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Les Industrial Workers of the World (IWW_)

Le Syndicalisme d’action directe aux États-Unis

Le jeudi 12 décembre 2002.

Les origines et les buts

À Chicago, le 27 juin 1905, eut lieu, le congrès constitutif des I.W.W. contre les trade-unions dénoncées deux ans plus tard par Malatesta, contre le corporatisme des trade-unions américaines, il était proposé un seul syndicat pour tous les travailleurs « One big union, of all workers ».

Toutes les tendances du mouvement ouvrier, révolutionnaire étaient présentes à Chicago pour affirmer que les travailleurs devaient s’organiser pour contrôler « les pouvoirs économiques, les moyens de production, l’ensemble de la production et de la distribution en s’opposant au capital ».

Le congrès avait été précédé de réunions à Chicago dans le but de créer un syndicat révolutionnaire un manifeste avait été ensuite envoyé à travers les États-Unis, en guise d’invitation au congrès du 27 juin. Ce manifeste, qui était opposé à l’action politique, ne faisait parmi les travailleurs aucune différence de race, croyance ou sexe. Le moyen d’émancipation de la classe ouvrière était la grève générale sociale.

Les I.W.W. proposaient la solidarité effective de tous les travailleurs (alors que les trade-unions restaient dans la collaboration de classe et le corporatisme [1]), et se présentaient comme la structure du nouveau monde. L’American Socialist Labor Party tenta de transformer les I.W.W. en une succursale de leur organisation. Les discussions internes entre partisans de l’action directe et ceux de l’action politique conduisirent à une scission au congrès de 1908. Le socialiste De Leon voulant introduire le parlementarisme dans les finalités des I.W.W, fut exclu du congrès. Il fonda avec ses partisans une organisation rivale basée à Detroit et qui était la courroie de transmission du Socialist Labor Party. Dans, le journal socialiste The Weekly People, il attaqua jusqu’à sa mort les « anarcho-syndicalistes » des I.W.W.

Une des premières actions du congrès de 1908, après l’éviction de la fraction socialiste, fut d’enlever toute allusion à l’action politique dans le préambule [2]. L’action des travailleurs devait se faire, sur le lieu du travail. C’est là que l’on formerait la structure du monde nouveau dans l’ancien. « Les I.W.W., le syndicat regroupant tous les ouvriers, prendrait en main, par la grève générale les moyens de production, il abolirait le salariat et établirait un nouvel ordre social. » Malgré les discussions intérieures, l’idéal des I.W.W. se répandait aux États-Unis.

C’est dans la banlieue de New-York en décembre 1906 que se déroule la première grève avec occupation d’usine, en Amérique. À Goldfield dans le Nevada, une grève menée par les I.W.W, assure un minimum de 4,50 $ par jour. À Portland, dans l’Oregon, les I.W.W. aident à gagner la journée de 9 heures et une augmentation de salaire pour les travailleurs des filatures. Tous ces succès renforcent la popularité des I.W.W. dans le monde du travail.

Vincent St John et Bill Haywood exposèrent au congrès de 1908 les tactiques de l’action directe qui imprégnait toute la philosophie des I.W.W. Une brochure définissait le mot action directe de cette façon : « L’action directe signifie l’action économique des travailleurs, eux-mêmes, sans l’aide trompeuse des leaders réformistes ou de politiciens. Une grève qui est décidée, contrôlée et menée directement par les travailleurs est une action directe.., l’action directe c’est l’action commune sur le lieu de travail pour améliorer les conditions de celui-ci. »

C’est au milieu des travailleurs que les militants des I.W.W. vérifient leurs tactiques d’action directe.

Ainsi, en 1909, en Pennsylvanie à McKees’ Rocks, 6 000 employées de la Pressed Steel Car Company [3] se mettent en grève pour de meilleures conditions de travail, entre autres pour mettre fin au travail à la pièce. Ce sont pour la plupart des immigrés récents que l’A.F.L. rejette. Un comité de grève I.W.W. se forme qui détermine la stratégie de lutte. Des piquets de grèves interdisent aux jaunes (Scabs) de briser le mouvement, des meetings et des manifestations popularisent la grève. Lors d’un accrochage avec la police un gréviste sera tué, il y aura à son enterrement plus de 5 000 personnes de quinze nationalités différentes.

Le premier numéro de Solidarity journal des I.W.W. [4], imprimé à Newcastle, en Pennsylvanie, annonça la victoire. La grève de McKees-Rocks avait apporté de meilleures conditions de travail, mis fin aux entraves au droit de grève et fait grandir la réputation de combativité des I.W.W.

Pour les « Wobblies » (militants I.W.W.) la grève était un moyen de lutte contre le système capitaliste et en même temps une occasion de manifester la solidarité de classe. Les grèves sont donc un entraînement pour la grande grève générale qui expropriera les exploiteurs. La grève générale était envisagée par les I.W.W. de manière plutôt pacifique. Les travailleurs prendraient en charge les moyens de production en occupant tous les lieux de travail.

Cette idée fut reprise par un militant des I.W.W., Joseph Ettor, durant une grève du textile ; le 25 janvier 1912 à Lawrence  : « Si tous les travailleurs du monde veulent vaincre, ils doivent compter sur leur solidarité. S’ils croisent les bras, le monde s’arrêtera. Les travailleurs sont plus puissants les mains dans les poches que tous les capitalistes. Avec la résistance passive, refusant de bouger, se tenant silencieux, ils sont plus puissants que toute la classe possédante. » Jusqu’à la grève générale, il fallait pour préparer celle-ci développer « la solidarité, la conscience de classe et le militantisme ».

Les grèves faisaient partie du combat perpétuel entre la classe possédante et les travailleurs, combat qui comme le rappelle le préambule des I.W.W. doit mener au contrôle complet par la classe ouvrière des moyens de production, les grèves n’obtenant que des améliorations temporaires mais nécessaires.

Les tactiques de l’action directe des Wobblies s’adaptaient aux circonstances, aux différentes conditions de travail. De courtes actions décisives étaient souvent préférées, quand les I.W.W. ne pouvaient soutenir financièrement de longues grèves. Les grèves perlées, les grèves sur le tas et le sabotage étaient différents moyens pour gagner de rapides concessions. L’utilisation du sabotage dans les actions revendicatives des travailleurs a toujours été l’objet de nombreuses controverses.

Le mot « sabotage » semble avoir été utilisé pour la première fois publiquement par Pouget à un congrès C.G.T. en 1897.

Ce mot apparut pour la première fois aux U.S.A. dans Solidarity du 4 juillet 1910 au sujet d’une grève de 600 ouvriers tailleurs qui demandaient la réintégration d’un de leurs camarades. Ils refusèrent de travailler et quand des jaunes furent introduits à leur place, les travailleurs des autres firmes Lann et Company sabotèrent si bien le travail que la compagnie consentit à la plupart des revendications des grévistes.

La controverse sur le sabotage trouva son apogée à un congrès du parti socialiste en 1912. Le Socialist Labor Party n’acceptait pas pour membres ceux qui étaient opposés à l’action politique ou partisans du sabotage ou de tout autre moyen violent pour l’émancipation du prolétariat. C’est ainsi que l’aile gauche du parti fut exclue.

Un militant des I.W.W., Bill Haywood subit le même sort. Il avait été délégué en 1910 au congrès de la IIe Internationale en Europe et déçu, en revint pour militer pour un socialisme, en « bleu de travail », pour l’action directe et la grève générale. Dans la presse des I.W.W., les articles sur le sabotage furent particulièrement nombreux entre 1913 et 1917, quand la répression porta un coup mortel à l’organisation.

Depuis 1910, il y avait eu surtout des traductions d’articles européens. La position officielle des I.W.W. s’est toujours un peu démarquée vis-à-vis du sabotage.

Ainsi en 1913 on pouvait lire dans Industrial Worker : « Le programme des I.W.W. offre la seule solution au problème du salariat, solution avec violence ou au mieux réduite au minimum. » De toute façon dans la littérature et les journaux des I.W.W, le sabotage restera toujours avec le chat noir le symbole de l’action directe [5].

Dans la réalité nombre de grèves menées par les I.W.W. se déroulèrent sans violence. Les patrons américains par contre ayant vu le danger de cette organisation syndicaliste révolutionnaire, armèrent leurs propres milices… La presse manœuvra l’opinion publique en présentant les « wobblies » comme des terroristes lanceurs de bombes, puis des saboteurs allemands payés par l’or du Kaiser, enfin des bolcheviques voulant soviétiser les U.S.A.

Propagande et grèves

Malgré toute la campagne de presse dirigée contre eux les I.W.W, continuaient d’étendre leur influence et de propager l’idée de « One big union for all workers ». Nombre de leurs militants étaient travailleurs saisonniers et diffusaient le Little Red Book (chansons pour activer les flammes du mécontentement), recueil de chansons révolutionnaires qui contribuèrent à populariser le mouvement des I.W.W. dans la classe ouvrière.

Toutes les idées des I.W.W, étaient contenues dans ces chansons qui soit à partir de musiques originales, soit reprenant des airs connus, retraçaient les luttes des travailleurs. Joe Hill membre des I.W.W, fut l’un de ces bardes itinérants qui traversaient les U.S.A. en quête de travail, allant d’une union locale I.W.W, à l’autre. Selon le folkloriste John Greenway ce petit recueil de chanson fut « la première grande collection de chansons de travail. » Il était édité par l’union locale I.W.W. de Spokane ; beaucoup d’ouvriers étaient obligés par leur travail saisonnier de parcourir continuellement les U.S.A., et pouvaient ainsi propager partout l’idéal syndicaliste des I.W.W.

Une autre forme d’action directe développée par les I.W.W. fut la prise de parole dans la rue, nommée « soap box speeches » car pour parler, l’orateur se mettait sur une caisse à savon (soap box). Pour obtenir le droit de s’exprimer dans la rue, les militants des I.W.W. menèrent de rudes campagnes de 1908 à 1916.

Ce, droit était vital pour les I.W.W, car il leur permettait de contrer les agences d’emploi et d’organiser le boycottage de celle-ci. Les employeurs devaient passer par le syndicat, par l’union locale I.W.W. remplissant alors le rôle d’une bourse du travail.

À travers ces campagnes les unions locales comme celle de Spokane obtinrent, le droit à la parole, celui d’avoir un local et de publier un journal. Dans les régions où ils n’étaient pas implantés, les I.W.W. recrutaient de nouveaux adhérents par leurs "soap box speeches".

En même temps qu’une méthode d’action directe ce droit était vital pour eux.

On pourrait penser que les I.W.W. ne pouvaient s’implanter et avaient une influence que parmi les travailleurs saisonniers comme les bûcherons et les cueilleurs de fruits. Il est vrai, que la propagande des I.W.W. avait un grand écho parmi ces travailleurs à la merci des employeurs (pour la cueillette des fruits ceux-ci faisaient venir deux fois plus de travailleurs qu’ils n’en n’avaient besoin, ce qui leur permettaient d’imposer de très bas salaires).

Mais l’influence des I.W.W. atteignit aussi les centres industriels.

Ainsi, en janvier 1912, 25 000 ouvriers des filatures de Lawrence menèrent une grève de dix semaines, reprenant les mots d’ordre des I.W.W. Lawrence était le plus grand centre textile des U.S.A., surpassant par sa production tous les autres. Les principales filatures appartenaient à l’American Woolen Company (34 usines en Nouvelle-Angleterre) qui avait un revenu annuel de 45 millions de dollars.

Les filatures de coton et de laine employaient plus de 40 000 ouvriers, ils étaient pour la plupart non qualifiés, venus d’Europe attirés par les promesses des « envoyés » de l’industrie américaine du textile. Mais malgré une protection gouvernementale des tarifs dans l’industrie lainière, les salaires et les conditions de vie des travailleurs de la laine avaient constamment diminué depuis 1905.

Dans les filatures fut instauré le système des deux métiers à tisser (two-loomsystem) ce qui doublait le travail des femmes et des entants qui y travaillaient. Le chômage suivit, tandis qu’à Lawrence le coût de la vie était le plus élevé de la Nouvelle-Angleterre, les loyers les plus hauts. Le pain et les haricots étaient le repas habituel des travailleurs, la viande était extrêmement rare.

Selon la commission de contrôle du ministère du travail il y avait sur les 22 000 ouvriers plus de la moitié de femmes et d’enfants. La moitié des employés des quatre filatures de Lawrence de l’American Woolen Company étaient des jeunes filles de 14 à 18 ans.

La mortalité était aussi très élevée, le docteur Elizabeth Shapleigh écrivait à cette époque : « Un nombre considérable de garçons et de filles meurent dans les deux ou trois premières années de travail, un tiers des hommes et des femmes qui travaillent dans les filatures meurt avant vingt-cinq ans. » Le 1er janvier 1912, les législateurs de l’État de Massachusetts font passer une loi réduisant la semaine de travail de 56 à 54 heures pour les femmes et les enfants, réduisant ainsi leurs salaires.

Les I.W.W. organisaient à Lawrence les travailleurs étrangers depuis l907 et avaient prés d’un millier d’adhérents. Dans l’A.F.L. United Textile Workers se retrouvent 2 500 ouvriers qualifiés de langue anglaise. Les tisseuses polonaises des filatures cotonnières de l’Everett furent les premières à débrayer le 11 janvier quand elles remarquèrent une baisse de 35 cents dans leurs enveloppes de paye. Dans tout Lawrence les travailleurs débrayèrent et pour la première fois dans l’histoire de la ville les cloches sonnèrent l’alarme générale.

De New-York vint Joseph Ettor du bureau exécutif des I.W.W. Il avait 25 ans, parlait anglais, italien et polonais, comprenait le hongrois et le yiddish. Sous son impulsion la grève se coordonna et un comité de grève fut élu par les travailleurs. Chaque nationalité avait élu deux représentants, chaque matin le comité se réunissait pour prendre en charge tous les aspects de la grève.

Les revendications étaient : 15 % d’augmentation, 50 heures par semaine, double paye pour les heures supplémentaires et pas de représailles, pour les grévistes.

Le maire de Lawrence exprima très clairement son opinion : « La grève aurait dû être arrêtée dans les premières 24 heures. La milice et la police auraient dû être autorisées à tirer. C’est la façon qu’employait Napoléon 1er ». Par le comité de grève les familles reçoivent de 2 à 5 dollars par semaine.

Les dix semaines de grève de Lawrence furent exemplaires, c’était aussi la première fois que tant de travailleurs non qualifiés se reconnaissaient dans l’idéal des I.W.W. John Golden président de l’A.F.L. United Textile Workers dénonça la tactique d’action directe des I.W.W. comme « révolutionnaire » et « anarchiste », il tenta sans succès de prendre la direction de la grève. Les leader des I.W.W., Enor et Giovannitti (socialiste italien) furent arrêtés dans le but de briser la grève.

Mais les I.W.W. envoyèrent à Lawrence, Bill Haywood,.Willam Trautmann, Elizabeth Gurley Flynn et plus tard Carlos Tresca un anarchiste italien.

Il y eut plus de 15 000 grévistes à la gare pour accueillir Haywood et ses camarades !

La répression devenant plus dure, la grève prit de nouvelles formes.

Par exemple un piquet de grève de milliers de travailleurs marchait à travers les tissages avec des brassards : « Ne sois pas un jaune » (Don’t be a scab). Quand cette tactique était interrompue par la police, les manifestants formaient un va et vient incessant dans les boutiques sans rien acheter, ce qui effrayait les commerçants.

Dans le courant de février 1912 des enfants de grévistes furent envoyés dans des familles amies à New York et Philadelphie. Malgré la presse, l’opinion publique fut sensibilisée, et la combativité des travailleurs de Lawrence ne baissant pas, l’American Woolen Company accorda toutes les revendications des grévistes le 12 mars 1912. Dans toute la Nouvelle-Angleterre les salaires de tous les travailleurs du textile furent augmentés.

Lawrence ne fut pas la seule grande grève où les I.W.W. furent présents : Paterson en 1913 (où une pièce de théâtre fut jouée au Madison Square Garden par les grévistes, eux-mêmes) ; la grève des bûcherons en 1917 qui paralysa 80 % de la production du sud-ouest des U.S.A. ; les grèves dans les mines de cuivre en Arizona, ne sont que des exemples les plus célèbres.

Leur influence débordait largement le nombre de leurs adhérents (les I.W.W ne dépassèrent jamais 100 000 membres), mais c’est eux qui avaient l’initiative, c’est eux qui étaient à la pointe du combat.

Le déclin du mouvement

Dés le début de la Première Guerre mondiale les I.W.W. se déclarèrent contre celle-ci : « Ne sois pas un soldat, sois un homme. Rejoint les I.W.W. et combat sur ton lieu de travail pour toi-même et ta classe », disait une affiche des I.W.W. en 1916.

Cette courageuse position value aux I.W.W. d’être déclarés « hors la loi ».

Une campagne de presse habilement menée les désigna comme les agents du Kaiser. La répression qui s’était déjà annoncée dans les premières années battit alors son plein. On peut dire que le mouvement des I.W.W. fut décapité pendant la guerre, tant nombreux sont les militants assassinés par les milices patronales.

En France le gouvernement envoyait la troupe contre les grévistes, de la C.G.T. Aux U.S.A. le patronat n’y allait pas de main morte, et finançait lui-même ses bandes de tueurs sans faire appel au gouvernement.

En 1918, l’éditorial d’un grand quotidien d"Oklahoma, le Daïly World est significatif à cet égard ; « Le premier pas dans la victoire contre l’Allemagne est l’écrasement des I.W.W. Tuez-les comme vous tuerez des serpents. Il n’y a pas de temps ni d’argent à perdre dans des procès. »

Au printemps 1917, le ministère de la Guerre sous la pression du capitalisme américain avait donné le signal, en permettant aux autorités militaires d’arrêter les membres des I.W.W. qui « usaient de violence ou avaient l’intention d’en user ». Durant l’été 1917 des troupes armées « dispersaient »" des meeting I.W.W., mettaient à sac leurs locaux. Dans certains États, au nombre de 23, furent adoptées les lois contre le « syndicalisme criminel » qui interdisaient aux I.W.W. toute activité.

La révolution russe fut, pour certains militants des I.W.W. un immense espoir vite anéanti en 1921 par les positions de l’Internationale des syndicats rouges : les communistes russes étaient semblables aux politiciens du Socialist Labour Party.

Mais la naissance du parti communiste (1919) provoqua une scission dans les I.W.W, en 1924. L’organisation déjà très éprouvée par les années de guerre ne surmonta pas cette crise. Les limites de cet article ne nous permettent pas d’approfondir les causes de la chute des I.W.W.

Nous remarquerons simplement qu’entre les deux guerres les communistes appuyèrent les lois antigrève du gouvernement. Les I.W.W. durent reprendre tout leur travail de propagande contre les trade-unions qui maintenant acceptent les travailleurs non qualifiés [6]. Le mouvement des I.W.W. réapparaît aujourd’hui, au milieu de grèves « sauvages », leur journal mensuel Industrial Worker reflète la vie des travailleurs américains, et ne présente pas cet aspect déprimant des publications d’organisations vivant dans le souvenir d’un passé glorieux. ils n’ont plus contre eux cette « liste noire » où ils étaient à côté des groupes nazis [7].

La possibilité leur est maintenant donnée de faire de la propagande légale.

Réussiront-ils ?

Ne vaudrait-il pas mieux comme les syndicalistes français le conseillèrent à Thompson (délégué I.W.W, à l’Internationale des syndicats rouges) de s’organiser en minorité au sein de l’A.F.L.-CIO ?

Quoi qu’il en soit c’est aux militants des I.W.W. à faire de leur organisation le fer de lance de la classe ouvrière, sortant du passé pour affronter la réalité actuelle.

Les I.W.W, ont laissé leur empreinte dans la culture américaine, dans le monde ouvrier.

Le « Labor » américain et ses trade-unions tant décriées cachent une base capable d’une extrême combativité.

À nos camarades des I.W.W. d’en tirer les conclusions.

Thierry Porré — Le Monde libertaire avril 1972


[1Principalement l’American Federation of Labour (la fédération américaine du travail) qui n’organisait que les ouvriers qualifiés, capables de payer de fortes cotisations.

[2Ce préambule reconnaissait la lutte de classe, préconisait la solidarité dans les grèves, contrairement au corporatisme. de l’A.F.L. et donnait comme but à la classe ouvrière organisée dans « One big union for all workers » le contrôle de tous les moyens de production.

[3Trust américain de l’acier.

[4À coté de leurs journaux Solidarity, One big union monthly, Industrial Workers les I.W.W. avaient d’innombrables brochures de propagande (y compris le Little red bock, traduites dans plus de 10 langues étrangères.

[5Les nombreux dessinateurs qui faisaient don de leur talent à l’organisation ouvrière en ont fait le thème de nombreux dessins.

[6(Les deux trade-unions A.F.L. et C.I.O. ne forment maintenant qu’une seule organisation.

[7D’où l’impossibilité pour eux d’avoir une existence légale.