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Marseille

Résistance contre les expulsions

Le jeudi 28 mai 1998.

Jusqu’à ce 24 février, les maquignons de l’immigration ne trouvaient à Marseille que le terminus de stockage de la « viande immigrée », le centre de rétention d’Arenc, avant d’être embarqué vers l’abattoir culturel, économique, voire physique (la majeure partie des expulsés l’étant vers l’Algérie). Ce jour-là une trentaine d’individus essaiera d’empêcher l’expulsion de Kader, insoumis algérien, certains allant jusqu’à se jeter à l’eau pour retarder le départ du bateau, le Liberté (sic).

Et puis les actions se multiplient avec quelques coups d’éclats comme le 16 mars une intervention au meeting de la gauche plurielle lors de l’intervention du premier flic de France. Suite à cette action, un Collectif anti-expulsions (CAE). se monte officiellement. Le 14 avril, le siège de la SNCM est occupé, le 27 avril un bateau de cette même compagnie sera investi (en plein plan Vichypirate !) afin d’en bloquer le départ, un de nous aura même le droit à un aller-retour en cabine-cellule. La dernière action fut notre intervention lors d’une réunion publique de Julien Dray en réaction à sa déclaration récente sur la « réactivation » des charters. Sur la soixantaine de présents, quarante étaient du CAE, ce qui nous permis d’orienter le débat. Pour conclure, ce « socialiste de gauche » nous dit que nous étions en désaccord au départ : nous étions pour l’abolition des frontières et lui pour la sauvegarde de la République. T’as tout compris camarade Julien.

Voilà pour les actions les plus spectaculaires et médiatisées. Le CAE fait aussi du travail de fond. Information par tracts sur les lieux mêmes du délit d’État (SNCF, SNCM), « accueil » des trains convoyant des expulsés, surveillance des conditions de transport, etc.

Nous tentons aussi avec, plus ou moins d’imagination, de chance de nous opposer physiquement aux expulsions. Tentatives déjouées par les manœuvres policières (descente des expulsés à la gare de l’Estaque, gare hors service, pour éviter l’accueil en gare Saint-Charles ; transfert de l’hôpital au bateau (contre l’avis médical) de deux expulsés ayant avalé des lames de rasoir. Contrairement à nos camarades de Paris et Lyon, nous n’avons pas subi de violences policières, hormis une bousculade lors de notre première intervention.

Fédérons les luttes !

Le CAE n’a rien à voir avec une machine de déstabilisation manipulée par des trotskistes anglais mais est composé d’individus essentiellement libertaires, bien souvent militants dans des organisations (APOC, FA, CNT-Vignolles, Scalp, Comité Chiapas). Le principe de démocratie directe a été adopté comme principe de décision et d’action : dicussions, décisions par consensus sauf dans de rares cas où la minorité a toujours le choix de s’engager plus avant, individus mandatés, travail en commissions, autonomie dans l’action).

Le Comité a choisi avant tout le terrain de l’action, laissant le côté juridique à la Cimade, laquelle nous fournit locaux et usage du matériel (ordinateurs, fax).

Les contacts avec d’autres CAE ont permis l’échange d’infos et la coordiantion d’actions. Coordination confirmée à Lyon lors des rencontres de la Gryffe.

Le CAE s’est concentré sur les expulsions vers l’Algérie pour des raisons pratiques (la plupart des expulsions ont lieu vers ce pays) mais des actions sont prévues concernant la Tunisie. La dénonciation de la double peine nous semble aussi prioritaire.

Le CAE s’est fixé comme objectif de gripper la machine à expulser à tous les niveaux, aussi bien par des actions qui retardent l’expulsion qu’en renvoyant les différents acteurs face à leurs responsabilités et leur hypocrisie : État, politiciens, SNCF, SNCM.

Nous avons pris le parti des actions médiatiques dès la création du Comité afin de faire passer notre message dans la population et que les expulsions ne continuent pas à se faire dans la plus totale discrétion, ce qui illustre l’embarras des socialistes. Cette relation est moins omniprésente aujourd’hui car nous nous refusons à faire de l’action pour de l’action, ce qu’ils attendent plus ou moins de nous.

Cette évolution illustre le fait que le Comité se pose maintenant la nécessaire question de son fondement politique ainsi que sa relation avec les autres luttes sociales.

Groupe de Marseille

Comité anti-expulsions : c/o 26, boulevard des Dames, 13002 Marseille.