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Maintenant, la rue

Le jeudi 10 mai 2007.

AINSI, les urnes ont décidé que le nain napoléonien présiderait le pays les cinq années à venir. Les moutons, échappés des baignoires, se sont rendus en troupeau dans les bureaux de vote, autre manière de se laisser gentiment égorger. Peu importe, au final, le non-événement a eu lieu, qui ne bouleversera que celles et ceux dont la croyance en la démocratie, utopie inachevée, permet de penser encore qu’ils sont écoutés. À ceux-là, quel que soit leur vote, on souhaitera de n’avoir pas oublié de passer à la pharmacie acheter un tube de vaseline avant de se rendre aux urnes.

Se rendre, c’est le mot, tant une fois encore l’acte électoral prouva, ce dimanche, son inanité. Cependant, de cette élection, on peut tirer certains enseignements, utiles peut-être pour l’avenir. Premièrement le front anti-Sarko n’a pas suffit à empêcher le nabot d’accéder aux plus hautes fonctions.

Ce front, mollement motivé, cette ligne Maginot de la gauche bien-pensante, fut tout simplement contournée par la grâce de veilleurs endormis par les balivernes ségoléniennes.

« Je veut réconcilier les Français et l’entreprise », lâcha par exemple la cruche. Belle version droitiste de la lutte des classes.

Secondement, dans cette campagne, chaque candidat s’efforça, souvent avec succès, de faire un pas vers la droite. De Laguiller appelant à voter pour Royal à Sarkozy reprenant à son compte le programme du Front national (en passant par Royal, jouant le centre contre la gauche), chacun semble avoir accompli son aggiornamento. Au final, ce soir, nous assistons à une victoire flagrante du libéralisme, comme si les électeurs français avaient voté en même temps pour Bush et pour Thatcher. La révolution conservatrice est donc en marche, et personne ne pourra sérieusement s’y opposer, puisque Royal, candidate de droite, a achevé la gauche. Les scores du Parti communiste, de LO, de les Verts et autres Bové, montrent assez l’audience de la gauche antilibérale, qui donne l’impression d’avoir cessé d’exister.

L’essentiel bien sûr, est ailleurs. La casse du Code du travail, la casse des acquis sociaux, la chasse aux sans-papiers, la chasse aux pauvres, n’en doutez pas, est dès ce soir ouverte. Ce soir, ce n’est pas seulement Sarkozy qui a gagné,mais aussi le MEDEF, et les commissariats. Cette fois il ne suffira pas d’être nombreux dans la rue, il faudra également être déterminés, et pugnaces, car Sarkozy n’est pas Villepin. Le néo-nationaliste atlantiste pro-Bush ne reculera pas, sachez-le, devant une poignée de millions de manifestants. Où seront les électeurs de Ségolène lorsqu’il faudra se heurter aux policiers, subir la violence soi-disant légitime ?

Devant Jean-Pierre Pernault, comme depuis des années ?

Encore ne parlons-nous ici que de politique intérieure. On préfère s’interdire de se demander quelle sera la position de Sarko vis-à-vis, au hasard, de l’Irak, de la Palestine.

Au final, ce qui fut élu ce soir, c’est le pire de la régression, pur produit du capitalisme. Qui s’en étonnera ? Sarkozy ne fut jamais que la pire des solutions, il n’est pas surprenant que la France l’ait choisi.

Fred

Groupe libertaire Louise-Michel de la Fédération anarchiste