Accueil > Archives > 2002 (nº 1263 à 1301) > 1300 (5-11 déc. 2002) > [éditorial du nº 1300]

éditorial du nº 1300

Le jeudi 5 décembre 2002.

On allait voir ce qu’on allait voir. Plus un train, plus un bus, plus un camion, les routes coupées, la France paralysée. On n’a rien vu du tout, oui ! Une journée d’action plan-plan, un peu de grain à moudre - « le meilleur accord obtenu par les routiers "sans une journée de grève" » —, un baroud d’honneur quelque peu gesticulatoire de la CFDT, marquée à la culotte par une CGT discrète au possible. Tout ça avec les prud’hommales en ligne de mire.

Cet épisode du « conflit » des routiers est plutôt éclairant. Après la prétendue trahison des fédérations sifnataires de l’accord avec le patronat, les routiers CFDT entrent en résistance. La télé nous les montre, ils avaient préparé palettes, pneus et huile de vidange pour dresser des barrages. Au plus fort de la mêlée, il y an aura soixante. Soixante barrages, 550 000 kilomètres carrés… Ça c’est du maillage !

Ajoutons au tableau l’intervention rapide et très dissuasive des forces de l’ordre capitaliste, qui menacent de faire sauter les permis de consuire, et on comprend pourquoi l’affaire n’a duré qu’une trentaine d’heures.

On comprend moins la candeur de ce responsable syndical qui vient pleurer que « le gouvernement ne respecte pas leurs accords ». Apparemment, on avait juré en sous-main de ne gêner personne…

Bref voilà comment la fédé CFDT des transports conçoit une grève : on s’adresse d’abord aux pouvoirs publics plutôt qu’aux patrons ; on évite autant que possible de faire appel aux travailleurs - sûrement, la fameuse caisse de résistance CFDT doit ester à jamais enterrée sous la surveillance de quelque Harpagon jaloux ; quand la répression s’abat, on lâche le morceau : le moyen de faire autrement quand on est isolé ?

Alors on peut se plaindre d’être aussi mal servis par des syndicats aussi mal fichus. C’est oublier un peu vite que le mouvement ouvrier, ce n’est pas que le syndicat, et que le syndicat, ce n’est pas uniquement les permanents, les élus et les militants les plus investis.

La délégation fonctionne dans les deux sens : aide-toi, le syndicat t’aidera. Si tu n’arrête pas le travail, la grève est perdue. Si tu ne participe pas à la résistance - dans ou hors du syndicat —, ne viens pas te plaindre que les choses vont mal. Mets-toi bien ça dans ta caboche, frère prolétaire : rien ne se fera que tu ne feras toi-même.