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Hommage

Maurice Joyeux

Le jeudi 19 décembre 1991.

Maurice Joyeux est décédé le lundi 9 décembre à l’âge de 81 ans. Militant anarchiste, écrivain et longtemps responsable de publication du Monde libertaire, sa disparition nous a conduit à recevoir un abondant courrier. Nous publions ici, celui de l’écrivain Michel Ragon, qui l’a bien connu.



Maurice Joyeux et la Fédération anarchiste, Le Monde libertaire, et les galas du Moulin de la Galette puis de la Mutualité, cela représente pour moi (en y incluant la libraire Le Château des Brouillards où je suis allé lui rendre visite pour la première fois en 1947) tout mon itinéraire sur la voie libertaire.

Maurice, aussitôt ses Mémoires écrites, nous avait un peu quitté. La maladie, la vieillesse, la maison de retraite, tout cela ne lui convenait guère. Il était trop pétulant, trop causeur, trop orateur, trop militant, pour accepter de se retirer de bon cœur. Mais un jour il nous faut partit et cette semaine Maurice Joyeux s’est éclipsé en murmurant sans doute : « Salut, les copains ! ».

Les galas du Monde libertaire, sans sa compagne Suzy Chevet, n’ont plus été ce qu’ils étaient. Il est vrai qu’ils étaient aussi avec Brassens et que Brassens aussi, nous a quitté. La FA, sans Maurice, sera pour moi bien mutilée.

Bande de lâcheurs ! Vous croyez que c’est drôle de se retrouver dans le merdier de l’après-Staline, de l’après-Marchais, de l’après-de Gaulle. Tu te souvins, Maurice, on croyait que, justement, après tout cela, après que tous ceux-là soient disparus, ce serait la fête. mince de fête ! Le ciel nous est tombé sur la tête avec tous les saints sacrements.

Tu as bien fait de partir maintenant, Maurice. Sans doute des jours meilleurs viendront, mais tu ne les aurais pas vus et je ne les verrai pas sans doute. Mieux vaut mourir avent de perdre toutes ses illusions.

Tu te souviens, Maurice, une fois que je te rendais visite à l’hôpital (ça commençait à ne pas tourner très rond pour toi), je te disais : « Tu es quand même un sacré veinard. Tu as eu Suzy, puis votre fille et Pepito, et maintenant tes petits enfants sont aussi sur la voie libertaire. Tu te rends compte, trois générations dans un même élan. Wally qui prend ta relève à la FA, et Thyde qui a tout de la mère Chevet ? »

C’est une habitude que l’on a lorsque l’on rend visite à un malade que de lui dire qu’il a bonne mine, qu’il nous enterrera tous, qu’il est un sacré veinard d’être au lit alors que l’on est debout.

Mais c’est vrai, Maurice, et tu le savais, que tu as eu une belle vie, une vie bien remplie, une vie exaltante. Allez, va, je t’embrasse, une dernière fois. Mais tu es de ceux que l’on n’oublie pas.

Maurice Ragon