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Au columbarium

Une Dernière fois avec Louis Lecoin

juillet 1971.

Nous étions nombreux à accompagner Louis Lecoin pour son dernier voyage. Il y avait tous ses vieux camarades qu’il avait si souvent appelés à des meetings, à des défilés, à des protestations en faveur d’une noble cause. Par petits groupes, en attendant le début de la cérémonie, chacun échange des souvenirs et c’est toute l’histoire des mouvements anarchiste, pacifiste, syndicaliste qui défile devant nos yeux attristés.

Toutes les organisations anarchistes sont représentées : on note l’administration et la rédaction du Monde libertaire, les responsables de la Fédération anarchiste, les jeunes et vieux des groupes parisiens de la FA, quelques militants de province, tels René Lochu, Escoubet…, les animateurs du journal des anarchistes espagnols Frente libertario, ceux de l’Alliance syndicaliste, les militants de la Libre pensée, ceux du Canard enchaîné avec Yvan Audouard, André Ribaud, ceux de l’Union pacifiste, des écrivains Bernard Clavel, Georges Navel, des artistes Yves Montand, Simone Signoret, des pasteurs qui ont lutté près de Lecoin pour l’objection de conscience, des syndicalistes comme Descamps, de la CFDT, comme André Bonnaure qui conduisait une délégation de la Commission exécutive de l’UF-Force ouvrière.

Sur les marches de la nef pleine à craquer, des fleurs rouges cravatées de noir de la Fédération anarchiste, du Monde libertaire, du groupe libertaire Louise-Michel, des couronnes du Canard enchaîné, des Citoyens du monde…

Les jeunes de la Fédération anarchiste sont venus nombreux pour accompagner celui qui fit adopter, après une lutte exemplaire, le statut des objecteurs de conscience. On aurait aimé que beaucoup d’autres jeunes qui se réclament du pacifisme se joignent à eux pour saluer une dernière fois un militant irremplaçable qui fut pendant soixante ans le fer de lance de la lutte contre la guerre.

La cérémonie se déroule simplement sans aucun discours. À quoi bon ! Le souvenir des luttes que mena Louis Lecoin est plus éloquent que les discours les plus fleuris.

Lorsque la foule s’écoule lentement vers la sortie, on a le sentiment qu’une page est tournée dans le livre où s’inscrit l’histoire de notre mouvement libertaire, et avec Lecoin c’est le dernier de cette phalange prestigieuse qui compta Sébastien Faure, Voline, Pierre Besnard… et qui disparait…

Les vieux, un peu plus courbés, pensent à ce passé éclatant, les jeunes à l’effort qui s’impose pour que les hommes comme Lecoin n’aient pas lutté toute leur vie pour une broutille et ne soit pas mort pour rien.

Suzy Chevet