas un gouvernement par la force, elles préfèrent nous laisser croire que nous le choisissons au travers des élections.