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La réduction du temps de travail à l’heure d’été

Ça sent déjà l’hiver !

Le jeudi 3 septembre 1998.

On vous l’avait bien dit : la réduction du temps de travail à 35 heures allait être un jeu de dupes. Les premiers accords valident malheureusement cette opinion. En juin, lors de la signature chez Téléassurances (250 salariés) d’un pré-accord de la loi Aubry, des syndicats minoritaires acceptent que le travail soit imposé le samedi aux salariés et que les nouveaux embauchés ne bénéficient pas des mêmes conditions de travail que les plus anciens. Les syndicats majoritaires ont dénoncé l’accord. Quelques semaines plus tard, les très réactionnaires patrons de l’UTMM (métallurgie) arrivent à faire signer à FO, la CFTC et la CGC un accord sur les 35 heures qui maintient le temps de travail à 39 heures grâce à un volant plus important d’heures supplémentaires. Il n’y aura pas de nouvelles embauches ! Et même si le gouvernement n’a pas encore donné son accord pour valider cette négociation en trompe-l’œil, les fédérations patronales du bois, de l’ameublement, du bâtiment et du textile étudient de près l’accord de l’UTMM pour en tirer le meilleur parti dans le cadre de négociations à venir. Leur tactique repose toujours sur la dénonciation des conventions collectives. Pour couronner cet été 1998, le 18 août, le patronat de l’industrie sucrière signe un accord avec la CFDT, la CGC et la CFTC. L’accord ne prévoit pas d’obligation d’embauches, et selon la CGT qui dénonce cette signature, « vise à flexibiliser l’emploi des salariés, notamment du fait de l’annualisation ».

Une pression de plus en plus forte

Au vu des 150 accords signés à ce jour, il est quelques faits qui méritent d’être relevés. Tout d’abord, l’initiative de proposer la RTT vient majoritairement du patronat : cela en dit long sur la pression qui pèse sur des salariés qui n’osent pas aborder la question dans leur entreprise. Ensuite, le gouvernement n’hésite pas à donner son aval à des accords qui sont signés par des syndicats pourtant minoritaires dans l’entreprise ou la branche : la collusion patronat-gouvernement trouve là un terrain privilégié. Ensuite, comme dans l’accord avec les patrons du sucre, Martine Aubry est capable de donner sa signature en s’asseyant sur la question des embauches (pourtant fondement du projet sur les 35 heures) et du respect de la convention collective. Bien sûr, tous les accords signés ne sont pas négatifs pour les salariés. Mais beaucoup trop s’accompagnent de flexibilité salariale, de gel des salaires ou des primes d’annualisation du temps de travail, d’une remise en cause des jours fériés…

Dans le même temps, l’été, décidément assassin pour la justice sociale, nous apprenait une baisse des impôts pour les entreprises. Cette diminution de la taxe professionnelle représente 8,4 milliards de francs. On pourrait prendre ce coûteux cadeau au patronat pour un « donnant-donnant implicite » comme le justifiait Le Monde du 23 juillet. Voilà peut-être l’une des raisons qui a amené le CNPF à faire volte-face début 1998 au cours d’une brève et peu convaincante campagne contre les 35 heures.

Cela a déjà été souligné dans ces colonnes : la revendication historique du mouvement ouvrier sur la baisse du temps de travail a été usurpée par le gouvernement. Toute revendication qui n’est pas appuyée par un mouvement social fort est soit perdue d’avance, soit trahie. C’est bien ce qui se passe ici : la réduction du temps de travail, nouveau jouet entre les mains du patronat et de l’État, est porteuse de trahisons et de recul pour tous, salariés ou non.

Daniel
groupe du Gard