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Ni dieu, ni maître

Le jeudi 19 avril 2007.

En tirant le voile de l’isoloir pour aller secrètement, telle une chose honteuse, glisser dans une lettre anonyme le bout de papier représentant leurs espérances, les votards vont abdiquer leur dignité d’« êtres libres » au profit du maître qu’ils se seront choisi. Bleue, blanche, rouge, rose ou verte, quelle que soit la couleur des chaînes qu’ils se choisiront, ils deviendront les « choses » de leur maître, qui les livrera pieds et poings liés aux opérateurs du marché.

Si nous, anarchistes, refusons de participer à cette mascarade, ce n’est pas parce que nous sommes contre tel ou tel candidat, ou que nous pensons qu’aucun des candidats qui se présente ne nous convient. Non, c’est le principe même de la délégation de pouvoir que nous refusons.

Aucun candidat, se dirait-il libertaire ou même anarchiste, ne saurait trouver grâce à nos yeux. L’histoire nous a montré qu’aucun homme, même le plus sincère, le plus dévoué, le plus honnête, ne peut user du pouvoir sans que celui-ci ne le corrompe, ronge sa volonté et ses sentiments envers ses semblables, telle une malédiction…

Ce que nous proposons, nous, c’est le libre fédéralisme, basé sur l’égalité économique et sociale entre toutes et tous.

Chacun doit participer à la gestion de ce qui le concerne, et quand nous mandatons quelqu’un ou quelqu’une, nous ne lui déléguons pas notre pouvoir, mais au contraire nous lui donnons mandat impératif de porter la volonté et les idées dont nous avons débattu ensemble. Nos mandatés sont révocables à tout moment, contrairement aux élus de la république que l’on doit subir pendant des années.

Si nous ne participons pas à ce simulacre de démocratie qu’est le suffrage universel, nous ne nous désintéressons pas pour autant de la chose publique, mais nous nous apercevons que c’est dans la rue, par la lutte, que nous pouvons gagner des avancées sociales, pas par les urnes. Quel que soit le candidat ou la candidate élue au terme de ce cirque qui depuis des mois obstrue la pensée de nos concitoyens, il sera redevable envers ceux qui ont investi des sommes considérables dans ces élections ; et ceux-ci ne sont pas de notre classe sociale. Quel que soit le résultat, il nous faudra lutter pied à pied, ne serait-ce que pour conserver les acquis que nos prédécesseurs ont obtenus par leur combat, à travers leurs organisations de classe. Ce n’est pas parce que la gauche, fut-elle populaire, arrivera au pouvoir, que les réalités économiques du monde où nous évoluons changeront. Le capitalisme n’est pas soluble dans les urnes !

Nous ne stagnons pas non plus dans l’attente d’un grand soir messianique hypothétique, orchestré par une avant-garde plus ou moins éclairée. Nous pensons que, par nos actions et notre propagande, nous amènerons de plus en plus d’individus à prendre conscience que personne ne peut décider à notre place, que la classe dite populaire a les capacités de prendre ses affaires en main, et que toutes et tous ensemble nous avons le pouvoir d’abolir le capitalisme et toutes les formes d’oppression.

Ce que nos voulons, c’est une révolution économique et sociale, que le monde change de base, et que l’individu, qui aujourd’hui n’est rien, devienne tout. Les classes dirigeantes, complices de celles possédantes, nous oppriment et nous exploitent depuis trop longtemps. Mais gare à la revanche, quand tous les pauvre s’y mettront…

Christophe Danis