C’est en 1942 que Maurice et moi avons fait connaissance, à Toulouse, où la guerre était venue fixer la famille Laisant et où j’étais de passage pour créer un groupe anar clandestin. Puis nous nous sommes retrouvés en août 1944, lui toujours à Toulouse, moi venant y chercher un point de chute. Lors de la libération de la ville rose, en août 1944, nous rédigeâmes ensemble un tract anarcho-syndicaliste qu’avec d’autres copains nous avons distribué pendant que les collabos tiraient des toits sur tout ce qui bougeait dans les rues.
Ensuite la famille Laisant revint à Paris, et moi à Marseille. Depuis lors, nous n’avons pas cessé de correspondre et de nous rencontrer Maurice et moi, à l’occasion d’un congrès, d’une conférence ou en d’autres circonstances.
Sans aucun doute, ce sont tantôt nos divergences, tantôt nos convergences qui ont fait qu’au travers des tribulations de militants nous avons toujours trouvé des raisons de nous rejoindre.
Ce n’est pas le responsable de tel ou tel poste que je veux évoquer ici, mais l’homme de conviction qui voulait, quoi qu’il arrive, croire en son semblable. Le pacifiste qui malgré toutes les guerres qu’il traversa, les ruines incalculables qui s’amoncelèrent, les millions et millions de victimes qui furent dénombrées au cours de sa vie, continua à « croire » à la possibilité pour l’humanité de construire la paix et de la faire régner sur cet univers en folie.
Le pacifiste cumula avec l’anarchiste parce que là aussi Maurice Laisant « croyait » à son combat. Il se battait là encore contre « les ennemis du genre humain ». Il chassait les doutes qui de temps en temps s’insinuaient en lui quant à la victoire finale. Il savait que de toute façon ce n’était pas pour demain.
Conférencier, animateur et collaborateur de nombreux périodiques, auteur de quelques ouvrages dont La Pilule ou la bombe, Maurice Laisant a traversé sa longue vie en combattant avec conviction et persévérance, mais toujours sans violence, au travers de bien des embûches. Il ne s’est jamais renié. Gardons-le en mémoire. C’est rare.
mais hors de ce qui précède, je n’oublie pas le bon copain, sentimental, poète, plein d’humour, bon enfant, colportant les bons mots et doué pour cela d’une mémoire prodigieuse et n’oublions pas : toujours prêt à ouvrir les portes de chez lui aux amis en détresse.
René Saulière dit André Arru, in Le Libertaire, nº 121 (novembre 1991)