Accueil > Archives > 1998 (nº 1105 à 1145) > 1132 (17-23 sept. 1998) > [L’An 06 d’une petite république éducative libertaire]

L’An 06 d’une petite république éducative libertaire

Le jeudi 17 septembre 1998.

Onze enfants, une nouvelle instit — Laurence — (un grand merci en passant à Thyde et à Bernard qui pendant cinq ans ont eu ce courage d’oser leurs compétences et leurs doutes au grand jeu de l’espérance révolutionnaire) en provenance de « Aime moi à grandir », l’animateur (merci à Françoise, Alayn, Cyril, Laurent, Nathalie d’avoir défriché le terrain d’une fonction aux cent mille visages) charismatique de l’an passé — Ludo, alias Nounou —, une demi douzaine de familles, une association de trois cent membres, la poursuite — cinq ans plus tard — d’un projet (sans dieu ni maître) d’éducation à la liberté, à l’égalité, à l’autogestion, à l’entraide, à la citoyenneté par l’apprentissage de la liberté, de l’égalité…, l’école libertaire Bonaventure persiste et signe.

Septembre 1998, après cinq ans de fonctionnement, l’école libertaire Bonaventure a en effet entamé sa sixième année de fonctionnement.

Disons le tout net, il y a cinq ans je n’aurais pas parié un rouble sur la capacité de ce projet à survivre plus de quelques mois ou quelques années.

Une école libertaire, un centre éducatif libertaire, une république éducative libertaire…, arc-boutés sur le projet fou d’apprentissages scolaires fondamentaux mariés à un apprentissage éducatif libertaire et citoyen (conseil d’enfants, conseils d’adultes, commissions, congrès…), le rêve insensé d’une alternative scolaire et éducative hissant haut et fort le drapeau de l’égalité des chances, de la gratuité, de la laïcité, de l’égalité des revenus, de la propriété collective, de la gestion collective.., la volonté rageuse d’œuvrer à des processus fédérateurs au sein des aires alternatives de tous ordres, l’ambition affichée de s’inscrire dans un mouvement social révolutionnaire et libertaire,…c’était évident que la pierre ponce de la réalité allait très vite se charger d’user le rêve.

Cinq ans plus tard le rêve n’est pas usé !

Mieux, il s’est autonomisé puisque les fondateurs (dont je m’honore d’être) de Bonaventure ont passé le relais pour cause d’entrée en sixième de leur progéniture. Comme quoi !

Oh, bien sûr, cinq années d’existence de Bonaventure comme la sixième année à venir n’ont pas changé et ne changeront pas la face du monde pédagogique, éducatif, scolaire, social et politique.

Certains — les culs serrés d’une radicalité à la mode du y’a qu’à — s’en sont déjà offusqués et ne se sont pas privés de nous expliquer ce que NOUS aurions dû faire.

Reste que la première Bonaventurienne à avoir fait toute sa scolarité primaire à Bonav semble (au niveau scolaire) être une « bonne » collégienne, que les petit(e)s Bonaventurier(e)s ont toujours dans le regard cette étincelle de vie qui en dit long sur…, que tous ceux et toutes celles qui ont un jour posé le pied sur la planète Bonav n’en finissent plus de se regarder dans le miroir de leurs rêves ou de leurs impuissances, que Bonav la libertaire est aujourd’hui au cœur d’une réflexion sur la politisation dans un sens révolutionnaire de l’alternative pédagogique et éducative et sur l’inscription dans le palpable social de l’alternative politique révolutionnaire, que le commando Bonav a réussi à nouer des liens avec l’immense armée des bras nus de l’éducation populaire sénégalaise, que la petite fenêtre d’un rêve pédago, éducatif, social et politique s’entrebâille chaque jour un peu plus pour…, et que 80 personnes (dans un village de 300 habitants) sont venus, samedi 12 septembre 1998, à Bonav, déguster un Tibou Dien (plat national sénégalais) de solidarité avec les enfants des rues du Sénégal et leur rêve d’une éducation populaire internationaliste.

C’est à l’évidence peu mais, dans la nuit noire de notre révolte, mieux vaudra toujours allumer une minuscule bougie que de maudire sans fin l’obscurité

Jean-Marc Raynaud