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Sécu

le démantelement continue
Le jeudi 1er octobre 1998.

C’est un scandale !

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, une invention de Juppé, doit être prochainement débattu au parlement (du 26 au 29 octobre). Dans l’état actuel, elle définit deux axes principaux : la « maîtrise » des dépenses de santé et des mesures dites en faveur du système de retraite. Martine Aubry, nous annonce donc des comptes équilibrés, voire même légèrement excédentaires, pour 1999, après un déficit de 13,3 milliards de francs en 1998.

Mais de quoi parle-t-on ? Si le gouvernement peut aujourd’hui s’auto-féliciter de sa gestion du système, c’est d’abord parce qu’il a continué d’appliquer un plan de rationnement des soins sans précédent. Autrement dit, ce « redressement » comptable et totalement théorique ne fait aucun cas des besoins réels de la population et ces chiffres ne constituent qu’un rideau de fumée, masquant les véritables enjeux.

Des discours alibis

Depuis quelques mois, le gouvernement n’a cessé de s’alarmer — le plus bruyamment possible — au sujet d’une pseudo « dérive » des dépenses de santé ; dérive qui aurait atteint 6 milliards de francs cette année. Mais si l’on rapporte cette somme au budget total de la Sécu (1 300 milliards de francs), elle est tout bonnement dérisoire. Elle est d’ailleurs encore plus insignifiante quand on la compare à la dette du patronat envers l’URSSAF (l’organisme collecteur pour l’ensemble des branches de la Sécu) : les impayés des dirigeants d’entreprises s’élevaient, au 31 décembre 1996, à 87 milliards de francs (beaucoup plus si l’on veut prendre en compte une estimation des fraudes !). Nous pouvons également comparer les montants du déficit officiel et des « dérapages » à la somme que représente l’ensemble des exonérations de charges sociales dont bénéficient les employeurs, soit 52,7 milliards de francs en 1996 ! Les déficits de 40 à 50 milliards des années précédentes étaient donc eux-mêmes de pures inventions, d’artificielles créations comptables. Aujourd’hui, la méthode reste inchangée : le pouvoir se trouve des chiffres prétextes pour justifier une politique de démantèlement programmée.

Une politique pour les riches et pour les trusts

Sur de nombreux points, le gouvernement veut assurer son identité de gauche plurielle, mais sa politique est aux antipodes de la justice sociale. Politiquement, il a tenu à donner quelques signes sur son aile gauche en jouant les gros bras vis-à-vis des laboratoires pharmaceutiques, en mettant ceux-ci à contribution pour environ deux milliards de francs. La manœuvre est médiatiquement efficace mais sait-on que les 318 laboratoires français ont réalisé pas moins de 130 milliards de francs de chiffre d’affaire en 1997, dont 94 milliards en France ? Par conséquent, la sanction gouvernementale ne va pas vraiment les déranger !

Un autre exemple succulent : le report aux calendes grecques de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.

Sur les retraites

Sur les retraites… c’est encore les mêmes qui vont trinquer. Le projet de loi de financement intègre la création d’un « fond de réserve » destiné, toujours en théorie, à consolider les régimes par répartition dans la perspective du « choc démographique » vers 2005. Là encore, qui peut adhérer à une telle farce ? Le choc démographique en question est déjà une notion suspecte, et qui doit être fortement relativisée. Si l’on veut se livrer à ce type de prospective, on ne peut s’obnubiler sur le « vieillissement » de la population et le ratio actifs/retraités. On doit aussi prendre en compte l’augmentation de la productivité (les actifs de demain produiront beaucoup plus de richesses que les actifs d’aujourd’hui, même s’ils sont moins nombreux) et le fait, par exemple, que la diminution du nombre d’individus de moins de 20 ans signifierait également des économies substantielles… Mais cela peut être le sujet de tout un débat sur le type de société que nous voulons construire…

Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : le gouvernement prépare le terrain pour de nouvelles attaques contre les retraites. C’est pourquoi il s’est bien gardé de dresser un constat de la situation des retraités. Mais la réalité, la voici : le montant moyen des retraites servies par le régime général de sécurité sociale n’est que de 2 805 FF mensuel. Il faut aussi savoir que 400 000 personnes sont au minimum vieillesse (un peu plus de 3000 FF par mois) et que des milliers de personnes sont obligées de travailler jusqu’à 65 ans et plus pour se garantir une retraite de misère. Notons que le 22 octobre prochain aura lieu une mobilisation unitaire des retraités, à Paris et dans les principales villes, pour revendiquer principalement le retour au calcul sur les 10 meilleurs années de la pension et les 37,5 annuités…

Nous n’aurons que ce que nous prendrons !

Au bout du compte, on sait que, depuis 1990, près de 540 milliards de francs supplémentaires ont été prélevés sur les ménages. La gauche, gestionnaire, n’a aucunement l’intention d’inverser la tendance, bien au contraire. En se basant sur sa longue expérience des années Mitterrand, elle continue de nous faire gober des mesures qui, prises par la droite, auraient déclenché des mouvements d’ampleur. Pourtant la politique menée par Jospin contre la Sécu n’est pas moins grave que celle de Juppé ! Une fois de plus, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes et nous devons nous atteler à construire nos propres réseaux, sur des bases clairement révolutionnaires et libertaires, pour la reconquête de la Sécurité sociale, pour revendiquer la socialisation des services publics hospitaliers, et pour en finir avec toute logique marchande, pas moins que ça !

Jelif
groupe Kronstadt (Lyon)