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À la petite semaine

La France a peur

Le jeudi 18 juin 1998.

Dans la plainte déposée l’an passé contre l’auteur d’un dessin paru dans cet hebdomadaire, établissant un lien entre la montée du Front national et la progression de la maladie de la vache folle et concluant, sur ce point, qu’il fallait au plus vite abattre le troupeau, l’avocate de cette organisation affirmait déjà sans rire que nous étions là devant un quasi-appel au meurtre de nature à effrayer ses adhérents.

Ce tempérament craintif du militant frontiste moyen, sensible jusqu’à l’évanouissement aux violences les plus extrêmes, se vérifie dans le fait, cent fois démontré, qu’il ne met plus le pied dehors sans avoir fréquemment sur lui ou à l’intérieur de son véhicule une arme à feu, un coup de poing américain, un nunchaku ou l’un de ces ustensiles qui distinguent les individus inquiets, car pourquoi s’arme-t-on, en effet, si ce n’est pour vaincre sa frayeur ?

Souvenons-nous de ces skinheads pacifiques et apeurés, encerclés par Brahim Bouaaram, aussi dangereux que le nom qu’il portait et qui finira accidentellement dans la Seine, poussé par des garçons charmants mais en proie à une panique irrépressible.

N’oublions point, à l’heure où leur procès se déroule, ces braves citoyens marseillais épouvantés par de jeunes rappeurs ne cherchant même pas à dissimuler leur origine comorienne et dont l’un poussera la provocation terrifiante, au moment de sa mort, jusqu’à tourner le dos à ses assassins anxieux.

De tels semblables épisodes étant légion, sans doute serait-il bienvenu, dans un premier temps, d’interdire de sortie, à l’heure tardive des collages d’affiches ou des manifestations casquées, bottées et tricolores du ler Mai, tout ce qui est jeune, vivant, bronzé et désarmé, pour que s’apaise l’angoisse et l’intranquillité de cette France qui a peur, armée jusqu’aux dents et que la présence d’innocents non conformes au portrait-robot de Dupont-Lajoie amène régulièrement à commettre l’irréparable.

Floréal