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Affaires Dumas, Tibéri…

Le Pouvoir

la corruption permanente
Le jeudi 28 mai 1998.

C’est un fait, chaque jour qui passe nous amène son lot d’affaires. À chaque fois un peu plus énorme, sordide, lamentable, pitoyable !

Avant hier, c’était l’ex qui besognait dans les diamants du maréchal président, la mémé de l’actuel qui se faisait subventionner la réfection des charpentes de son château et le PS qui avait monté un plan de fausses factures digne d’un racket de la maffia. Hier, c’était la saga des Safranes roses, la robuste bourrée de l’impôt « révolutionnaire » levé par les municipalités et les comités d’entreprises drivés par les « camarades », les HLM tapissés d’or qu’on « offrait » pour une poignée de cerises au fiston, au cousin, aux copains de la téloche, de la presse et même aux coquins de l’autre camp. C’était également Mme X qui se palpait vingt bâtons pour un faux-vrai pseudo rapport de vingt pages sur on ne sait plus quoi, M. Y qui faisait bosser des pauvres bougres de fonctionnaires territoriaux comme valets de pied et messieurs Z, A, B, C, D, E, F, GÖ qui du haut de leurs trônes départementaux abusaient, détournaient, accaparaient et volaient à qui mieux mieux. Aujourd’hui, c’est un ex sinistre des « affaires » étrangères qui se fait offrir des pompes à 11 000 balles, sa copine qui passe à la caisse pétrolière à hauteur de plusieurs milliards d’anciens francs, le roi soi-même et la pègre de la mairie d’une grande ville de France qui distribue des centaines de salaires princiers au clan, un ex trotskiste reconverti dans le Yo-Yo socialo qui trouve normal d’être payé à ne rien faire pendant des années.

Demain, ça sera à n’en pas douter le roi des Belges qui se fera un plan avec Dutroux, le roi des Ricains qui se fera tailler des pipes par la P.J. et Prof qui aura fauché les gommes du comité central !

Les bourgeois c’est comme les cochons

Dans l’imaginaire populaire les grands de ce monde qui roulent carrosse de tout sont supposés être à cent lieux des contingences matérielles dans lesquelles les « petits » noient leur survie ordinaire.

C’est l’histoire de Giscard ignorant le prix d’un ticket de métro et de Tonton empruntant cinquante balles à son gorille pour s’acheter un paquet de clopes.

Difficile, donc, pour un honnête travailleur, pour un Rmiste économe ou pour M. Tout-le-monde de concevoir que ceux qui ont tout n’ont de cesse d’en avoir encore plus et sont prêts, pour cela, à tondre sur un œuf. C’est par trop trivial !

Aussi quand la télé (dans la rubrique vu à la télé), les canards (dans la rubrique c’est marqué dans l’journal) et la radio (dans la rubrique on en a causé dans l’poste) étalent à longueur de colonnes les petites et les grandes magouilles du RPR, du PS, de l’UDF, du PCF, leurs business maffieux de fausses factures et d’emplois fictifs payés par des salaires bien réels et pas smicards et les vols à l’étalage et autres pillages de troncs commis par les premiers violons comme les deuxièmes couteaux de ces partis, c’est peu dire que les « braves gens » tombent carrément des nues en s’étranglant d’indignation.

À l’évidence, de même que madame la baronne oubliait de payer les heures sup de la bonne, les bourgeois de droite, de gauche, du centre et d’ailleurs qui nous gouvernent sont âpres au gain et n’hésitent pas à chourer les cendriers de la république !

Tous pourris ! ?

Est-il besoin de le préciser, l’étalage à hue et à dia de cette petitesse des « grands » nourrit à la mamelle et la résignation et le populisme démago et facho.

Ici, là et ailleurs il est, en effet, de plus en plus courant d’entendre le vulgus pecum jurer qu’on ne l’y reprendra pas à prendre parti ou à voter pour telle ou telle version d’un pot de fer qui explosera toujours la tronche du pot de terre ou siffloter ouvertement les âneries racistes et xénophobes du cheval borgne frontiste.

Tous copains, tous coquins, tous pourris !

Politicards, tocards !

La politique c’est d’la merde !

La république est trop bonne fille avec ces margoulins !

Il faut en revenir aux vraies valeurs, aux vieilles valeurs de toujours et d’à toujours que sont le travail, la famille, la patrie, un État fort, un pouvoir dur mais juste, la religion à la mode de la messe en latin, l’ordre, la sécurité, la morale, les hommes au boulot et les femmes à la maison, le mariage, le service militaire, les cocos à Moscou, les pédés à l’HP et les Arabes dehors ! Ah, mais !

De la république vertueuse

Dans le même temps où l’on voit le petit peuple s’éloigner de la politique et des politiques pour s’engouffrer dans les impasses de la résignation et du post-fascisme, les classes moyennes, paradoxalement, chevauchent une toute autre bourrique.

Des « petits juges » proclamés ou autoproclamés gardiens du temple en passant par les nouveaux croisés du troisième pouvoir médiatique ou les crétins ontologiques de la démocratie bourgeoise, essayent en effet de se persuader et de nous persuader que les affaires ne sont que des furoncles et que quelques coups de bistouri vont redonner à la démocratie bourgeoise et au capitalisme une nouvelle jeunesse.

Ceux là sont assurément aussi pires que les autres et n’hésiteront pas à les rejoindre quand les gueux commenceront à brûler les châteaux et à pendre haut et court M. l’baron, son capitaine des gardes, son archiprêtre, son intendant, et ses bouffons !

Ceux là, parce qu’ils vivotent (de moins en moins bien) de la division sociale et de l’exploitation du plus grand nombre, s’imaginent qu’ils vont pouvoir nous faire croire au père Noël de la moralisation du capitalisme et nous faire prendre les vessies des affaires actuelles pour des lanternes.

Ceux là ne voient pas, ne veulent pas voir et ne peuvent pas voir que l’arbre des affaires de droit commun du moment cachera toujours la forêt d’autres affaires made in droit du plus fort, loi de la jungle et compagnie !

À l’heure où le capitalisme chie littéralement sous lui de chômage, de misère, de précarité, d’exploitations et d’oppressions du plus grand nombre et nargue d’opulence et d’arrogance ses esclaves d’ici et d’ailleurs, la peste fasciste et le choléra réformiste en sont réduits à essayer de nous resservir les plats rances d’un moralisme à la petite semaine.

Socialisme libertaire ou barbarie

Les uns et les autres, chacun à leur manière, voudraient nous faire avaler la couleuvre du bon maître, du bon patron, du bon gouvernant, du bon dieu, du bon flic, du bon juge, du bon militaire, du bon enfoiré !

Les uns et les autres s’imaginent que leur puritanisme chiasseu est à même de continuer à véroler l’aspiration éternelle du peuple à une morale de la liberté, de l’égalité, de l’autogestion, de la coopération et aux moyens de sa mise en oeuvre.

Les uns et les autres, parce qu’ils sont du coté du manche capitaliste, courent après la chimère d’une barbarie à visage humain et s’indignent de l’amoralisme qui préside à notre volonté d’instaurer un système social débarrassé à jamais du chancre de l’exploitation et de l’oppression de l’être humain par l’être humain.

Les uns et les autres, parce qu’ils auront toujours à cœur de faire des affaires, ne manqueront assurément pas de s’étonner qu’on les pendent haut et court avec les cordes qu’on leur aura acheté à crédit !

Jean-Marc Raynaud
groupe Bakounine