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Lecture

« Rouge c’est la vie »

Thierry Jonquet
Le jeudi 15 octobre 1998.

Si l’on en croit la presse littéraire, la commémoration de Mai 68 n’a pas fait un tabac chez les lecteurs. Et pourtant c’est une vraie avalanche de livres qui a été publiée pour ce trentenaire, Un Amour rouge en fait partie. Son auteur, Thierry Jonquet plus connu pour ses polars Mygale, le Pauvre nouveau est arrivé, Moloch, livre ici un roman à fortes connotations autobiographiques sur ses années 68-73.

À travers le pourquoi de la formation du couple Victor et Léa, ce sont deux itinéraires très différents qui sont narrés : un lycéen engagé chez les trostkistes de Lutte ouvrière et une lycéenne rentrée dans le mouvement sioniste-socialiste Dror. En fait deux échecs et deux amertumes. Ainsi Victor, jeune lycéen, touché par la grâce de Mai 68, ne s’est engagé ni chez les anars « pas sérieux » car « opposés à toute forme d’organisation centralisée », ni chez les maos trop ridicules mais chez les trostkistes. Et premier lieu dans les cercles des sympathisants de Lutte Ouvrière.

Jonquet règle ses comptes avec LO des années 70. Mais son fonctionnement a-t-il beaucoup changé depuis ? Ne sont pas épargnés aux lecteurs : le culte de la clandestinité totalement dérisoire voire stupide, l’embrigadement, l’ambiguïté sexuelle du « tutorage/accrochage », l’ouvriérisme pour la piétaille, les cadres clandestins se chargeant de la stratégie.

Victor décrochera de la « Secte », suite à une poignée de main, innocemment tendue à sa « tutrice militante » lors d’une vente de LO devant le lycée où elle professe. Son mentor féminin lui ordonnant peu après « de ne plus lui faire courir de risques » : son entourage professionnel n’étant pas au courant de ses positions engagées ! Dégoûté devant un tel comportement à cent lieues des « Nous ne craignons pas la torture, ni la mort ! » claironnés lors des meetings, il rejoindra les militants de la Ligue communiste, qui vit alors sa période gauchiste.

Et puis ce sera la rencontre avec Léa sous fond de dialogue inoubliable (!) : « c’est Rouge ? », « oui c’est rouge ». Effectivement faire le même jeu de mot avec Le Monde libertaire lors d’une vente à la criée, c’est dur !

Le principal intérêt de ce roman est bien de décrire noir sur blanc ce qui transpire du fonctionnement de LO surtout sous fond de PACS entre Arlette et Krivine, en vue des élections européennes de 1999 !

Jimma
groupe Albert-Camus (Toulouse)