La mort a interrompu l’intense activité de militant anarchiste et d’historien du compagnon italien Gino Cerrito. Cerrito commença à militer dans le mouvement anarchiste en 1943-1944, créant, avec Piero Butitta, Michela Bicchieri, et bien d’autres, le groupe anarchiste de Messina [Messine]. Ce groupe fut très actif dans les luttes de cette époque contre le fascisme et les monarchistes et dans les luttes syndicales, contribuant à la renaissance de la Bourse du travail de Messina.
Travaillant à la municipalité de Messina, Cerrito fut délégué syndical de la CGL des ouvriers municipaux. Dans le même temps, il continua d’étudier et fut lauréat d’histoire moderne à l’Université de Messina, avec sa thèse sur Radicalisme et socialisme en Sicile.
Le brillant résultat de sa thèse obligea la Commission nationale d’études d’histoire à lui confier une bourse d’études pour continuer ses études.
Avec d’autres compagnons, parmi lesquels Ugo Mazzuchelli, Alfonso Failla, Umberto Marzocchi, Mario Montavoni, il commence une bataille contre la dégénérescence du mouvement anarchiste en un « mouvement d’opinion ». Cerrito décrivait ainsi la situation : « Beaucoup d’anarchistes ont la conviction que le mouvement doit se donner comme tâche prioritaire de se développer, de s’insérer dans la réalité sociale pour avoir son propre rôle à jouer, avec ses propres solutions, adopter un nouveau langage en s’efforçant de ne pas répéter les erreurs d’hier. Tout ceci réside pour moi, en premier lieu, dans la solution du problème organisationnel. »
Cerrito retrace l’histoire du Pacte associatif de la FAI, participae à de nombreuses réunions préparatoires, surtout en Toscane, dans le Lazio, en Émilie et dans les Marches. Cerrito participa à la rédaction du Pacte associatif de la FAI, définitivement approuvé au congrès de Carrare en octobre 1965. Les résultats du congrès ont entrainé une scission entre l’aile organisationnelle de la FAI et les individualistes et anti-organisationnels qui, réunis à Pise, créeront les Groupes d’initiatives anarchistes (GIA). S’ensuivront de violentes polémiques, surtout avec les compagnons italiens émigrés aux États-Unis, qui verront en Cerruti un des principaux promoteurs du « virage organisationnel ».
L’activité militante de Cerrito se continua intensivement parallèlement à un énorme travail d’études historiques liées à l’histoire du mouvement ouvrier et du mouvement anarchiste.
Ainsi, il rédigea, entre autres : L’Antimilitarisme anarchiste qui constitue une des contributions les plus complètes sur ce sujet.
Au congrès de la Fondation Einaudi, il présenta une étude sur Anarchie et anarchistes dans le monde contemporain avec pour titre Le Mouvement anarchiste italien dans sa structure actuelle, limites historiques et bibliographie essentielle.
Le travail fourni par Cerrito dans les structures de la FAI a été énorme. En 1970, il fut nommé au sein de la Commission de correspondance. Son effort constant fut celui d’enrayer la « progressive sclérose de l’organisation » comme il la définissait à cette époque.
Attaqué d’un côté par les individualistes et anti-organisationels, il le fut de l’autre par « l’impatience révolutionnaire », quelquefois très confuse, de beaucoup de jeunes à l’intérieur de la FAI. À cette époque, il y avait l’exigence de sauvegarder le mouvement anarchiste des attaques de l’État et des patrons, avec le massacre d’État (place Fontana en 1971) et, ensuite, la stratégie de la tension.
Les liens entre le militantisme et les activités d’études et de recherches, qui caractérisaient la vie de Gino Cerrito, furent brusquement interrompus par un premier infarctus en 1971. Il s’en sortit lentement et fut contraint d’abandonner en grande partie l’activité militante. Néanmoins, il continua à travailler pour le mouvement ouvrier et le mouvement anarchiste, en publiant un certain nombre d’ouvrages, parmi lesquels : Malatesta, écrits choisis, De l’insurrectionalisme à la Semaine rouge, un certain nombre d’articles et d’études sur Camillo Berneri, son plus important livre : Le Rôle de l’organisation anarchiste et dernièrement Andrea Costa dans le socialisme italien.
Il était né à Messina le 11 février 1922 et il est mort brutalement le 4 septembre 1982. Avec lui disparait une des figures les plus marquantes du mouvement anarchiste organisé italien.