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Bonaventure /AUPEJ

un rendez-vous réussi !
Le jeudi 17 septembre 1998.

Une rencontre incroyable entre des animateurs d’une petite république éducative oléronaise et ceux d’un quartier pauvre d’une ville du Sénégal, une volonté commune de s’ouvrir, des curiosités croisées…et la magie de la solidarité opéra. Actions utiles Pour l’Enfance et la Jeunesse regroupe des centaines d’enfants, Bonaventure scolarise de 6 à 12 enfants.

Les animateurs de Tivaouane sont volontaires et non rétribués, l’équipe pédagogique oléronaise galère dans la même précarité économique. Les parents d’AUPEJ et de Bonaventure partagent les mêmes angoisses quant à l’avenir scolaire de leurs enfants ou à celle plus fragile de la structure éducative. Bref une sororité que personne ne nie.

Nous avons eu beaucoup de chance ! des contacts croisés par l’intermédiaire de voyageurs, d’un sociologue et d’invitations (deux séjours au Sénégal pour partager la mise en place d’un réseau d’écoles alternatives ou l’élaboration d’une charte de l’éducation populaire) ; des échanges scolaires lents mais toujours présents, des militants associatifs accrochés aux branches fluctuantes de la solidarité. Cinq années de croissance parallèle, cinq années d’évolutions similaires mais inversées, cinq années de galères qui transformeront des initiatives particulières en une perspectives de mouvement éducatif autogéré au-delà des frontières, des conditions de vie, de pauvreté, des cultures.

Des évolutions intéressantes

AUPEJ n’avait au départ aucun moyen : pas de local, pas d’argent, pas de professionnels, un modèle scolaire hérité du colonialisme.

Néanmoins elle a su inscrire définitivement ses activités dans les préoccupations des populations du quartier Fogny de Tivaouane. Parallèlement à l’évolution de centres éducatifs (une classe d’initiation à la vie sociale pour les enfants de moins de 6 ans, des animations culturelles, des séances de soutien scolaires etc.) elle a été à l’initiative de pôles économiques et sociaux émancipateurs (une caisse de crédit des femmes, une coopérative de distribution de denrées alimentaires, une mutuelle de santé).

Elle a lancé en 1997 un lycée autogéré expérimental. En mettant à disposition des établissements scolaires du « formel », des associations de parents d’élèves le matériel envoyé par Bonaventure, elle n’a pas coupé les ponts avec l’enseignement public mais au contraire renforce les outils culturels et scolaires de ces établissements. Bonaventure quant à elle n’a jamais comblé le fossé qui perdure entre l’Éducation Nationale et les expériences éducatives alternatives. Tout simplement parce qu’AUPEJ a réellement outillé un mouvement social permanent, alors que Bonaventure n’a pu faire de même dans un contexte économique et social apparemment plus facile !

Des échanges de réseaux

Dès sa création, Bonaventure a créé un réseau de solidarités (financières, culturelles, matérielles) important : c’était le prix à payer pour une totale indépendance politique et pédagogique ; ce réseau au bout de deux ou trois ans a débouché vers des sphères d’échanges avec les mouvements pédagogiques ou syndicaux alternatifs. Elle s’est donc nourrie de la mouvance radicale (libertaire, associative…) et a pu également élargir l’assise sociale de ce mouvement politique.

En matière culturelle et éducative elle a inscrit « la pédagogie libertaire » résolument dans l’action politique et pédagogique ; ce qui n’avait été fait en France depuis 1917 (date de la disparition de la Ruche). Ce tissu social et politique a également été mis au service d’AUPEJ dans la mesure où Bonaventure a servi de liens entre des expériences sociales et culturelles qui s’ignoraient dans un même pays. AUPEJ a en effet des difficultés à élargir l’expérience culturelle et sociale de tout un quartier à d’autres villes ou situations sociales. En invitant un responsable d’AUPEJ en France pour participer à des travaux ou des colloques portant sur l’éducation populaire, Bonaventure aide cette association sénégalaise à construire un réseau politique national ou international qui lui manquait.

Des perspectives communes

Dans les mois à venir, AUPEJ devra consolider le mouvement social de Tivaouane par la dotation d’outils de démocratie directe (structuration associatives consolidées, création de commission de travail, création de solidarités financières populaires). Bonaventure quant à elle doit à partir des réseaux multiples connectés entre eux construire une véritable démarche d’éducation populaire alternative. Ce sont des paris vitaux pour les uns et les autres.

Pour Bonaventure et AUPEJ : Moussa Diop et Thyde Rosell.