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Deux procès contre Radio libertaire

Le jeudi 4 juin 1998.

La copropriété contre Radio libertaire

Depuis plusieurs mois le concierge et certains copropriétaires de l’immeuble où est situé le studio de Radio libertaire se plaignent du bruit occasionné par l’activité radiophonique, et surtout par les passages des équipes des émissions dans le couloir commun ; ils estiment aussi que la détérioration de la porte d’entrée de l’immeuble serait de notre seul fait et cherchent à nous faire payer intégralement son remplacement.

Certes, l’usage de l’appartement que nous avons acheté n’est pas banal, mais de là à faire de nous les boucs émissaires de tout le fonctionnement collectif, il y a de la marge !

Les copropriétaires ont décidé de porter plainte contre l’association DMC afin de tenter de faire cesser l’activité de Radio libertaire dans ces locaux-là. Ils visent sans doute aussi à faire pression sur nous pour que le déménagement — annoncé depuis plus de deux ans — se fasse le plus vite possible (pour information, il devrait avoir lieu fin juin).

Après les diverses péripéties administratives et judiciaires d’usage dans l’hexagone, le tribunal de grande instance de Paris a décidé la poursuite de DMC pour « nuisances et tapages nocturnes ».

L’affaire sera plaidée le 14 septembre 1998 à 16 heures devant la 8e chambre de la première section du tribunal de grande instance de Paris. Une manifestation silencieuse serait de bon goût ce jour-là : à vos agendas ! Venez avec vos pantoufles !

Un maton contre Radio libertaire et contre l’émission « Ras les Murs »

Déjà évoquée dans nos colonnes, cette affaire remonte au mois de janvier 1997 : au cours de l’émission Ras les Murs, comme chaque mercredi depuis près de 10 ans, les animateurs lisent des lettres de détenus. Ce soir-là, une lettre dénonce de façon précise les conditions d’exploitation des détenus dans les ateliers de la prison de Bois d’Arcy (78) : main d’œuvre à très bon marché, interdite de grève et d’organisation, taillable et corvéable à merci, salaires de misère sur lesquels sont prélevés des frais énormes d’entretien des vêtements de travail, cadences infernales, etc.

Cette lettre évoquait aussi les conditions d’encadrement des ateliers, les pratiques plus ou moins honnêtes de certains personnels d’encadrement et la complicité de responsables. Un surveillant est cité nommément. Apprenant quelques jours plus tard l’existence de cette émission, il se procure la cassette et va déposer plainte au commissariat de police de Versailles.

Après la perquisition de la librairie du Monde libertaire, siège social de la radio et celle des studios de Radio libertaire par une juge, une greffière, le procureur du parquet et quelques quinze policiers, à la recherche de la lettre incriminée, Élisabeth, responsable administrative, présidente de DMC est mise en examen, puis Nicole, animatrice de « Ras les Murs », l’est aussi ; tour à tour interrogées par la juge d’instruction, elles disent leur opposition à l’exploitation capitaliste et expriment leur révolte face à son aggravation dans le système pénitentiaire ; elles réaffirment leur solidarité avec les détenus et le crédit qu’elles apportent aux paroles tenues à l’antenne.

Informé de la situation de Radio libertaire, le détenu échotier manifeste sa volonté de témoigner sur l’affaire : à son tour mis en examen, il maintient ses propos.

Début 1998, la juge a remis son dossier d’instruction et ses conclusions au procureur ; en avril deux décisions sont prises : l’une renvoie l’animatrice et le détenu devant le tribunal correctionnel, l’autre est une ordonnance de non-lieu pour l’association DMC et sa responsable.

Cette dernière décision peut être analysée comme un fait positif qui relativise les faits invoqués ; elle peut aussi faire jurisprudence en différenciant les rôles de responsable d’un média et de journaliste de ce média, ce qui est rarement la cas pour les médias écrits par exemple. Cependant, la poursuite de Nicole et du détenu devant le tribunal correctionnel interpelle nos pratiques de solidarité : soyons très nombreux à l’audience, le 1er juillet à 14 heures, au tribunal de Versailles.

La solidarité financière est toujours nécessaire : 5 260 DF ont déjà été collectés auprès de nos lecteurs. Chèques à l’ordre de M. Boury, mention « Procès Radio libertaire » à envoyer à la librairie du Monde libertaire, 145, rue Amelot 75011 Paris. Merci d’avance.

Élisabeth