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Nantes

Sans-papiers : nouvelle bavure

Le jeudi 25 juin 1998.

Le 13 juin dernier, l’État français a encore frappé. Il a de nouveau commis l’irréparable. En expulsant un sans-papiers, le gouvernement de la gauche plurielle a jeté la honte sur la France. En « reconduisant à la frontière » M. Banaba N’Ganga, il l’a condamné [1]. Il a été arrêté comme on arrête un assassin. Un procès sommaire l’a jugé. Il a été séquestré, drogué, attaché par des menottes dans le dos durant des heures. Les soutiens, qui sont venus empêcher que l’irréparable soit commis, ont été réprimés dans la violence par des membres des forces de « l’ordre ».

Une initiative du Comité Anti-expulsion nantais visait à empêcher son expulsion. Dès 5 h 30, nous nous sommes retrouvés une cinquantaine de personnes devant le centre de rétention. Vers 6 heures un véhicule de la police, dans lequel M. N’Ganga avait pris place, est sorti en trombe derrière nous alors que tombaient les premiers coups de matraque des policiers. Aussitôt, nous nous sommes précipités vers nos voitures et nous sommes lancés à la poursuite de la camionnette qui se dirigeait vers l’aéroport de Nantes-Atlantique. Arrivés à l’aérogare, nous avons pénétré sur le tarmac sans aucune difficulté [2] et immobilisé la « voiture de la honte ». À l’intérieur, quatre flicards escortaient le sans-papiers. Ils l’avaient drogué, attaché dans le dos. Celui-ci, tête baissée, le regard vide, les traits tirés ne donnait presque plus signe de vie.

Nous avions alors une lueur d’espoir lorsque l’avion de la compagnie belge Sabena, dans lequel il devait embarquer prit son envol. Mais le réconfort fut de courte durée. Sous les coups des gendarmes et policiers (qui savent s’entendre lorsqu’il s’agit de mater), nous avons dû quitter le siège.

M. N’Ganga a été violemment extirpé du véhicule et traîné sur plusieurs mètres pour être finalement embarqué dans une autre voiture en direction de Paris. Non content de vouloir expulser un homme, ils s’en sont pris à tous ceux et celles qui venaient exprimer leur solidarité.

M. Banaba N’Ganga est parti lundi matin 15 juin de l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle vers Kinshasa via Bruxelles.

Une nouvelle fois la xénophobie d’État a triomphé. Cet État qui traite des humains comme des animaux, qui organise méticuleusement leur déportation, ayant un souci particulier pour les petits détails du voyage nous rappelle étrangement une époque de sinistre mémoire Le mouvement qui dirige la manœuvre a beau se parer d’une idéologie humaniste, les faits parlent toujours malheureusement d’eux-mêmes. À mesure que de telles attitudes xénophobes sont perpétrées par l’État français on réinstitue petit à petit un délit de nationalité.

P’tit Filou
CNT, Scalp (Nantes)


[1M. Banaba N’Ganga est membre d’un parti d’opposition dans l’ex-Zaïre, dont les leaders sont détenus dans les geôles de Kabila.

[2Rappelons cependant que le plan Vigipirate en vigueur aurait pu entraver l’invasion des pistes