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Belgique

Le Refus de toutes les expulsions

Le jeudi 8 octobre 1998.

Manifestation en Belgique

De passage en Belgique j’apprenais, le 23 septembre, qu’une jeune nigériane avait été tuée par la gendarmerie.

Le 24, appelé par le Collectif contre les expulsions, se tenait un rassemblement devant « North Gate II », nom surréaliste pour l’adresse de l’Office des Étrangers de Bruxelles. D’un côté une foule hétéroclite et crispée, de l’autre une gendarmerie nerveuse qui bientôt mettra le casque et prendra boucliers et matraques. Pourtant, il n’y aura pas de violence. Le rassemblement se transformera en manifestation qui tournera autour de Bruxelles, passant devant « Le petit Château », ancienne caserne relooké « Centre de transit pour étrangers » et se dirigera vers le palais de Justice.

Malgré le peu de cas apporté par la presse locale à cette manifestation, qui parlait de 1 000 personnes (j’en ai dénombré au moins 3 à 4 000), il est plus que probable que la démission, dans les heures qui ont suivi du ministre Tobback (ministre de l’Intérieur, surnommé assez justement ici ministre de la terreur), en était la conséquence.

Il faut dire que dans ce pays, déstabilisé par l’incurie des pouvoirs publics et de ses forces de l’ordre, la mort de Sémira Adamu ne pouvait que fragiliser le gouvernement et sérement le rendre prudent dans sa volonté répressive.

Deux choses apparaissent clairement : d’abord, qu’il faille mort d’homme pour qu’une population clame son indignation et ensuite qu’un gouvernement ne s’émeuve de cette mort, que poussé par cette indignation collective.

Les grand-messes larmoyantes qui suivent les « bavures » de ce genre si elles sont logiques et sans doute nécessaires, sont exaspérantes (voir « l’hommage » rendu ce samedi 26 à la jeune fille dans une église !). Quoi de plus pénible de voir associations, partis et syndicats se dresser dans une belle unanimité pour s’ériger, après coup, en défenseurs de l’humanité. Entendre, en privé, un permanent du parti écolo se féliciter de cette mobilisation et demander que son parti apporte une aide financière au Collectif contre les expulsions, relève pour moi, au minimum, de l’inconséquence et, au pire, de l’opportunisme politique.

Contre les expulsions

Mais trêve d’agacement, aujourd’hui, en Belgique, les reconductions ont été suspendues et ce n’est pas une mince victoire ; le tout est que ce combat puisse s’étendre, renforcé par la prise de conscience d’une grande partie de la population.

Mais au fait, en France, n’y a-t-il pas déjà eu un mort, peut être même plusieurs ? Je crois savoir qu’un Sri-Lankais avait été tué en aout 1991, dans des circonstances analogues. Mais en France, on est moins sensible que nos voisins d’Outre-Quiévrain, il nous en faut plus pour suspendre les reconductions !

Se battre pour changer les lois et les mentalités, se battre pour poser, enfin, les vraies questions. Car la seule question est bien de savoir pourquoi des gens sont mieux, martyrisés chez nous en Europe que, désespérés, chez eux n’importe où ailleurs.

Tant que le système libéral perdurera, exploitant sans vergogne ce que l’on appelle les pays en « voie de développement », laissant des populations entières sans moyen de subsistance, il est utopique de croire que les flux de population puissent être régulés, même en y mettant le prix de la violence.

L’édification d’une forteresse autour de nos maigres privilèges de nantis n’empêchera jamais les affamés de partout, de traverser des fleuves à la nage, de se faire dépouiller par des voleurs, de se faire battre chez eux, de se faire reconduire chez nous, enfermer partout et, avant-hier, de se faire étouffer par un oreiller « réglementaire ». Seule la disparition du capitalisme est le préalable à un équilibre géographique et écologique indispensable à la survie de chacun, dans les meilleures conditions possibles pour chacun.

Bruno
groupe René Lochu (Vannes)