Accueil > Archives > 1998 (nº 1105 à 1145) > 1134 (1er-7 oct. 1998), marqué 1er-6 oct. > [Non aux lois racistes]

Belgique

Non aux lois racistes

Le jeudi 1er octobre 1998.

Les flics belges sont très forts

En temps qu’acteurs de cette société, munis de ces fameux papiers qui nous donnent droit à ce minimum d’existence, il ne s’agit pas de savoir si nous devons ou non « accueillir toute la misère du monde », ni comment repousser une hypothétique invasion. Notre alternative refuse de penser en termes de globalité abstraite, fondée sur des fantasmes et des constructions imaginaires.

Nous proposons de penser la situation concrète, telle qu’elle se présente ici et maintenant. Et de penser que dans ce pays, où nous vivons et luttons, il existe une catégorie de personnes déclarées illégales de part leur simple statut d’étrangers, et qui se voient ainsi privées de tous droits, niées dans leur condition d’humains et traitées comme de simples microbes à éliminer.

Et de se rendre compte que cette situation concrète est le fait des habitants de ce pays. Des hommes politiques qui ont soutenu le projet de loi Vande Lanotte, qui organise le cadre juridique de cette situation de non-droit. De l’administration, qui applique cette loi avec un zèle tout particulier. Et de la majorité des hommes et femmes de ce pays, qui acceptent cette situation par ignorance, désintérêt, fatalisme, voire pire…

Une société qui organise une situation déniant à des hommes, d’où qu’ ils viennent, jusqu’à leur humanité, est à l’image de cette loi. Sans réaction inverse, elle s’engage dans une voie tendant à déshumaniser toute catégorie de personnes, voire chaque individu, dès lors qu’il est considéré comme gênant. Il suffit de penser aux chômeurs, devenus de simples données statistiques à éliminer, sans tenir compte aucun de leur situation concrète.

Cette situation est créée au nom de la survie même de notre société, et du maintien d’on ne sait quel équilibre, menacés par tel ou tel mythe, tous plus abstraits les uns que les autres et qui exploitent un imaginaire collectif en crise. La situation concrète, ce sont les camps pour étrangers, dans lesquels sont enfermés hommes, femmes et enfants et dont l’accès est strictement contrôlé et limité, où sont prévues des sanctions qui vont de la privation de courrier ou de visites, à l’utilisation de menottes aux pieds et aux mains, de la camisole de force à l’enfermement en cellule d’isolement (entre autres pour tentative de suicide).

Violence et inhumanité

Ce sont des expulsions qui se déroulent souvent dans des conditions d’extrême violence. Les récalcitrants sont traînés dans l’avion menottés aux pieds et aux mains. Il est permis de leur plaquer un coussin sur la figure pour étouffer leurs cris et éviter leurs morsures. Certains vont jusqu’à se mutiler en avalant des lames de rasoir pour éviter l’expulsion.

Ce sont des milliers de personnes qui se font refouler à l’aéroport avant même d’avoir pu mettre le pied sur le territoire belge sans aucun contrôle et sans possibilité de se défendre.

Ce sont des individus et des familles entières qui vivent cachés, à qui l’on a supprimé tout droit au travail, à l’enseignement, à la santé, à la vie, qui vivent l’angoisse permanente d’être capturés par les forces de l’ordre.

La loi Vande Lanotte est en application depuis 1996. Ses effets nous démontrent chaque jour que nous avons dépassé les limites du supportable.

Sous prétexte de s’attaquer à l’immigration clandestine, le gouvernement belge a mis en place un appareil répressif sans précédent, digne d’une dictature. En s’attaquant aux étrangers, il s’ attaque à tous les citoyens.

Sauf à planter des barbelés partout, on ne maîtrise pas l’énergie du désespoir qui pousse les plus pauvres vers nos frontières. Le contrôle des flux migratoires est un leurre. Il crée en réalité les clandestins, privés de tous droits, qui n’ont pour seule ressource que de se soumettre à l’exploitation du travail au noir, constituant ainsi une pression sur les salaires et les conditions de travail des autres travailleurs.

À qui la faute ? À celui qui n’a que cette solution pour survivre ou à celui qui profite de la situation pour se faire toujours plus de profit.

Ceux qui nous construisent une société ultralibérale n’ont pas de critiques contre l’ouverture des frontières aux capitaux, malgré ses effets désastreux. Aujourd’hui, tout circule librement, sauf les hommes.

La belle idée, et la plus cohérente, ce serait que tout le monde soit libre d’aller où il veut, non pour devenir chair à usine, mais parce qu’il en a envie. Pour y arriver, il faudrait peut-être s’attaquer à la seule question qui tienne en matière d’immigration, celle du partage des richesses. Pour réduire les inégalités entre le nord et le sud. Pour réduire la fracture entre les riches et les pauvres.

Permettre à chacun de vivre décemment. Par notre action contre les expulsions et les camps, en faveur des sans-papiers, nous voulons briser la peur qu’on nous impose et développer une nouvelle pratique de la solidarité, qui s’exprime en actes. Cette pratique, c’est celle qui doit exister chez les chômeurs, les minimexés [1], les pensionnés, les travailleurs… Pour combattre la misère et l’oppression.

La Belgique est devenue un pays d’expulsion massive où, lorsqu’il s’agit d’étrangers, l’arbitraire est de mise et les droits de l’homme mis au placard.

Groupe Alternative libertaire (Bruxelles)


Plus de 5 000 personnes ont participé samedi 26 septembre à la cérémonie d’hommage à Sémira Adamu. Les personnalités politiques se sont vues interdire l’entrée de la Cathédrale.


[1Équivalent belge de « RMiste » (NDLR).