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Danse

Que viva « Mediterranea » !

Le jeudi 24 septembre 1998.

À Lyon, depuis huit ans se tient la Biennale de la danse. Cette manifestation artistique prend de l’ampleur, puisqu’elle s’étend dorénavant à toute la région Rhône-Alpes. Cette année, pour la seconde fois consécutive, en plus de la quarantaine de spectacles produits en salle, un défilé géant est offert à la population. Il est organisé par les quartiers de Lyon mais surtout par les banlieues périphériques. Cette année, Grenoble et Chambéry étaient également présentes. Durant cinq mois, les habitants(tes) de quartiers, à travers les associations, les MJC, les compagnies artistiques, travaillent d’arrache-pied pour préparer leur défilé en fonction du thème retenu. Pour ce mois de septembre 1998, c’était la Méditerranée. Onze pays étaient représentés par des troupes de danse. Guy Darmet, directeur artistique de la Biennale, en avait dessiné le cadre. « Sur les deux rives entre indifférence et préjugés, rejet et repli, la voie est étroite pour les baladins. Et pourtant, quel combat ils mènent dans tous ces pays pour la liberté, l’ouverture et la tolérance. Avec leurs corps, leurs voix, leurs rires ou leurs larmes, ils luttent en première ligne contre les intégristes et fanatiques de toutes obédiences ».

Bien sûr cela a fortement dérangé les élus FN locaux. Le vice-président FN de la commission culturelle de la Région, alias Pierre Vial (fondateur du GRECE, Groupement de recherche et d’étude pour la civilisation européenne), n’y est pas allé par quatre chemins. Il a dénoncé « un conditionnement mental visant à tirer la France vers le Sud et à valoriser un processus de colonisation culturelle conséquence de la colonisation de peuplement que subit notre pays ». Bref, toute la haine baveuse habituelle du FN. Ce dernier a donc refusé de voter les 180 000 FF alloués par le Conseil Régional à la Biennale. La gauche (PS, Verts) dans son « grand » combat d’obstruction à Charles Millon, président honteux de la Région, a choisi de s’abstenir. Le PC a voté pour, mais il ne fait pas le poids… Malgré cette prise en otage politicienne et malgré une pluie de plus en plus violente, le défilé a pu avoir lieu et ce sont 40 000 personnes qui, sous leurs parapluies, sont venues vivre ce magnifique moment.

Au son des percussions les plus diverses, parés des couleurs multicolores du Sud, les 3 000 danseurs(euses) occasionnel(le)s nous ont fait vivre un mélange de cultures éblouissant. Plus de frontières, plus de nationalisme chauvin, mais au contraire un élan d’échange, d’émotion et de solidarité. Tout le contraire de cette horrible coupe du monde où seul le drapeau bleu blanc rouge servait de rassembleur afin d’ovationner les pros du sport sponsorisés et médiatisés jusqu’à l’overdose (sans parler de la manipulation politique à laquelle s’est livrée l’État). Auto-organisation des acteurs du défilé, internationalisme combattant le racisme, à quelque niveau qu’il soit, tel a été le message de cette journée particulière.

Dans sa volonté récupératrice, de suite, la gauche locale a placé ce défilé dans la lignée de la coupe du monde et de sa prétendue force capable de faire reculer les idées du FN ! Nos socialeux n’ont ni lucidité politique ni même un brin de scrupules. Mais hélas, cela n’est pas nouveau… Quant on sait, de surcroît, que leur plan pour renverser Millon consisterait, au nom d’un vaste front républicain à redonner la présidence à un élu de droite « honnête », on voit bien le triste spectacle que nos politiciens de gauche sont capables de nous offrir. En tout cas, un grand coup de chapeau à tous ces danseurs inconnus qui ont su nous rappeler magnifiquement que nous sommes tous et toutes du genre humain. De même, les élus de gauche osent évoquer les valeurs républicaines de la France concernant l’accueil des étrangers alors qu’au moins 60 000 d’entre eux vont entrer dans la clandestinité après avoir été fichés par les préfectures. Que ce soit à tous les niveaux de notre vie, et « Mediterranea » en est une belle preuve, pour notre émancipation, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes.

Jaime
groupe Kronstadt (Lyon)