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Lesbian and gay pride 98

Mouvement homosexuel et raison d’État

Le jeudi 4 juin 1998.

En juin vont avoir lieu, dans les grandes villes de France et dans plusieurs pays, les marches de fierté homosexuelle. Elles commémorent, bientôt trente ans après, les émeutes de Stonewall où, lassés des répressions policières, les homosexuels ont investi l’espace public revendiquant leur droit d’exister.

Fin des années 60, les valeurs traditionnelles sont bousculées : l’individu réclame le droit à disposer de lui en dehors des demandes des classes dirigeantes. On manifeste contre la guerre au Viet-nam. On veut vivre en dehors du « boulot-métro-dodo », les femmes veulent sortir de leur condition de mère au foyer ; la sexualité réclame sa place hors du champ de re-production.

C’est dans ce cadre que se sont développées les luttes homosexuelles. Ces manifestations d’émancipation continueront pendant une décennie.

En France, les années 80 voient l’avènement du socialisme ainsi qu’un renforcement du libéralisme. Le capital n’a pas de frontières ni de limites, il rentabilise vite les prétentions de liberté qui se sont exprimées une dizaine d’années auparavant. Les demandes de libération sont récupérées par la société marchande. Les homosexuels se voient attribuer des espaces commerciaux avec l’ouverture de nombreux bars mais la place qui leur est laissée les mets toujours en marge. Cantonnés dans le domaine de la nuit, de l’irréel, ils participent à la société marchande sans remettre en question les valeurs constitutives de l’État.

Contre l’ordre moral : un combat d’actualité !

La sexualité qui se voulait libérée, expression du désir est cloisonnée dans le domaine de la production de valeurs marchandes. Le sexe est à nouveau rentabilisé.

Aujourd’hui, la demande de reconnaissance des couples homosexuels marque l’expression d’une demande d’accès à la citoyenneté permettant d’échapper au morcellement et à la ghettoïsation. Cette demande a permis aux socialistes de faire du racolage pré-électoral. Maintenant qu’ils partagent le pouvoir, ils affichent bien les limites qu’ils veulent donner à une éventuelle union homosexuelle : seules les questions de fric ont droit d’y figurer, il ne peut être question d’y laisser apparaître une notion de valeur affective. Pour eux la famille reste la construction de base de la société. La pétition lancée par les maires UDF contre le CUS (PIC ou autre) montre bien l’attachement de la classe politique dans son ensemble aux valeurs constitutives de l’ordre moral : « Travail, famille, patrie ».

L’homosexualité masculine comme féminine est, a été et restera une attaque directe à toute notion d’État. Condamné par les religions au service du capitalisme privé (péché, débauche, œuvre du diable…) ; elle l’a aussi été par les doctrines au service du capitalisme d’État (vice de la bourgeoisie, attitude contre-révolutionnaire).

La demande actuelle de visibilité des homosexuels pose problème aux détenteurs du pouvoir. Leur pseudo reconnaissance trouve ses limites dans une société où le retour à l’ordre moral, au sécuritaire est proposé comme seule alternative est proposé comme unique politique garantissant l’avenir des classes dirigeantes. Dans ce contexte, la peste brune gagne du terrain.

À Lyon, après l’association Millon-FN, les fascistes continue leur œuvre d’intimidation et de terrorisme. Après l’attentat contre le Planning familial, des affiches signées « Jeune Nation » sont apparues sur les murs de la ville : « Non à la Gay pride ; pas de défilé pour les enfilés ; non aux pédés, la famille c’est sacré ; Il faut détruire Sodome ». La lesbian and gay pride aura lieu le 6 juin et l’Union locale de Lyon de la Fédération anarchiste sera présente affirmant le droit de disposer de son être et luttant pour l’avènement d’une société qui réponde aux besoins de l’individu et non au profit de quelques uns.

Alain
groupe Kronstadt (Lyon)