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Lycées

Attention, des casseurs peuvent en cacher d’autres

Le jeudi 22 octobre 1998.

Lycéens en colère

Il y a un mois, nous écrivions : « le calme précédant toujours la tempête, préparons-nous à affronter les remous qui arriveront plus vite que certains le pensent ». Et bien, nous y voilà. Comme depuis pas mal d’années déjà, c’est un mouvement spontané, non encarté syndicalement et politiquement, qui secoue les fondements de la société capitaliste à savoir l’exploitation, l’inégalité sociale et économique. La traditionnelle grève de rentrée des syndicats enseignants ayant été un bide, aujourd’hui ce sont donc les lycéens qui arrivent par leur lutte à faire bouger les choses. Comme quoi on peut être sérieux quand on a dix-sept ans. Le gouvernement est pris, dans une certaine mesure, à son propre jeu. Jospin se vante d’être un réaliste, la jeunesse lui en redemande. Le fric ce n’est pas si neutre que ça et c’est bien de politique qu’il s’agit. Même si l’idéologie n’est pas mise en avant, c’est tout un malaise social qui refait surface. Dans cette logique marchande de consommation à outrance qui nous est proposée comme bonheur terrestre, le fumeux discours ministériel sur le « qualitatif » a bien du mal à passer. Cependant, spontanéité ne rime pas toujours avec pleine conscience.

Allègre, fin renard politicien, le sait. N’oublions pas qu’en octobre 1990, avec son ami Jospin, il ferraillait déjà contre les lycéens en grève. Pour l’instant, il se débrouille bien. Loin de se mettre en porte-à-faux, surfant sur le magma revendicatif, il se la joue copain-copain avec les lycéens en colère. Toutes ses embrassades ont un but bien précis : étouffer. Il a déjà trois beaux coups à son actif sur le dos de cette révolte. D’abord, il a passé en force sa réforme sur les nominations de profs (la déconcentration) via un décret. Ensuite, il continue plus que jamais à précariser le service public d’éducation. Des emplois-jeunes géreront désormais les foyers dans les lycées, quant aux classes surchargées, elles seront dédoublées et assurées par des contractuels corvéables à merci puisqu’ayant un statut de droit privé. Tristes acquis pour les lycéens qui plus tard feront eux-mêmes ce genre de boulots merdiques. Cette carte de confiance envers les lycéens, cette volonté de bien les cloisonner, permettent à Allègre d’éviter la globalisation des problèmes de l’école à l’ensemble de ses composantes (ATOS, profs, parents, élèves). Alors, aux jeunes qui craignent la récupération par les politiques, qu’ils regardent bien qui veut vraiment les manipuler.

Des réseaux pluriels fort utiles

De surcroît, Jospin et Allègre ont de vrais pompiers, déguisés en faux pyromanes pour éteindre l’incendie. Côté lycéens, la FIDL, l’UNL (deux organisations très proches du PS), quoique peu représentatives tentent cependant de prendre la tête du mouvement, avouant clairement « vouloir aider le ministre dans sa réforme ». On comprend mieux pourquoi elles sont ses interlocuteurs privilégiés. Côté politique, le PCF surtout et les Verts continuent leur ignoble double jeu (comme pour les 35 heures, l’immigration, le PACS). Un gros pied dedans, un petit pied dehors, ils cherchent à canaliser et à verrouiller toute velléité de véritable émancipation sociale. Ils appuient la manif du 20 octobre devant l’Assemblée alors qu’ils ont déjà accepté depuis longtemps de voter le budget que leur avait présenté Jospin. Où sont donc les véritables casseurs ? Anarchistes, prônant l’auto-organisation des luttes, nous apporterons, à notre niveau, toutes nos forces pour déjouer la récupération de la jeunesse par l’État et ses zélés serviteurs. Les lycéens, n’ont ni à être aimés ni à être compris, ils ont à prendre eux-mêmes ce qu’ils réclament.

Jaime
groupe Kronstadt (Lyon)