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Grève de la faim contre la double peine à Lyon

Une Carte de séjour ou la mort !

Le jeudi 21 mai 1998.

Dimanche 17 mai 1998. Les 10 grévistes de la faim contre la double peine en sont à leur 38e jour de jeûne. Leur état physique est de plus en plus critique et l’association Médecins du Monde qui assurent leur suivi médical est très inquiète.

Samedi matin deux d’entre eux ont dû être hospitalisé d’urgence au vu de leur grande faiblesse (perte de 30 % de leur poids alors que 25 % est déjà très limite, double otite et bronchite pour l’un d’eux, etc.). Deux jours plus tôt, un de leurs camarades avait déjà du être hospitalisé.

Deux évidences s’imposent à tous : l’irréparable peut survenir à chaque instant et il n’y aucun doute à avoir sur la détermination des grévistes. Ils ont mis en jeu leur vie parce qu’ils n’ont pas le choix des moyens. C’est çà ou l’expulsion.

Et l’expulsion signifie aussi la mort pour eux dans le sens où ils seraient expulsés vers l’Algérie ou la Tunisie, pays où ils n’ont jamais vécus et où ils n’ont aucune attache.

Que valent les êtres humains face aux logiques d’État ?

Assurément pas grand chose. Il suffit d’observer l’attitude de Sylvie Guillaume, une femme promue secrétaire fédérale du PS du Rhône, conseillère régionale et membre du bureau national.

À l’évocation de ce drame humain elle vous assure de sa compréhension et de son humanité et vous jure qu’elle fait tout ce qu’elle peut pour qu’en haut lieu çà bouge. Mais à ce jour elle n’a fait aucune déclaration pour affirmer sa solidarité avec les grévistes parce qu’il paraît que cela ne faciliterait pas le rôle de médiatrice qu’elle s’attribue. Il aura quand même fallu deux jours d’occupation des locaux du siège du PS pour obtenir un rendez-vous avec un collaborateur de Guigou, lors du passage de la ministre de la Justice à Lyon le lundi 18 mai.

On pourrait en sourire s’il n’y avait pas des vies en jeu tant cette « victoire » frise le ridicule. Et là on touche du doigt toutes les ambiguïté du pseudo comité de soutien aux grévistes de la faim. Depuis le début ce comité de soutien n’a qu’une existence très informelle et aucune règle de fonctionnement précise. En fait tout se décide entre les différents représentants de la gauche plurielle plus la LCR, les associations caritatives CIMADE et MRAP, la CGT, les SUD et les JALB. Tous parlent au nom des grévistes et bien souvent cela nous laissent perplexes.

La stratégie développée est celle du lobbying auprès de l’administration et du pouvoir politique. C’est qu’il s’agit de ménager le PS et de ne pas contribuer à développer une critique trop radicale du gouvernement. Les actions de rue et la sensibilisation des populations n’a jamais été une priorité.

L’occupation du siège du PS elle-même a été menée de manière vraiment très cool. Aucune perturbation du secrétariat ou du standard téléphonique. Sylvie Guillaume vaquait normalement à ces occupations bureaucratiques. Elle refusa même de parler avec la cinquantaines de personnes présentes et exigea qu’une délégation aille la voir dans son bureau et que les autres sortent des locaux. Un camarade de la FA faisant remarquer le ridicule de la chose se fit vertement remettre à sa place par la cheftaine des JALB lui assurant qu’elle n’avait pas besoin de gens comme nous.

Finalement nous sommes restés et la délégation fut reçue pour n’obtenir rien de très précis. Ce type de comportement a fini par démobiliser les plus convaincus et seuls les permanents syndicaux et associatifs se sont retrouvés entre eux pour continuer l’occupation jusqu’au lendemain.

Le PS n’a pas trop de soucis à se faire avec cette gauche 100 % à gauche. Pourtant la situation des grévistes devenant critique la nervosité commence à gagner le comité de soutien confronté à une fin de non recevoir de la part de Chevènement et consort. Par ailleurs les médias nationaux commencent à s’emparer de l’affaire, ce qui va modifier la situation et obliger Jospin à se positionner sous peine d’être comparer à Thatcher qui avait laissé Bobby Sands mourir de faim. Ça la foutrait mal d’en arriver là dans cette sacrée démocratie qui n’en peut plus de sa suffisance !

Bernard
groupe Déjacque (Lyon)