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éditorial du nº 1501

Le mercredi 23 janvier 2008.

La guerre des classes fait rage. Si les médias et les soi disant représentants du prolétariat n’en parlent guère, occupés qu’ils sont à préserver leur gamelle et la fumeuse représentation syndicale, le Médef, lui, dévore à belles dents toutes les avancées durement acquises en cent cinquante ans de luttes. Un secteur qui ne chôme pas, c’est le théâtre ! Pas celui des acteurs, metteurs en scène, machinistes et autres intermittents du spectacle, mais bien celui de la poudre aux yeux que notre bienfaiteur suprême nous balance en pleine poire. Les Rolex, Patek-Philips, chaînes en or avec médaillon et autres bimbeloteries s’étalent complaisamment sur la poitrine chétive du cynique matamore bling-bling de l’Élysée. Les robes signées, dont il serait paraît-il indécent de dire le prix, attifent les divas, et autres déesses de la politique-showbizz ; autant de camouflets infligés avec morgue à la face des travailleurs, des émigrés, des èrémistes, des chômeurs en fin de droit — bref des gueux que tout ce joli monde considére avec insolence et mépris comme un troupeau bruyant voire odorant, taillable et corvéable à merci aux fins de financer les cadeaux somptuaires largement distribués aux nantis et aux riscophiles de tous poils.

Les voyages au bout du monde, les séjours en palais des mille et une nuits, les croisières en yacht, les orgueilleuses et affriolantes histoires de fesses plus ou moins mondaines viennent avec délicatesse nous rappeler de conserver notre rang et de ne pas en faire un pataquès si le prix des denrées de première nécessité a pris 30 pour cent au supermarché du coin plus vite qu’il n’en faut à un chef d’entreprise pour délocaliser au Bangladesh.

Nos maîtres à (dé)penser, férus de respect envers les cocasses et exotiques superstitions officielles et si prolixes en leçons de morale (pas beau fumer, boire, pas beau se soigner, profiter de sa retraite, pas beau de ne pas acheter des soldes, pas beau de ne pas être à genoux devant Sainte Croissance, etc.), pour tout dire si fiers de leur réussite sociale et de leur entregent, battent tous les records de vulgarité, de prétentiardise et de cynisme élitiste à la face de ceux qui en bavent, qui crèvent d’angoisse et/ou de faim ; de ces otages (vous avez dit otages !) d’un monde mis en coupe réglé par la féroce mondialisation néolibérale du fric et de la violence militaire et flicarde. Ah comme nous aimerions, tel certain poète affamé de la révolution de 1848, discerner dans le silence nocturne des mansardes et des HLM, non pas les bang bang de débiles séries américaines, mais le petit bruit aigre et bien réconfortant des couteaux qu’on affûte !