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Lecture

« L’Ékritir lot koté la mèr »

André Robèr
Le jeudi 24 septembre 1998.

Notre compagnon André Robert fait paraître son premier recueil de poésie illustré de quelques uns de ses dessins.

Mais, si vous ne le connaissez pas, ne croyez pas qu’il débute en création artistique, ou en anarchie, ce qui est la même chose. Pour les dix ans de Radio libertaire (1991), dont il anima une émission sur la peinture, il fut à l’origine d’un colloque passionnant sur « L’Art et l’Anarchie » rassemblant peintres dessinateurs et poètes. Un ouvrage, devenu rare, fut publié à cette occasion.

Le Poète

Tantôt en langue créole tantôt en français, les poèmes d’André Robert font le lien entre Marseille ou il habite et La Réunion ou il est né. Une vieille relation faite d’amour et de violence, de révolte contre l’arrogance et la domination des maîtres de tous les temps et de toutes les espèces.

On raconte que La Réunion doit son nom à la Convention qui en 1793 voulut en le choisissant symboliser la réunion des gardes nationaux parisiens et des fédérés marseillais pour déboulonner de son piédestal le roi Louis XVI, cet insipide Bourbon. S’unir pour chasser un maître…

D’un bout du Monde à l’autre…

Dans le « farfar » de Robér, à Marseille et à La Réunion, loin de l’autre coté de la mer, dans sa besace gonflée des vents tamouls de l’Inde, chargée des racines odorantes du vétiver, ce parfum qui ne suffit pas à éloigner les insectes-colonisateurs, c’est plein d’amour et de cris.

Les gants de boxe d’Arthur Cravan s’éclairent d’un soleil noir. Un peu d’espoir avec Max Stirner qui nous « désot la Kroyans » ; on entend le tambour des Malabars, on aspire le goût du rhum et des « litchis ».

En parler créole ou français, sur le fil fragile qui relie le pays natal et Marseille, André Rober nous peint ses rêves et ses révoltes, ses amours et ses noires colères.

Réunis… pour se rendre libres…

Fil symbolique, lien nécessaire et libertaire que celui-là qui nous rappelle les premiers coups de boutoir des « Fédérés » de 1792 contre les monarques de droit divin, dont la République néo-jacobine a pris sans honte la méprisable relève.

Symbole aussi des spéculations capitalistes des marchands et des maîtres d’esclaves, qu’ils soient royaux, impériaux ou républicains.

Du Bourbon au Bonaparte, en passant par les Compagnies des Indes, ces multinationales du XVIIIe siècle, ce fut à qui tirerait le plus grand profit de la sueur d’hommes asservis.

Il est plus que jamais actuel le chant du poète, s’il peut réveiller les « Z’oreilles », qui après avoir coupé celles des esclaves sont restés sourds à la justice dans la liberté.

L’œuvre de solidarité anti-autoritaire qui, en 1792, fut à l’origine du nom de Réunion s’est interrompue. Il reste à la poursuivre. C’est bien à cette tâche que se sont attelés les jardiniers-poêtes de l’Anarchie, qu’ils soient réunionnais, marseillais ou d’un autre coté de la mer : On dit en effet que la devise de l’Île de La Réunion est : « Je fleurirai partout où je serai porté »…

Archibald Zurvan


Éditions K’A (Marseille) et Grand Océan. (Saint-Denis de La Réunion)