Éditorial
Kosovo, printemps 1999, à deux heures d’avion de Paris, les journalistes occidentaux nous présentaient l’intervention de l’OTAN comme une opération militaire nécessairement indispensable. Il s’agissait, ni plus ni moins, de libérer cette région du joug serbe et de se battre pour faire triompher les valeurs humanitaires. À les écouter, sous nos yeux, un nouvel ordre mondial basé sur le respect des individus était en train de naître. Bavures, accidents, dégâts collatéraux, autant d’expressions que les perroquets de l’OTAN nous assénaient lorsque les avions ultra-sophistiqués des gendarmes du monde tuaient des innocents.
Timor-Oriental, cinq mois plus tard, à 420 kilomètres au Nord de l’Australie, les démocraties laissent les militaires indonésiens préparer un nouveau massacre à l’occasion de la mascarade du référendum sur l’autodétermination. Mais, à coups d’éditos révoltés, de billets d’humeurs indignés, de chroniques scandalisées, les mêmes journalistes s’agitent pour sauver le Timor-Oriental en réveillant la conscience de l’opinion… 24 ans après les premiers crimes de l’armée indonésienne ! 24 ans de silence complice des médias. Pendant 24 ans, les médias ont menti par omission, par idéologie pour servir les intérêts des classes dirigeantes. Le 5 décembre 1975, Ford et Kissinger étaient à Djakarta. Ils ont demandé de retarder l’invasion jusqu’à leur départ. Le 7 décembre, les bombes pleuvaient sur Dili. A cette époque, G. Bush était le chef de la CIA. Quel journaliste a demandé des comptes à Kissinger ou Bush ?
À défaut de pouvoir tabasser à tout va dans les démocraties, les classes possédantes se servent des médias pour filtrer l’information afin de modeler les opinions. La surveillance des esprits remplace le bâton et les médias nous fournissent chaque jour du prêt-à-penser. De là découle une représentation du monde exclusive.
Or, démonter les manipulations médiatiques demande du temps et de l’énergie qu’on n’a pas forcément après une journée de boulot. Ainsi, il est plus commode de gober du sport ou de s’apitoyer sur les dégâts occasionnés par tel cyclone. Tenir les gens à l’écart de ce qui compte, voilà la manière dont l’endoctrinement fonctionne dans les démocraties. Au service du pouvoir et de l’argent, les médias tentent d’acculer les gens à l’apathie et d’annihiler toute volonté de transformation sociale. Dans ces conditions, faire barrage au travail de sape idéologique s’avère un préalable indispensable pour arriver à une contestation sociale généralisée du système. C’est ce à quoi s’emploie chaque semaine le Monde libertaire, mais aussi d’autres journaux dissidents, qui produisent une analyse critique et diffusent des pistes de réflexions et d’actions alternatives. Car plus que jamais un autre monde est possible.
Ni guerre humanitaire ni paix armée !
Si les luttes sociales d’ici démarrent avec lenteur en ce début d’automne, l’actualité internationale est elle extrêmement lourde d’événements dramatiques. Outre le Timor Oriental et la Russie où la terreur est extrême, nombreux sont les pays touchés par la répression militaire ou para-étatique. Les tensions sont quotidiennes entre l’Inde et le Pakistan, la guerre sévit en Afghanistan comme en Colombie, en Éthiopie comme au sud du Soudan, au Congo comme en Sierra Leone pour n’en citer que quelques cas.
Par ailleurs la paix armée et imposée règle le sort des populations en Irak comme au Kosovo, à Chypre comme en Palestine et l’armée impose sa conception de la démocratie en Turquie comme en Algérie. Tout cela en dit long sur les libertés réelles dont peuvent jouir les individus sur presque toute la planète.
L’armée, clé de voûte des États
Au-delà de l’histoire particulière à chaque pays, il reste que les classes politiques au pouvoir ont en commun d’avoir recours à la violence, institutionnelle ou para-militaire, pour imposer leur politique. L’armée reste partout la clé de voûte de la « stabilité » des États.
Cependant la disparition de l’URSS et la nouvelle phase d’expansion du capitalisme oblige les États occidentaux à repenser la fonction et l’organisation de leurs machines militaires.
Si l’objectif premier des interventions extérieures reste le contrôle de pays ou de zones considérées stratégiques et vitales, les justifications politiques présentées aux populations prennent des formes « citoyennes ». Après diverses tentatives plus ou moins réussies (guerre contre l’Irak et diverses forces d’interposition en Afrique et au Kosovo) une réglementation internationale se crée petit à petit et il semble que les populations européennes en particulier, acceptent passivement ces interventions présentées comme humanitaires. Aujourd’hui ces politiques interventionnistes apparaissent encore confuses quant à leurs motivations, mais il convient d’être extrêmement lucide sur la générosité affichée par les États dominants.
Contrôler les populations… pour faire du fric
Il y a tout d’abord lieu de dénoncer une entreprise idéologique visant à éradiquer tout espace et toute expression d’antimilitarisme puisque l’armée professionnelle européenne qui s’organise sous nos yeux aurait comme seule fonction de faire peur aux dictateurs et aux méchants terroristes. Ce qui est loin d’être le cas puisque ces militaires s’entraînent tout spécialement à contrôler, voire à réprimer des situations insurrectionnelles pouvant se créer ici-même.
Par ailleurs nous ne pouvons que constater que leur humanitarisme est à géométrie variable selon l’intérêt économique et géopolitique de la zone concernée. Par exemple les massacres qui ont eu lieu au Rwanda n’ont pas été empêchés, tout comme ceux du Kosovo ou du Timor Oriental.
Par contre la présence des forces militaires sensées séparer les belligérants instaure de vastes camps d’internement où des millions de personnes survivent tant bien que mal des surplus alimentaires sans jamais voir de solution politique leur permettant d’acquérir une réelle autonomie leur assurant un avenir individuel et collectif digne de ce nom. Au bout du compte tout fonctionne comme s’il s’agissait de faire en sorte que les régions intéressantes pour la mondialisation soient économiquement contrôlées et pour le reste que les autres se démerdent dans leur cloaque avec leurs chefs de clan et la terreur de masse qui va avec. Il nous semble important de rappeler que la création de forces militaires d’interventions extérieures ne va pas permettre l’éradication des guerres. À terme ce sera sans doute le contraire qui se produira.
Tout au plus, pour le moment, vont-elles imposer la loi du plus fort, c’est-à-dire celle des capitalistes marchands de canon ou pas qui créent,entretiennent et profitent des discours nationalistes.
La paix ne s’impose pas à coups de crosse
Les tous nouveaux militaires humanitaires ont aussi comme fonction de saper dans l’œuf toute initiative et toute volonté des populations à résoudre par elles-mêmes les problèmes politiques auxquels elles sont confrontées puisque leur intervention concerne les effets et non les causes de la guerre et de la misère économique. Cette action produit ses effets aussi bien auprès des populations qui subissent la terreur et les violences qu’ici-même où nous nous sentirons confortés d’avoir bien de la chance de vivre dans un pays riche et en paix. Encore faut-il savoir de quelle paix il s’agit et jusqu’à quand !
Car à n’en pas douter les ambitions affichées par nos gouvernements qui prétendent semer la paix et la prospérité à coups de crosses de fusils de militaires est de la poudre aux yeux. Les faits montrent à quel point l’hypocrisie est de mise et avec quelle facilité les États s’accommodent des dictateurs pour peu qu’il y ait des affaires à faire. Et ce n’est pas l’attitude du gouvernement Jospin qui pourra nous faire changer d’avis. Qu’en est-il de nos relations avec la Chine, le Maroc, l’Afrique francophone et même le Kosovo où le champion de l’ingérence humanitaire, un certain Kouchner, part en vacances quinze jours après avoir reçu son mandat de grand pacificateur et alors que les kosovars le perçoivent déjà comme un roitelet qui les méprise. À n’en pas douter nous allons nous retrouver dans quelques années avec une situation internationale où l’ordre sera maintenu à coups de troupes d’interventions face à des mouvements populaires hostiles à leur présence. Ce qui ne va pas manquer d’être dramatique.
Plus que jamais prenons nos marques et affichons fièrement notre total antimilitarisme ! À bas toutes les armées !
Bernard, groupe Déjacque (Lyon)
Paysans et agrocrates
Vers une recomposition du syndicalisme agricole ?
Il est fort courant de nommer les travailleurs de la terre : les paysans (avec un certain dédain ou une mystique néo-rurale), les agriculteurs (sur un ton neutre) ou les exploitants agricoles (comme la majorité d’entre eux aiment s’appeler pour se différencier du « paysan » vu par les urbains). Ces dénominations globalisantes cachent pourtant de grosses différences entre les zones de production (plaine, défavorisée, montagne…), la nature des productions (viandes, lait, céréales, produits maraîchers, viticulture…), la maîtrise ou non de la filière de production, de transformation et de commercialisation, la surface de production et… l’appartenance syndicale.
Le monde agricole est suffisamment complexe pour que tout et n’importe quoi soit raconté, notamment par les garants de l’impartialité de l’information publique ou privée. Ainsi, ces derniers temps, étaient allégrement amalgamées les actions menées par la Confédération paysanne en soutien à José Bové — symbole du combat contre les sanctions de l’OMC à l’encontre de l’Europe et les actes des maraîchers et des arboriculteurs des libéraux de la FNSEA et du CNJA contre l’espace de libre-échange européen.
Une activité agricole très encadrée
L’activité agricole est une des professions les plus encadrées : syndicats, organismes professionnels de filière, chambre d’agriculture, ministère d’État, commissions parlementaires, centres de formation d’apprentis et d’adultes, collèges, lycées, politique régionale et départementale agricole, organismes de développement rural et agricole… Nous verrons les principales structures représentatives et leurs influences.
Les organisations paritaires agricoles (OPA) comprennent la fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), le centre national des jeunes agriculteurs (CNJA), l’assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) et la caisse nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricole (en résumé, le Crédit Agricole). Il se trouve que ces 3 dernières organisations sont sous la tutelle des caciques de la FNSEA tout comme l’ANDA (association nationale pour le développement agricole) qui — en toute illégalité (les associations n’ont pas le droit de reverser l’argent public sous forme de subventions à d’autres organisations)- cogère (6 représentants de l’État et 6 représentants de la profession agricole en sympathie avec la FNSEA) autour de 800w millions de francs pour le financement des syndicats agricoles (80 millions de francs pour la FNSEA et le CNJA en 1997, soit 10 %), des chambres d’agriculture et des instituts techniques.
Toujours sur le plan national, les structures professionnelles de filière de production, L’Onilait, l’ONIC (céréales), l’Ofival (viande) et l’Oniflhor (fruits, légumes et horticulture) restent des monopoles de la FDSEA, même si depuis la jeune loi de 1990 sur la représentativité syndicale (sic !) et l’opiniâtreté des autres syndicats permettent dorénavant d’entendre d’autres voix, même minoritaires. Par ailleurs, si les industriels et les financiers ont eu des ministres issus de leurs sérails, il avait été rarement vu qu’un représentant les plus en vue d’un lobby soit à la tête d’un ministère, comme ce fut le cas pour la nomination de François Guillaume en mars 1986 qui est passé du fauteuil de président de la FNSEA à celui de ministre de l’agriculture.
L’hégémonie libérale de la FNSEA
Au niveau local, la sur-représentation des adhérents de la FNSEA — directement ou indirectement au travers des autres structures professionnelles (Crédit Agricole, Groupama, Chambre d’agriculture, Mutualité Sociale Agricole, fonds d’assurances formation des exploitants agricoles (FAFEA)…) — est criante : commission départementale d’orientation agricole (CDOA) gérant les droits à produire et les aides pour l’installation des jeunes, SAFER permettant d’accéder au foncier et la très puissante ADASEA (association départementale pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles) aidant l’installation des jeunes et finançant partiellement les études prévisionnelles d’installation (EPI), les plan d’amélioration du matériel (PAM), les opérations groupées d’aménagement foncier (OGAF) dont le centre national (CNASEA) gère bizarrement les sommes astronomiques des « bénéficiaires » des contrats emploi solidarité et des contrats emploi consolidé (remboursement d’une proportion des salaires et prise en charge des formations).
Globalement, le couple FNSEA-CNJA a un discours et des actes en contradiction : au message « nous voulons l’installation de jeunes agriculteurs », les faits montrent l’agrandissement croissant des grosses exploitations, une opposition au plafonnement des subventions et la disparition des plus petites ; à l’intention de productions de qualité se développe une agro-industrie contrôlée par la finance (Crédit agricole notamment) mettant sur le marché des poulets à la dioxine, des bovins fous, des OGM…
La Conf’ : un syndicalisme revendicatif
Les autres syndicats agricoles :
- La confédération paysanne (CP) est issue majoritairement de la confédération nationale des syndicats de travailleurs paysans en 1987. Ce syndicat élargit ses combats à des grands thèmes de société : mouvements des chômeurs, sans papiers, essais nucléaires dans le Pacifique, participation à ATTAC et est proche du regroupement syndical du « groupe des 10 » (les SUD, SNJ, SNUI…). Ses principaux combats dans le domaine de l’agriculture sont la lutte contre les OGM, contre la mondialisation des marchés… et pour être représentés dans les organismes professionnels (chambre d’agriculture, CDOA, Oniflhor, Onivins…). La lutte menée symboliquement autour des « MAC’CRADO » contre les rétorsions douanières des États-Unis à l’encontre de l’Europe, dans le bras de fer de la viande aux hormones, la mal-bouffe, les OGM et la mondialisation des marchés a permis grâce à l’incarcération d’un de ses principaux leaders fin août 1999 de rendre publique l’existence et, dans une certaine mesure, l’action de la Conf’. Le développement de la reconnaissance de la CP va certainement voir sa représentation augmenter (elle dépasse les 20 %) et une diminution des adhésions de complaisance auprès des syndicats « majoritaires » (60 % au couple FNSEA/CDJA) pour obtenir des prébendes.
- Le mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF) est très minoritaire, voire confidentiel, et est proche des communistes. Créé en 1975, il défend une agriculture familiale et nationale.
- La coordination rurale est apparue en 1991 et « a pris la succession de la très droitiste Fédération française de l’agriculture ». Elle dénonce les charges sociales trop élevées et préconise le libre choix des mutuelles et des assurances privées. Certaines mauvaises langues osent dire que la Coordination rurale est à l’agriculture ce que le CDCA est au commerce et à l’artisanat.
La lutte médiatique entre la Conf’ et la Fédération est à mettre dans la perspective des prochaines élections à la mutualité sociale agricole. Si les élus à la MSA ont peu de pouvoir, le scrutin permet d’évaluer les forces en présence dans la perspective des élections des représentants de la chambre d’agriculture l’année prochaine. L’action nationale de la FNSEA le vendredi 10 septembre lors de la conférence de Rambouillet était une tentative pour récupérer la combativité « paysanne » à son profit. Ce fut un échec. Même s’il y a des sections locales de la confédération paysanne plus animées par les luttes et l’affirmation de positions anticapitalistes que par la course au pouvoir, il demeure que la stratégie d’implantation institutionnelle de la Conf’et ses actions de lobbying lors de l’affaire Bové auprès de la classe politique tranchent avec la radicalité de certaines de ses revendications. À suivre donc.
Jacquou le mordant. UR Sud de la F.A.
Nantes
Quand les Big Mac sentent enfin quelque chose…
Il est environ 20 heures, ce mercredi 8 septembre, dans la bonne ville de Nantes, quand une quarantaine de personnes débarquent dans le McDo du centre-ville, et interrompent la production des Big mac…
José Bové ayant été libéré la veille, on conçoit que le gérant et les flics (fort nombreux, patrouillant dans le quartier) se soient écriés que c’était « pas de jeu »… Mais voilà, il semblerait que les malfaisants en question, quoiqu’enchantés par la libération de J. Bové, aient voulu poursuivre la lutte. Or le lendemain, les médias annonçaient que McDo avait subi l’attaque d’un « commando masqué », qui n’avait ni signé ni posé de revendication… Ils furent bien aidés dans leur désinformation par une intervention du porte-parole de la Confédération paysanne locale (1) qui s’est violemment récrié contre les mauvaises manières de « ces gens-là », et qui a tenu à ce qu’on ne confonde pas les gentils paysans de son syndicat avec les méchants, paysans ou non, qui s’étaient mobilisés sans attendre sa bénédiction…
Grâce au mouvement de soutien, spontané, qui s’est organisé autour des paysans de l’Aveyron incarcérés, les projecteurs médiatiques ont été braqués sur un des aspects de la mondialisation capitaliste : l’homogénéité d’une mal-bouffe distribuée à tous les « mals-nantis ». Les politiques ont alors joué le jeu de la personnalisation de la lutte. Après avoir bien « englué » les esprits et assimilé la lutte de paysans militants au combat des petits français contre des géants ricains, il ne restait plus qu’à éteindre les projecteurs. Ce qui fut fait après la sortie de prison de J. Bové, sur une dernière image d’un gérant de McDo distribuant, de concert avec les sbires de la FNSEA des Big Mac foie gras…
La lutte n’est bien sûr pas entre méchants ricains et gentils « fromages qui puent » : qu’on vive aux États-Unis, en France, au Maroc ou même en Moldavie… les sans-fric n’auront bientôt plus le choix qu’entre une bouffe génétiquement trafiquée, (saturée de graisse, sucre, et viande aux hormones, le tout éminemment cancérigène) et… pas de bouffe du tout.
Julie (groupe de Nantes)
(1) Majoritaire à la chambre d’Agriculture de Loire-Atlantique… après que la majeure partie de l’ex-FDSEA s’y soit ralliée : il semblerait que le goût de la cogestion du pouvoir ne leur soit pas totalement passé…
L’avenir du nucléaire
La technocratie impose ses choix !
L’entêtement de la technocratie française et la servilité des politiques à son égard est une chose « hénaurme » qui prêterait au fou rire si les dangers n’étaient pas au rendez-vous. En matière nucléaire malheureusement ces dangers sont là et bien là, ils concernent le présent mais aussi les générations futures. L’été qui se finit a vu une série de décisions d’importance pour l’avenir du nucléaire en France, la France étant, par ailleurs, le seul pays où un avenir est possible pour le nucléaire dit civil, et c’est dans cette singularité que l’on peut mesurer « l’hénaurmité » de la techno-bureaucratie à la française. Notre journal a déjà évoqué (ML du 9 sept.) les décrets de la fin juillet, autorisant l’extension de l’usine Melox de Marcoule pour fabrication du mox, un « nouveau » combustible mélangeant uranium et plutonium. Le 6 août c’est l’autorisation d’installation et d’exploitation du fameux « laboratoire » de l’ANDRA, site souterrain de soi-disant étude (en fait futur site de stockage des déchets hautement radioactifs). D’autre part EDF, Framatome et Siemens ont signé le vendredi 9 juillet un accord en vue de renforcer leur coopération dans le domaine nucléaire et plus particulièrement pour le développement du projet EPR (European Pressurized Water Reactor). Cet accord a pour objet d’harmoniser les organisations d’ingénierie jusque-là différentes en France et en Allemagne. Il a pour champ d’application notamment, le projet EPR, réacteur du futur, destiné à remplacer progressivement les centrales nucléaires vieillissantes.
Framatome : l’exception des privatisations
Passons rapidement sur la routine du nucléaire existant, par exemple, l’autorisation de chargement de Civaux 2 alors que Civaux 1 a toutes les peines du monde à redémarrer après l’incident « stupéfiant » du 12 mai 1998 (nouvel incident en août induisant une suspension du redémarrage !), et que le problème d’une prolifération des amibes n’est toujours pas réglé.
Arrêtons-nous un instant sur le fabuleux renforcement de l’État dans l’actionnariat de Framatome, leader mondial de la construction des chaudières nucléaires. Fin juillet on apprenait le deal passé entre Alcatel et l’État : Alacatel se retirait de Framatome (l’entreprise possédait 44 % des actions de Framatome) en échange d’une participation accrue dans le capital de Thomson-CSF, l’État détenant désormais (principalement par le biais de la Cogema et le CEA) pas moins de 80 % du capital de Framatome.
À l’heure des privatisations et de l’agitation tous azimuts des fusions-acquisitions, on mesure la confiance des industriels et des investisseurs dans le développement du nucléaire ! Le « leader mondial » de la construction du nucléaire n’intéresse personne (en tout cas tant que son chiffre d’affaires repose essentiellement sur le nucléaire, ce qui est en train de changer à grande vitesse par la diversification des activités), tout est dit sur l’avenir du nucléaire.
Bien sûr le gouvernement français assure que cette opération n’est qu’une première étape visant à préparer le terrain pour l’ouverture du capital à des partenaires européens. En fait à un seul partenaire, l’allemand Siemens, avec lequel a été signé le fameux accord sur l’EPR. Mais Siemens fait durer le plaisir (son patron déclarait le 23 juillet : « Siemens ne prendra pas de participation dans Framatome car mes actionnaires ne comprendraient pas que j’investisse dans ce secteur où la croissance ralentit » — Le Monde du 30 juillet).
Les Verts grotesques
Si la technocratie française avance dans le vide (une habitude, voir le Concorde, le surgénérateur, etc), les écologistes de gouvernement moulinent dans le vide. Les décrets dont nous avons parlé ont tous été gentiment contresignés par Mme Voynet tandis que le parti Vert menaçait de s’étrangler d’indignation… pour la galerie.
En direction du menu peuple du parti, les leaders Verts ont multiplié les déclarations tapageuses lors de leur université d’été (c’est quand même la camarade ministre qui tient le pompon avec son annonce bidon de demande de référendum bidon), ils ont obtenu de longue lutte (!) une déclaration de Jospin sur un débat « démocratique » à venir sur le nucléaire. Le résultat de ce débat est connu d’avance (Il faut continuer le nucléaire : pensez aux emplois, aux milliards d’investissement, à la grandeur de la France et de sa recherche scientifique, et aux bénéfices à tirer d’être le dernier pays à favoriser le nucléaire soit le pays référent, tenant le quasi monopole pour le retraitement et la fabrication des combustibles, enfin pensez à l’effet de serre, etc).
Ce pseudo débat démocratique qui se prépare n’a qu’un but : permettre à un membre de la gauche plurielle, les Verts, de sauver la face et de revenir sur sa promesse de quitter le gouvernement en cas de poursuite du programme EPR (La ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement, Dominique Voynet, a estimé que « si une “décision irréversible” était prise sans débat dans le domaine de l’énergie nucléaire, alors la première explosion nucléaire serait celle de la majorité ». Dépêche AFP du 24 août : tout la nuance est dans le « sans débat »). La campagne du réseau « Sortir du nucléaire »* contre le projet EPR (réseau indépendant des Verts mais jusqu’à quand ?) est bien d’actualité, car, encore une fois, si le nucléaire n’a qu’un pays d’avenir c’est bien la France et ce que nous préparent la technocratie française et ses valets gouvernementaux, braves petits soldats du nucléaire dans la débâcle généralisée, est rien moins qu’inquiétant !
Luc Bonet
* Pour info : Réseau « Sortir du nucléaire », 9, rue Dumenge, 69004 Lyon.
À signaler : la préparation d’une manifestation nationale contre le nucléaire, à l’initiative des Verts, fin novembre (faut bien occuper les militants pendant que la ministre et ses conseillers préparent et signent les décrets !), il serait bon que le mouvement libertaire puisse faire entendre à cette occasion une voix différente, d’autant plus que de nombreux anarchistes ou sympathisants sont présents dans les comités locaux antinucléaires et y font du bon boulot !
Fait d’hiver
Debout les damnés de la terre !
Pour pouvoir faire encore plus de bénéfices (c’est-à-dire un peu moins que la prochaine fois), Michelin vient de décider de supprimer 7 500 emplois.
Les actionnaires de la boutique (les fameux fonds de pension anglo-saxons), le marché, la bourse… ont applaudi des deux mains cette décision de sacrifier 7 500 pauvres bougres sur l’autel de leur appétit, insatiable, de profit.
C’est de bonne guerre (sociale) !
Comme il serait de bonne guerre que dans toutes les usines Michelin du monde éclatent toute une série de grèves vicieuses visant à paralyser (au moindre coût) la production. Que la production fassent l’objet de sabotages systématiques dans le but d’accoler à une marque l’image maudite de la malfaçon. Qu’une campagne de boycott des produits Michelin soit lancée à l’échelon international.
Au royaume du profit, mais également de la production de masse, et, donc, de la consommation de masse, les fonds de pension, la bourse et le marché ne devraient pas rester de marbre face à une stratégie de cet ordre.
Mieux, parce qu’il vaut encore mieux gagner trois sous que de tout perdre, les maîtres du monde à la mode Michelin seraient même capables, pour sauver les meubles, de virer séance tenante un PDG que l’on accuserait, alors, d’avoir péter les plombs, et, d’embaucher dans l’instant 15 000 personnes, histoire d’amorcer une campagne de pub sur le caractère éminemment social (et, donc, vendable) de Michelin.
Le grand Lénine aimait, jadis, à dire : nous pendrons les capitalistes avec la corde que nous leur auront acheté… à crédit !
Hier, comme aujourd’hui, la seule question qui se pose à nous est : le voulons nous ?
Jean-Marc Raynaud
5 millions de consommateurs …
Et la justice s’acharne contre le CIRC
Mars 1997, une agitation frénétique a envahi le Rail Théâtre. Des dizaines de circomaniaks courent dans tous les sens pour finir de préparer leur grande fête annuelle qui, cette année, est prévue sur deux jours.
Mais voilà, le préfet et ses sbires en ont décidé autrement et à moins de quatre heures de l’ouverture des portes, la brigade des stupéfiants fait son entrée, saute directement sur la présidente du Circ qui, pour le malheur de la justice (mais ça ils le découvriront plus tard), est en train de donner des forces à ses troupes sous la forme de graines de chanvre alimentaire, dénommées Félina (Et oui, c’est plein de bonnes choses ces petites graines là).
S’ensuit une saisie du stock du Circ (tee-shirts, livres, journaux, tracts, compilations,…) et bien entendu des graines, qui sont le clou de cette prise du siècle ! S’ensuivent également des ennuis pour Jean Pierre Galland, président de la fédération des Circ, qui, pour son malheur, est tenu pour responsable des stocks.
Et pour terminer ce premier épisode, une promesse de procès pour « incitation à la consommation de stupéfiants » est faite à nos deux protagonistes, n’oublions pas non plus la terrible (-ment stupide) accusation de « rétention de stupéfiants » dont est accusée la présidente du Circ Lyon pour les graines de chanvre qu’elle distribuait.
Commence alors une très longue enquête, plus d’un an, puis une interminable attente, encore plus d’un an, avant que nos deux amis du chanvre ne soient enfin convoqués devant les tribunaux le 6 septembre dernier.
Sous l’œil attentif d’une dizaine de CRS (sans compter les cars entiers qui sont postés devant le tribunal, mais est-ce vraiment pour nous ?) et après avoir passé un portail détecteur de métaux (seule salle d’audience dont on en a pourvu), les (extrêmement dangereux) Circomaniaks et leurs amis peuvent enfin assister à ce procès tant attendu.
Après s’en être pris violemment au président de la fédération des Circ, qualifiant son combat d’arrière garde, la procureur n’hésite pas à employer les arguments les plus éculés avant de requérir une peine de 200 jours amende à 500 francs (100 000 FF, transformables en peine de prison si la somme n’est pas réglée, cela dans l’hypothèse d’une condamnation) contre Jean-Pierre Galland tandis qu’est laissée à l’appréciation de la juge, l’amende de la présidente du CIRC Lyon.
Parlant de « bouc émissaire », l’avocat du CIRC clame pour sa part : « Ubu roi n’est pas mort. Il est présent dans cette salle d’audience et depuis la mise en examen de mes clients. »
Sortant de ses manches la facture des graines de chanvre, achetées légalement à une entreprise française, il s’interroge (d’autres auraient dit : se moque) : Est-ce une nouvelle pratique que de vendre des stupéfiants avec facture ?
Agitant les CD ornés de feuille de chanvre qu’il a acheté le matin même à la FNAC, il demande : Pourquoi la compilation musicale éditée par le Circ est un délit alors que ceux-ci ne le sont pas ?
Pour résumer ce procès, disons tout simplement que si le ridicule tuait, cet après midi du 6 septembre 1999 aurait été un massacre.
Quelle décision prendra le tribunal, suite à la grandiloquente plaidoirie de maître Gabriel Versini, l’avocat du Circ ? Rendez-vous le lundi 27 septembre à 14 h pour le délibéré.
L’équipe du CIRC Lyon
Dernière minute : Les fonctionnaires du Trésor Public ont procédé à la saisie du compte bancaire de Jean-Pierre Galland qui, pour des faits similaires, doit encore à ce jour 60 000 FF à l’État.
Réforme du code de la famille
Guigou gère en bonne mère de famille !
L’approche de l’an 2000 stimulerait-elle les velléités de modernisation de la société ? Sans doute que oui au vu des réformes du droit qui ont lieu ici ou là de l’Afrique du Sud au Nunavut et de la Grande-Bretagne au Brésil en passant par l’Australie. Légalisation de la pilule au Japon, réformes constitutionnelles un peu partout, décriminalisation de l’homosexualité là, ou encore réforme du code de la famille ici.
En France, une réforme du code de la famille (fondé encore à l’heure actuelle sur le code Napoléon) est considérée comme nécessaire de façon unanime (ou presque) par la classe politique. Le gouvernement actuel semble bien déterminé à faire avancer les choses sur un certain nombre de questions. Une volonté loin d’être inepte au regard de la désuétude presque attendrissante des textes actuels. Le rapport remis le 14 septembre à la ministre de la Justice, Élisabeth Guigou, doit servir au gouvernement de base de travail pour une réforme à mettre en place dans l’année à venir. S’il est bien sûr impossible de savoir ce qui dans le rapport retiendra l’intérêt de nos dirigeants bien aimés ; il n’est toutefois pas inutile de se poser les habituelles questions : pourquoi maintenant, pourquoi faire et surtout, pour qui ?
Nous l’avions déjà vu à l’époque des grands débats (en suspend) sur le PACS, la classe dirigeante a une vision de la famille avant tout économique même si elle essaye tant bien que mal (et surtout mal) de la farder des habits élimés de la moralité. Élimés au point que, de retour à la base, Christine Boutin s’est fait huer par les jeunes UDF qui avaient sans doute dû essuyer les quolibets des autres jeunes qu’ils tentaient de convertir. La mutinerie fut telle que la quasi totalité des appareils de droite ont lâchement pris leurs distances d’avec leur copine d’hier. Comme quoi, Jospin n’avait pas tort à l’époque de la traiter de marginale devant un parlement hypocritement outré.
La famille reste le fondement de la propriété
L’élément principal et sans doute le plus novateur du projet, serait de donner une égalité de droit entre les enfants légitimes et les enfants naturels, y compris adultérins. Pour sympathique qu’elle soit, l’idée n’en est pas moins audacieuse et se trouve même à la limite du grand écart idéologique puisque la famille est toujours considérée comme le fondement de la société et que cette société est en régime capitaliste c’est-à-dire basée sur le bien, son accumulation et sa capitalisation, donc, sa transmission plutôt que son partage. Et la famille est justement le lien juridique de cette transmission. Le problème est que la société n’est pas le système, qu’il n’y a aucun lien « naturel » entre les rapports sociaux et l’idéologie économique. C’était vrai en Union soviétique, ça le reste en Chine tout comme ici. Les individus vivent et, même canalisés par la loi, finissent par faire comme ils le sentent. Ça prend parfois du temps, mais on finit par y arriver. La loi, elle, pour rester la référence, doit suivre et se mettre au goût du jour pour pouvoir être crédible. Sinon, le système tombe. En d’autres termes, ça s’appelle « lâcher du lest ».
Lâcher du lest ne veut surtout pas dire lâcher prise, bien au contraire. C’est pour garder l’emprise que la loi doit canaliser ce qui est (l’état de fait) quand elle ne parvient plus à le déterminer. C’est ce qui s’est passé avec la contraception, l’avortement, le divorce, le droit de grève, le droit d’association, l’éducation, les radios libres, l’Internet, etc.
Affirmation de l’identité individuelle !
Aujourd’hui, 40 % des enfants naissent de parents non-mariés. Ça n’est plus de l’ordre du phénomène de société. C’est son mode d’organisation naturel qui prend le dessus. Idem pour les divorces (ou même la séparation des couples non-mariés). Au XIXe siècle, les femmes mouraient en couche une fois sur trois et de toutes façons, les gens étaient très vieux à la cinquantaine. Dans ces conditions, il n’y a pas de mérite à ne pas divorcer (ce qui n’a bien sûr jamais empêché l’adultère). Par rapport à nos arrières grands parents, nous avons le temps d’avoir, en quelque sorte, plusieurs vies. À la poubelle, le poussiéreux code Napoléon.
Mais derrière le code Napoléon, comme derrière le code Guigou, il y a bel et bien une seule et unique volonté : préserver l’ordre économique des choses. La morale fut un outil en la matière, l’outil est émoussé, ils en changent. C’est du pragmatisme.
Le fond des choses reste le même. La loi doit pouvoir codifier la filiation si elle ne peut pas codifier le couple. C’est bel et bien la descendance qui est le ciment de la société bourgeoise/capitaliste. Derrière les sociétés dites anonymes, il y a des individus, des propriétaires qui accumulent et « créent » des richesses et c’est bien pour ces gens là, pour servir leurs intérêts immédiats et futurs que le droit change. Comme pour le PACS. Le divorce serait d’ailleurs de plus en plus allégé pour les couples sans descendance ni propriété ; ça veut tout dire…
Reste aussi qu’un certain nombre de changements se font dans les mentalités, dans la culture des individus (et des sociétés), une modification dans leur vision des choses, y compris d’eux-mêmes. Ainsi, la notion d’identité individuelle a pris le pas sur l’identité collective (nation, classe sociale) ; d’où peut-être ce besoin de savoir d’où l’on vient. Une forte demande se fait pressante de la part d’enfants adoptés de connaître leurs sources. Les désillusions, la déception et le sordide sont parfois au rendez-vous mais l’ignorance en la matière devenant source de névroses il est difficile de refuser à des gens en souffrance la délivrance qu’apporte le savoir. Pourtant, le droit des femmes violées, exploitées dans leur chair, à refuser, à oublier (mais est-ce possible ?) ou à nier, ne peut pas être relégué au titre de caprice irresponsable. L’intelligence voudrait qu’un système soit mis en place pour mettre en contact parents et enfants nés sous X dès lors que les deux parties en expriment la demande, à n’importe quel moment de leurs vies respectives. Reste à savoir si l’intelligence est au pouvoir…
Vincent Tixier
Crises de foi
Du sang ! Du sang !
Le père Jean-Louis Brughes croit à « la vertu purificatrice de la corrida, cette danse tragique avec le destin, la lumière et la mort… ». Cet énarque dominicain avait déjà avoué à la presse en 1996 : « Quand vous sortez d’une corrida, vous vous sentez purifié, plus léger, mieux ». Malgré de tels propos, la conférence des évêques de France a désigné le saint homme comme représentant de l’Église catholique (tenez-vous bien…) au Comité consultatif national d’éthique (si, si)…
Dans le plus cynique, Papon, lors de son procès en diffamation pour défendre la répression du 17 octobre 1961 contre les manifestants algériens a argumenté ceci : « Vous voyez un gardien de la paix étrangler ou émasculer un individu ? Regardez ce qu’on fait en Algérie en ce moment… En France, c’est impossible. De par l’éducation chrétienne ». Les miliciens de Vichy étaient des enfants de cœur, quant aux arabes, on s’est contenté de la gégène, des tirs tendus et on s’est débarrassé des corps « chrétiennement » dans la Seine ; c’est moins salissant. Dommage qu’il n’ait pas lu le rapport de l’évêque Stanley Mogoba, ancien président de l’Église méthodiste d’Afrique australe, promoteur du programme « Vaincre la violence » mis en place par le COE (Conseil œcuménique des Églises) en 1994.
Cet évêque a trouvé une solution pour endiguer la vague de criminalité qui ébranle l’Afrique du Sud : amputer les membres et les oreilles des criminels, voire « toute partie du corps incriminée ». Dans une lettre ouverte aux médias, il affirme qu’il n’aime pas de tels procédés, mais, précise-t-il, il faut « parler aux criminels dans la langue qu’ils comprennent. » Tu pries ? Ou sinon je t’éclate la cheutron ! Amen.
Régis Boussières, groupe Kronstadt (Lyon)
Mondialisation des marchés
Nike : la pompe à fric
La petite histoire raconte que Phil Knight crée sa société en 1962 en important 1300 paires de tennis du Japon. Dès sa création, la stratégie adoptée par Nike a été de vendre au prix fort des produits fabriqués dans les pays à faible coût de main-d’œuvre et en étant constamment à l’affût de nouveaux lieux de production plus profitables. En 1980, Nike quitte la Grande-Bretagne pour tout miser sur la Corée du Sud et Taiwan. Au début des années 1990, le fabricant lorgne vers la Chine et l’Indonésie où la main-d’œuvre est huit fois moins chère qu’en Corée.
Esclavagisme moderne en Indonésie
À présent, Nike profite du Salvador, nouvel eldorado aux portes des États-Unis. L’entreprise fait jouer sans pitié la concurrence veillant à ce que ses sous-traitants soient toujours sur le fil du rasoir. Jusqu’à 610 sbires ont été salariés par Nike en Asie pour délivrer des licences de misère (acquises mois par mois). Cela en dit assez long sur l’extrême dureté des conditions de travail et la misère des salaire des ouvriers. Phil Knight ne fait qu’appliquer les grandes lois du libéralisme : « Nike n’est pas un fabricant de chaussures. Nous sommes des commerciaux et des stylistes. En fonction du coût de la main-d’œuvre, nous aidons nos partenaires à s’adapter dans le pays le plus intéressant ». Dans une lettre adressée en 1996 au New York Times le PDG de Nike déclarait : « Si nous ne faisions pas assurer notre production dans les mêmes sociétés à faible revenu que nos concurrents, nous serions en cessation d’activité et les 10 000 personnes que nous employons aux États-Unis seraient au chômage ». Or 3 % du budget marketing de Nike suffiraient à doubler le salaire des 400 000 ouvriers asiatiques. Cyniques, ces mêmes apôtres nous ont aussi chanté la chanson des « cercles vertueux de la croissance » qui allaient enfin permettre à « ces pauvres habitants du Tiers monde » de connaître les bonheurs des sociétés de consommation occidentales grâce aux investissements des multinationales. Le dictateur d’Indonésie a suggéré à la population, au plus haut du marasme social de la crise de l’année dernière, de jeûner deux jours par semaine, pour affirmer leur dévotion religieuse et économiser les réserves de riz. Sans commentaires.
Apologie du sport et de la légion étrangère
Et c’est ce trésor de guerre, cette marge brut de 40 % acquise sur le dos des coolies, qui permet à la marque d’investir des sommes colossales dans la promotion de ses produits via des contrats avec des vedettes. Le premier champion Nike est Ilie Nastase qui gagne l’US Open en 1972. Au début des années 80, Carl Lewis neuf fois champion olympique permet à la marque de se développer. En 1992, Nike s’impose à Barcelone comme la société de sport. Après les jeux d’Atlanta en 1996, le chiffre d’affaires de la marque connaît une augmentation de plus de 20 % pour atteindre 33 milliards de francs soit plus que ses principaux concurrents réunis. Si un patron peut gagner 570 000 fois le salaire de son ouvrière, un joueur de tennis peut signer des contrats faramineux : André Agassi en 1996 pour prêter son nom à Nike pendant 10 ans a touché 100 millions de dollars, somme plus élevée que ce que gagneront les 12 000 salariés de l’usine Nikomas, en Indonésie en travaillant 60 heures par semaine. En 1997, dans une campagne publicitaire destinée au marché français, Nike fait l’apologie de la légion étrangère. Le spot met en scène Cantona dans les vestiaires après le match. Celui-ci, à moitié nu, déclame quelques uns des engagements relevés dans le code d’honneur du légionnaire. L’entreprise estime que les valeurs du soldat (accomplir sa mission à tout prix) font l’écho à sa propre marque.
Pour des millions de jeunes à travers le monde, Nike s’impose de plus en plus comme le Coca-Cola des équipements sportifs. Le discours libéral de Nike sur le sport s’appuie sur l’illusion du fric facile générée chez les jeunes par quelques stars issues des classes pauvres. Face à un manque de perspectives sociales émancipatrices, ce type de discours minimalistes détournent les regards vers des substituts consommables. Dans la cour de récréation, pas de virgule (logo de Nike), et c’est la honte… Pour la Mercurial R9 (pour Ronaldo et son numéro9 commercialisée par Nike à 649 FF la paire) des campagnes publicitaires de plusieurs millions de francs sont réalisées en direction des jeunes afin de créer chez eux le bon réflexe d’achat : « Just do it » !
Bernard S.
Il existe un site Internet « anti-nike » : http://www.multimania.com/nikles
Michelin jette des salariés sur la route des profits
Le nouveau plan social du groupe Michelin démontre une fois de plus les excellents rapports et la communauté d’intérêts, entre les grands patrons et le gouvernement de la gauche plurielle. Cette dernière s’illustre une fois de plus par une fidélité sans faille à l’idéologie libérale.
Des patrons gonflés à bloc
La parution de statistiques officielles galvaudées, a permis à Lionel Jospin et à son gouvernement d’annoncer, en fanfare, une prétendue victoire contre le chômage. Ils n’auraient plus aujourd’hui, qu’un seul souci : répartir les excédents budgétaires. À la bourse, les capitalistes rentiers se lèchent les babines en récoltant des plus values mirifiques au détour d’opérations fumeuses de fusion — participation, sous le regard bienveillant du gouvernement.
Finie la crise ! mais nos ennuis ne font que commencer ! car c’est maintenant la pleine santé de l’économie qui justifie des licenciements massifs dans les grands groupes industriels et financiers. Après ceux de Carrefour-Promodès et de la société générale, les salariés d’Elf Aquitaine, victimes des restructurations n’ont qu’à eux aussi « penser libéral », à l’image de leur patron Jérôme Jaffré, licencié lui aussi, mais qui part avec une prime de 40 millions et 60 000 actions très revalorisées par la fusion. Sans doute pour le remercier du travail de sape effectué, qui précède en général les licenciements.
À Michelin, comme ailleurs les profits sont au rendez-vous. Mais à en croire son patron (Édouard Michelin), il faudrait licencier aujourd’hui, pour ne pas avoir à le faire demain. L’aberration pourrait prêter à sourire : licencier pour lutter contre le chômage ! Mais la couleuvre est dure à digérer pour des salariés qui subissent leur 10e plan social depuis 1983, avec des effectifs qui ont déjà été réduits de moitié. À présent, c’est avec un bénéfice de 17,3 %, un chiffre d’affaire en hausse etc. qu’il faudrait virer 2000 personnes.
Plus subtil, l’argument de la pression de la concurrence, qui apparaît sous l’aspect des monstres fusionnés Good Year-Sumitomo qui menaceraient le marché européen, prêts à surgir derrière une OPA. Seulement voilà, à Michelin ce sont déjà des fonds de pension anglais et japonais qui sont majoritaires… la mondialisation est déjà passée par là. Il semble donc difficile dans ces conditions de réveiller la fibre nationaliste des salariés. Surtout que l’on sait que par ailleurs la firme compte s’installer et embaucher du personnel en Californie dans les années à venir.
E. Michelin n’a pas dû, de toute façon, beaucoup se creuser la tête pour faire admettre sa politique salariale, tant le patronat semble avoir les mains libres actuellement et bénéficier d’une grande impunité face à des travailleurs rendus KO debout par des années de régression sociale.
Quant à la fibre socialiste de Lionel Jospin, si certains pouvaient encore garder l’espoir qu’elle se manifeste, elle reste cependant indétectable dans ses dernières déclarations.
Le gouvernement Jospin : Formule 1 du libéralisme
Pour garder le pouvoir, il a finalement trouvé la panacée, grâce au temps partiel imposé et à la précarisation généralisée des statuts salariés, il a réussi à augmenter le chômage réel en le faisant partager par les exploités. Il assure ainsi la survie de ceux qui pourraient se révolter face à une misère absolue. Il ménage aussi la susceptibilité de ceux qui veulent qu’on fasse quelque chose. Surtout il satisfait les exigences des capitalistes qui veulent réduire le coût du travail. Le même Jospin ne trompera donc personne lorsqu’il en appelle à une réaction des salariés de Michelin. Même si le gouvernement se défend de pouvoir intervenir en quoi que ce soit dans les affaires du groupe Michelin, on avait déjà pu tester sa politique dans ce domaine. À l’usine Vilvorde, bien qu’actionnaire majoritaire, il n’avait fait qu’entériner la fermeture, sort que connaîtra bientôt l’usine Michelin de Wolber près de Soissons.
Pour la gauche au pouvoir, le seul moyen qu’auraient aujourd’hui les salariés de s’en sortir serait de devenir des actionnaires, pour eux aussi bénéficier des grandes mannes boursières. Ceux qui suivront les conseils de François Hollande, chantre du petit actionnariat, pourront ainsi se réjouir de profiter de quelques miettes et se sentir solidaires de leurs patrons. Jusqu’au jour où de salariés actionnaires ils seront devenus chômeurs actionnaires. Soutiendront-ils alors les plans de licenciement dans l’espoir d’empocher quelques centaines de francs en fin d’exercice pour compléter leur allocation de chômage ?
Gageons qu’une telle situation ne pourra pas perdurer sans réaction du mouvement social. Le PC l’a bien compris, qui cherche à se dédouaner de sa participation au gouvernement par l’appel à un grande manifestation contre le chômage. Mais ce fumigène n’effraie pas les patrons et ne devrait pas non plus rassurer les salariés contraints de mener des luttes sectorisées, souvent très déterminées mais dont l’isolement augmente la probabilité d’une défaite.
Reste la perspective des grands rendez-vous syndicaux, au début du mois d’octobre, mais ces autoroutes de la mobilisation risquent de jouer simplement le rôle de catalyseur du mécontentement. Si les salariés ne se les réapproprient pas, elles resteront soumises aux intérêts corporatistes et à des enjeux électoralistes. Déjà, le caractère unitaire du projet initial est remis en cause par la division des bureaucraties syndicales. La tâche semble aujourd’hui difficile pour les travailleurs qui doivent s’émanciper du pouvoir patronal en même temps que des organisations qui contrôlent les luttes et qui ne veulent pas mettre des bâtons dans les roues de leurs copains de la gauche plurielle. Mais à force de précarisation et de ras-le-bol généralisé, il faudra bien que le mécontentement éclate et que des luttes porteuses d’un vrai projet d’émancipation se développent.
Jean. groupe Kronstadt (Lyon)
En attendant d’oublier le Timor
On pourrait presque croire que l’indignation est à son maximum et que les exactions de l’armée indonésienne au Timor révoltent l’occident. On pourrait même croire, si l’on était bien naïf, que l’ONU humiliée par l’Indonésie fera appel au bras vengeur des États — Unis pour assurer la vie du petit peuple timorais, que les troupes américaines vont bombarder Jakarta, comme elles ont bombardé Belgrade ou Bagdad, avec en star américaine le président Clinton sur tous les écrans de télévision pour expliquer, un sanglot dans la voix, que l’Amérique est l’indéfectible défenseur des droits de l’Homme. Tout cela pourrait être vrai si les américains n’étaient pas les plus sûrs alliés des tyrans indonésiens et si, derrière l’hypocrisie médiatique, presque tout le monde, au fond, ne se moquait du Timor. Pourtant le Timor-Est est un cas d’école de l’oppression. Il cumule le modèle de Irak au Koweït, annexion par la force d’une région pétrolifère considérée ici comme la « 26e province » du pays, et celui de la Chine au Tibet avec la colonisation d’un peuple peu nombreux dans le but de le rendre minoritaire chez lui. Mais le Timor est trop loin pour qu’on s’y intéresse vraiment.
C’est pourtant une bien belle découverte de la géographie télévisuelle de l’été, surtout quand on pense que des massacres s’y déroulent depuis plus de 20 ans. Il faut vraiment que l’indignation s’use vite pour que l’on soit obligés d’en changer tous les trois mois. L’Afghanistan est usé jusqu’à la corde, les Kurdes ont bien du mal à faire de l’audience, le Kosovo ennuie désormais et l’Algérie commence sérieusement à lasser (voir ML de la semaine dernière). Qu’on se rassure le monde est dans ce domaine inépuisable et les journalistes ont sous le coude tout ce qu’il faut pour tenir l’année, parce que, c’est presque certain, le Timor ne va pas suffire pour tenir jusqu’à Noël. En attendant, les mercenaires indonésiens ont détruit Dili, la capitale du Timor, chassé ou tué la population et pillé tout ce qu’il y avait à piller. Ils quittent maintenant le territoire avec leur butin, laissant un peuple terrorisé et quelques casques bleus qui arrivent pour assurer le statu quo, le temps que le monde s’endorme.
Pourquoi L’Indonésie veut-elle le Timor ?
Le Timor oriental c’est d’abord du pétrole. Mais surtout cette petite terre représente un exutoire pour la colonisation intérieure de l’archipel indonésien. Pour comprendre la situation il faut avoir présent à l’esprit que l’Indonésie c’est 215 millions d’habitants (à 90 % musulmans, ce qui en fait le plus grand État musulman du monde) dont 70 % sont regroupés sur 7 % du territoire, principalement l’île de Java qui est surpeuplée. Tout le pouvoir y est concentré dans la capitale Jakarta. Les Indonésiens pratiquent une politique de « désengorgement » de cette île vers d’autres îles plus pauvres et moins peuplées. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une politique coloniale avec pour objectifs secondaires la diffusion de l’Islam et du sentiment national indonésien, par la force bien entendu. La grande peur du pouvoir indonésien et des États Unis est qu’après le Timor oriental, d’autres îles de l’archipel, les Moluques, Bornéo ou l’Irian Jaya (la moitié occidentale de la Papouasie Nouvelle Guinée), ne réclament leur indépendance.
L’éventualité de l’indépendance de l’ancienne colonie portugaise leur fait redouter à terme une désintégration de l’Indonésie. Cet État relativement jeune ne doit ses frontières qu’à l’aléatoire de la colonisation hollandaise, figé dans l’indépendance de 1949, à l’exception du Timor-Est annexé en 1976. La crainte d’une contagion indépendantiste ne relève pas du fantasme mais s’appuie sur la demi-douzaine de conflits régionaux qui ensanglantent le pays, principalement dans les îles périphériques où se concentrent le pétrole et les investissements américains.
Pourquoi le référendum ?
Quelques hypothèses à défaut de certitudes. Probablement le président Habibie a-t-il pensé refaire la bonne opération de l’Irian Jaya de 1969. Cette partie de l’île de Nouvelle-Guinée, colonisée par les Pays-Bas jusque là, est tombée dans l’escarcelle indonésienne à la suite d’un référendum truqué, « un acte de libre choix », pourtant supervisé par l’ONU. Le pouvoir indonésien a certainement pensé aussi que la politique de terreur exercée sur les timorais par les milices à son service serait suffisante pour dissuader la population de « mal » voter. Il faut se souvenir que lorsque le Timor a été envahi en 1976, l’armée a tué 200 000 des 600 000 timorais. Malgré l’échec de cette stratégie de la terreur menée depuis 20 ans, la situation actuelle n’est pas si mauvaise pour le pouvoir en place à Jakarta. Elle détourne la colère populaire de la crise économique, de la pauvreté et de l’absence de démocratie, en jouant sur le vieux mais efficace ressort nationaliste. Cette conjoncture est surtout favorable à l’armée qui, comme en Algérie, possède la totalité du pouvoir effectif et l’a montré largement à l’occasion de la crise timoraise. L’armée s’est vengée et a puni les timorais de leur courage. La stratégie indonésienne repose finalement sur la certitude que derrière les protestations de façade le soutien total des États Unis est assuré.
Franck Gombaud, groupe Sabaté (Rennes)
Interview d’un anarchiste sicilien
L’enracinement des idées libertaires
Militant du groupe anarchiste de Raguse (Sicile), Pippo Gurrieri a notamment participé à la création des « syndicats de base » de cheminots, et fait partie de la rédaction du journal mensuel Sicilia Libertaria diffusé à 1200 exemplaires. C’est le plus vieux journal anarchiste « local » de toute l’Italie.
ML : Comment votre groupe a-t-il pris racine dans la réalité sociale dans laquelle vous vivez, et quels rapports avez-vous avec cette réalité ?
PG : Certains groupes ont des réalités enracinées et solides, d’autres des réalités aléatoires. À Raguse où je suis, il y a de très bons rapports avec les gens et avec les autres organisations présentes. C’est un rapport qui est né dans un contexte de continuité politique de l’anarchisme, dans cette ville et dans la province, et ce depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Le mouvement s’est renforcé après 1968 avec l’arrivée de jeunes copains, qui assurent encore la continuité aujourd’hui. Nous sommes très présents dans les mouvements sociaux, et nous sommes une réalité sociale reconnue même au niveau des institutions, dans le sens que le pouvoir local sait qu’il y a des anarchistes, alors soit il cherche à les freiner, soit il les prend en considération et doit accepter à contrecœur cette présence. Ainsi nous occupons un bon espace politique à l’intérieur du territoire, ce qui nous permet de prendre des « grandes » initiatives comme ici à Spezzano, en ayant accès aux places publiques, etc. Dans le même temps, notre local de Raguse est très fréquenté, non seulement par des anarchistes mais aussi par des gens de gauche qui veulent se confronter à notre discours et avoir accès à notre matériel militant, à nos journaux, à la librairie. Cela donne la possibilité de propager beaucoup d’information, non seulement anarchiste, mais alternative en général.
ML : Quelle est la réalité du mouvement anarchiste en Sicile ?
PG : Il y a deux ans nous avons créé une Fédération anarchiste sicilienne (FAS), afin de regrouper avec nous une frange du mouvement libertaire qui depuis longtemps n’avait plus d’activité régulière. L’exigence était de réactiver la présence anarchiste en s’appuyant sur les groupes plus solides, comme le groupe de Raguse, ceux de la zone de Catania et quelques autres. Cette fédération est arrivée à réactiver le mouvement à Messine, dans la province d’Enna, dans des zones où depuis longtemps il n’y avait plus rien.
Nous sommes présents comme FAS dans 6 provinces sur 9 ; nous avons des points d’ancrage très forts comme dans la région d’Agrigente où il y a des compagnons qui ont une activité très profonde sur les thèmes de l’agriculture biologique et du communalisme, et qui sont très suivis par la population ; ou à Messine où on a des « centres sociaux ». Cependant on a encore des difficultés dans les grandes villes, comme Palerme où il y a une légère renaissance… De plus nous avons un gros déficit de locaux fédéraux, puisqu’il n’en existe qu’à Raguse et à Messine. À Palerme le local a fermé pour motifs économiques, et les autres compagnons de la FAS se réunissent dans des espaces universitaires ou chez eux. Notre mouvement croît depuis 2-3 ans, il y a une grosse capacité d’action, ainsi pendant la guerre au Kosovo nous avons été très actifs et beaucoup plus présents que les forces politiques traditionnelles comme Refondation communiste, etc.
ML : Nous savons qu’il existe une réalité mafieuse en Sicile ; est-ce que cette présence est source de problèmes pour votre activité politique ?
PG : Oui. Cela crée des problèmes parce que là où la Maffia est la plus forte il n’y a pas de grosse présence anarchiste, ce qui nous a empêché de vérifier jusqu’où est capable d’aller telle ou telle maffia locale. D’ailleurs, quand on commence à mettre le doigt sur un sujet délicat, il y a une réponse immédiate. À Raguse elle n’est pas très puissante, il y a plutôt quelques familles qui supervisent des réseaux de délinquance. C’est par eux que notre librairie a été incendiée en février 1998. Cela illustre bien le fait que quand on mène des luttes plus pointues, plus concrètes localement que d’habitude, la réponse reste de caractère mafieux « traditionnel », c’est-à-dire terroriste et provocatrice. Nous sommes présents dans certains secteurs de luttes comme les cheminots moi-même je suis cheminot à travers les « syndicats de base », ainsi que sur des thématiques de protection de l’environnement et de la santé, qui mobilisent des centaines de personnes. Lorsque nous prenons ce genre d’initiatives qui tendent à bousculer le « statu quo », nous avons effectivement de lourdes menaces. À tel point que pour l’incendie du local il y avait au départ plusieurs pistes possibles : comme nous avions mené des luttes dans plusieurs secteurs, nous avions plusieurs ennemis !
ML : Nous savons aussi que l’État italien est très répressif, surtout en ce moment pour le mouvement anarchiste. Avez-vous eu des problèmes de ce côté-là ?
PG : Il y a toujours les problèmes de contrôles, très répandus et très discrets, mais depuis 3-4 ans nous n’avons plus de problèmes de répression directe. Je ne pourrai pas dire pourquoi, mais avant les « autorités » cherchaient à nous mettre des bâtons dans les roues pour la moindre manif, la moindre initiative, le moindre collage d’affiches. À tel point que lorsque des nouveaux copains adhéraient au groupe, les plus anciens étaient poursuivis pour des banalités, afin de créer un climat d’intimidation.
Maintenant, la situation est très tranquille. Il faut cependant considérer que Raguse est une ville moyenne de 70 000 habitants où on ne trouve ni les problèmes de populations marginalisées dans des « quartiers difficiles » à forte tension des grandes villes ni un contrôle social lourd sur l’individu comme dans une petite ville. C’est peut-être cela qui nous fait avoir une situation privilégiée d’un point de vue répressif.
Interview et traduction : Marisa, Xavier et Azzurra, groupe Proudhon (Besançon).
Bilan de la 56e Mostra : cinéma, désir et émotions !
Cette 56e festival de Venise, la Mostra, pièce maîtresse de la Biennale était annoncée, décriée, fustigée par le Vatican comme la Mostra du sexe et du porno. Le film le plus libre dans ce registre venait de Corée. Gojitmal (Mensonges) filme 112 minutes d’actes sexuels en continu. Un acte de courage quand on est coréen et que le roman-modèle et ce film sont interdits. Découverte joyeuse : premier trou, deuxième trou etc. illustrent la progression dans la découverte du corps de l’autre. Pour éviter la pratique fréquente du viol de groupe, elle veut perdre sa virginité (18 ans) avec un homme expérimenté (38 ans) recruté par annonce. Le but avoué de rencontres se mue vite en pratiques sado-masochistes, coups, flagellations et son cortège de dépendances. Bâtons et fouets creusent et strient cuisses, fesses et dos. Séparation pathétique : elle en écolière, tenue marine, frappe le maître décharné qui gémit de plaisir. Bilan : souffrance, mais parcours touchant par son acharnement. Une Liaison pornographique de Frédéric Fonteyne affiche le désir de vouloir assouvir un fantasme. Le suspense naît. C’est quoi, ce fantasme ? Le film tient sur ce défi, soutenu par deux excellents acteurs : Nathalie Baye et Sergi Lopez. Nathalie Baye excellait ces derniers temps dans une sorte d’emploi fixe, la femme émancipée qui ne trouve mâle à se chausser… pour vérifier, revoir absolument Venus Beauté (Institut) de Toni Marshall et Si tu m’aimes, prends garde à toi de Jeanne Labrune. Venise l’a consacrée « Coppa Volpi » pour son interprétation dans Une Liaison pornographique.
Guardami (Regardons) proposait de regarder les coulisses du cinéma porno. Résultat : on déplore sa caméra porno, se sépare d’un cinéaste prometteur et pleure l’absence d’érotisme. Réaliser après le très libertaire Nenette et Boni un film sur un conflit d’autorité dans la Légion étrangère semble saugrenu. Mais Claire Denis est une grande artiste et tient sur ce fil de rasoir. À cause ou avec ses acteurs ? Beau travail est le nom de sa chorégraphie amoureuse du corps/du cœur des hommes. Denis Lavant apporte sa grâce de félin à l’adjudant jaloux de Grégoire Colin, envieux de sa fragilité à fleur de peau. Michel Subor, l’ex Petit Soldat de Godard est recyclé en commandant. Résultat : Caméra géniale, Agnès Godard, film intriguant pour notre plaisir. Les souffrances des légionnaires, on s’en fout. Représentation de rapports sexuels violents dans beaucoup de films de jeunes auteurs. Films conçu comme un journal télévisé (un peu de guerre, un peu de sexe, un peu d’abus paternels, beaucoup de détresse). Le jury a retenu la prestation d’une très jeune actrice débordante de vitalité : Nina Proll dans Nordrand (Périphérie Nord) de Barbara Albert, Autriche. Résultat : beaucoup d’interruptions de grossesse. Eh, les préservatifs, ça existe ! Des films se démarquent de ces pages de vie, réalisées parfois par des cinéastes très talentueux comme Fred Relemen avec Abendland (Occident et Paysage nocturne), film remarquable, plein, peut-être trop plein de plans cinéma. En section parallèle : en premier Le vent nous emportera de Abbas Kiarostami, suivi par les deux films chinois en compétition Wei Minzhi fait l’appel de Zhang Yimou et Dix-sept ans de Zhang Yuan.
[ image à récupérer : Guo nian Hui Jia ]
Évidemment comme dans tous les derniers films de Kiarostami, un homme au volant d’une voiture arpente les sentiers poussiéreux d’une terre très photogénique, rouge, dans un paysage halluciné, où les champs sont en contrebas d’un village aux abords fortifiés. Balisé par un arbre, le village se cache derrière un tournant. Sur cette simple sagesse du regard, Kiarostami construit son cinéma en sollicitant le spectateur. Cinéma de plus en plus dépouillé, où l’acteur principal court de façon grotesque et répétée derrière le bip de son portable. Mais un dérèglement et une surprise est au bout de chaque course, là où le téléspectateur risque de zapper. Finalement cette sorte de désolation iranienne aux accents poétiques et philosophiques, Le vent nous emportera de Abbas Kiarostami aura obtenu le grand prix du jury à défaut de rafler le Lion d’Or, emporté pour la deuxième fois par Zhang Yimou pour son contre-chant/champ-paysan plein de rebondissements Yi Ge Dou Bu Neng Shao (« Wei Minzhi fait l’appel » ou « Pas un de moins ! ») sur la jeune fille chinoise.
Les films chinois à l’honneur
Admiratif de l’apparente simplicité du cinéma de Kiarostami, Zhang Yimou est revenu à la veine de Une femme chinoise, mais sans star. L’obstination et la détermination qui faisaient tout le prix de l’admirable film avec Gong Li sur une paysanne caractérise aussi Wei Minzhi, la jeune maîtresse remplaçante au centre du film. On lui a promis 50 Yuan et 10 de plus, si dans un mois tous les élèves répondent présents à l’appel. Donc Wei part en ville récupérer le plus turbulent de ses élèves, envoyé pour travailler, car sa famille est très pauvre. Sans dogmatisme et avec humour Zhang Yimou revient à certaines valeurs de la révolution chinoise : obstination, persévérance. Wei Minzhi n’obéit à personne, est mue par ses motivations égoïstes, mais se conduit en parfaite anarchiste. Car ses agissements autonomes servent finalement la cause de la liberté des enfants dont elle assume la charge, donc l’école de la vie. Au lieu de recopier machinalement les leçons du tableau réservé au professeur, chacun aura le droit d’écrire. La craie blanche servait avant. Maintenant les signes s’écrivent en couleurs, les voix sont vives comme elles. Double bilan : poésie et vie. Mais il ne demeure pas moins vrai que la scène la plus bouleversante se trouve dans le film Dix-sept ans de Zhang Yuan, distingué du prix de la meilleure mise en scène. Le chinois Zhang Yuan est polyvalent. Il réalise des documentaires très surprenants : à Locarno, il y avait son docu sur l’américanisation de la Chine ; sur tous ces jeunes qui veulent parler « crazy english » et ceux qui se font du fric avec. Dix-sept ans est un film basé sur plusieurs histoires vraies. C’est l’histoire de deux sœurs, filles de pères différents. La fille du deuxième mariage est la préférée des parents. Pour un billet de 5 Yuan que la fille préférée vole aux parents, mais cache dans les affaires de la sœur, elle est tuée accidentellement. La sœur qui a porte le coup fatal, fera 17 ans de prison. Le film montre son retour de peine. Elle entraîne une de ses gardiennes avec elle jusqu’au logement des parents. La scène des retrouvailles est le morceau de bravoure du film. Le père aurait préféré ne jamais la revoir. La mère n’ose la renier. Évidemment tout ceci peut être vu comme une formidable caution démocratique du système de rééducation des prisons chinoises. Mais Zhang Yuan s’est battu pendant deux ans pour obtenir les autorisations et pour tourner vraiment dans une prison de femmes. Il a immergé son actrice dans ce milieu et elle a témoigné que ses « codétenues étaient des êtres humains, qu’elle s’est sentie parmi des gens comme elle, ordinaires, normaux. » Mais nous comprenons quand même que dans les sociétés abusivement autoritaires, la famille transmet les avatars de ces dictatures et devient flic et geôlier de ses enfants. « Les prisons sont pleines de jeunes gens victimes de l’enfer familial », dit Zhang Yuan. Son film chinois, parlé chinois est coproduit par Marco Muller, la fondation cinéma Vérità et la Fabrica (Italie). Tout comme le Kiarostami est une coproduction avec MK2 (Karmitz).
Kubrick met le sexe et le porno en échec
Mais le meilleur film de cette 56e Mostra est le déjà décrié Eyes Wide Shut car Stanley Kubrick met le sexe et le porno en échec, il terrasse ces monstres qui avancent masqués ou sont entravés par la splendeur de sa mise en scène. Il rend Nicole Kidman sublime dans des sous-vêtements plutôt hermétiques et dévoile en quelques plans-séquences formidablement dialogués l’irrésistible attraction-répulsion que crée le désir du désir de l’autre, tout en nous apprenant… que c’est un fantasme. C’est pourquoi ce film aura beaucoup de détracteurs. Bilan de cette 56e Mostra : cinéma, désir et émotion.
Heike Hurst (« Fondu au Noir »)
Oiseau-Tempête
Le nº 5 de la revue est sorti
Oiseau-tempête est animé par des individus, issus d’itinéraires différents, que rapproche la volonté de surmonter la résignation et d’esquisser une critique qui tente, dans la discussion et les débats passionnés, avec fragilité mais avec ténacité, de mettre à mal les visions convenues du monde. Oiseau-tempête vise, par le libre jeu des parcours, des réflexions et des échanges, à favoriser la convergence entre celles et ceux qui n’entendent pas courber l’échine et à attiser le désir de transformation de la société.
Fort ce cette déclaration, qui résume on ne peut mieux les buts et les choix de l’Oiseau-tempête, cette belle revue (qui en est déjà à son cinquième numéro), propose cette fois-ci plusieurs articles analysant sous des angles différents, le récent conflit armé du Kosovo. « Europe par la guerre » ou la « mobilisation capitaliste pour une défense européenne » par Barthélémy Schwartz. « Yalta basta » par Yves Pagès, ou « La guerre High-tech, le nettoyage par le vide » par André Dréan qui écrit, entre autres, « C’est pourquoi nous réaffirmons avec force, même si cela semble relever à l’heure actuelle du vain désir, que seules des poussées révolutionnaires peuvent stopper la course guerrière à l’abîme. » Charles Reeve, lui, propose un article intitulé : « Des limites de la mondialisation ». Côté philosophique, Oiseau-tempête offre une réflexion sur la pensée de Marcuse, revient sur l’œuvre du sculpteur Jean-Pierre Raynaud, et offre une critique très pertinente de Claude Guillon sur un récent « happening » à la Villette, où les spectateurs endossaient, pour une heure, le rôle d’un sans-papiers menacé de mort dans son pays, et arrivant en France.
Sur les sans-papiers, justement, l’article « Un prolo américain chez les sans-papiers latinos » permet de faire le point sur ce qui se passe de l’autre côté de l’atlantique. « La nouvelle loi draconienne sur l’immigration, en vigueur depuis l’année dernière, transforme aussi les conditions matérielles. Elle rend impossible toute solution individuelle du problème des sans-papiers », écrit John Marcotte, en direct de New York. Il n’est pas possible de citer tous les articles de cette revue très dense, mais signalons encore, pour finir, le très beau papier de Lou « Requiem pour le désir ».
Une revue à découvrir, pour la grande qualité de ses textes (d’un haut niveau : ils sont parfois un peu ardus !). Le tout est servi par une mise en page extrêmement soignée, illustré avec intelligence et imprimé sur un beau papier crème, pour le prix très modique de 20 francs.
Cathy Ytak
Oiseau-tempête nº 5 est en vente à la librairie du Monde Libertaire, 145, rue Amelot, 75015 Paris.
La colo libertaire, c’est celle que je préfère !
Le désir d’une vie collective, dénuée de rapports autoritaires ou marchands, nous a poussés à organiser, cette année encore, une colo anarchiste. Anarchiste parce que nul ne subit mais chacun participe pleinement à toutes les tâches, à toutes les décisions. Chacun peut exprimer ses envies ou ses problèmes au cours d’une assemblée générale quotidienne qui réunit petits et grands, pour faire le point sur la journée écoulée, se retrouver, faire des projets. Cette AG est le lieu où s’élabore la vie collective.
Par le biais des « pré-AG » (préparation par groupes d’enfants) chacun sera, à son tour mandaté par ses copains pour les représenter au moment de l’AG. Le but est de responsabiliser l’enfant, de l’autonomiser, de lui donner confiance en lui, en prenant la parole devant une assemblée. Financièrement, chacun paie selon ses moyens et les frais de déplacement sont répartis collectivement.
En Ardèche, du 17 au 24 juillet, nous étions donc 23 installés dans le même gite qu’il y a un an, sur la demande des enfants. Ils étaient 15 cette année, accompagnés ou non de leurs parents. Terrain connu donc, dans un décor familier. Plaisir de poursuivre les jeux, de trouver immédiatement des repères, d’approfondir les relations ébauchées l’an passé. Pour encadrer le groupe de 3 à 13 ans : 8 adultes. De l’avis de tous, le bilan est positif. Nous avons évité l’écueil du temps de rodage noté l’année dernière puisque nous occupions les mêmes lieux, avec 11 participants communs à ces deux colos. Cette fois, nous avons choisi de parler chaque soir des enfants, échangeant la pluralité de nos regards.
Nous avons constaté une évolution, bien sûr, dans leurs (nos) attitudes. Mais écouter, prendre la parole, argumenter, ça reste toujours difficile pour certains qui disent s’ennuyer aux AG… ou n’avoir rien à dire. Un débat interne est encore à prévoir pour rendre ces AG plus attrayantes.
Les activités ont été définies par les enfants et préparées dès le dimanche : visite d’un château en ruine, pic-nic, baignade, escalade, poneys. L’une des difficultés qui se profilaient lors de la préparation de la colo, en mai 1999, était la mixité car les relations étaient tendues entre garçons et filles. Les jeux collectifs ont permis l’échange entre les individus, sans que le sexe ou l’âge n’interfère. On a constaté l’inexistence de clans, une attitude confiante des participants, sans conflit larvé.
Bref, on pourrait prendre l’habitude d’une colo presque « reposante » et de l’autosatisfaction, mais il nous parait essentiel de renouveler les rencontres et d’ouvrir la colo. Peut-être y aura-t-il beaucoup d’autres lieux de colo libertaires l’été prochain si l’expérience (momentanée) de la vie collective tente d’autres aventuriers.
Jérome, groupe Lucia Saornil (Villeurbanne)
Création d’une Union locale de la Fédération anarchiste en Belgique
Si on le compare à d’autres régions où la Fédération anarchiste francophone est implantée (en France notamment), le mouvement libertaire en Belgique francophone est plutôt en bonne santé. Sur une zone géographique qui compte 4,5 millions d’habitants, cohabitent ainsi…
• Des groupes spécifiques adhérents à la FA comme Le Noir Lombric à Péruwelz, le groupe Alternative Libertaire à Bruxelles…
• Des groupes autonomes comme Le Réseau Anarchiste Tournaisien, le Centre Libertaire de Bruxelles, les Chats noirs de l’UL-B....
• La Coordination Autonome des Travailleurs, anarcho-syndicaliste…
• Plusieurs dizaines de libertaires actifs dans des collectifs du mouvement social…
• Le journal Alternative Libertaire qui diffuse débats, réflexions et informations dans l’ensemble du mouvement (y compris au delà des frontières).
Au vu de cette réalité, on peut s’étonner que cette densité libertaire ne soit pas en mesure de peser davantage sur les réalités sociales et politiques locales et nationales. À cela, deux raisons fondamentales, la division et l’éparpillement.
Historiquement, le mouvement en Belgique francophone est marqué par l’individualisme romantique et son corollaire, le rejet de toute organisation. Ceci étant fortement accentué par un important sentiment localiste qui empêche de voir plus loin que le clocher de « sa » ville, de « sa » zone, de « son » groupe. Or, ces dernières années, il semble que la situation ait sensiblement évolué sous la pression des faits, puisque dans les cercles des libertaires les plus conséquents, la question est moins aujourd’hui de savoir s’il faut ou non s’organiser que de se demander comment faire pour s’organiser.
Cette évolution est sans conteste la conséquence des diverses expériences menées afin de tendre vers une forme d’organisation (fût-elle « molle ») indispensable au développement du mouvement. Car, s’il est relativement facile aujourd’hui de rassembler quelques dizaines, voire quelques centaines de personnes à l’occasion de manifestations ponctuelles (Barbecue Cam-p’Anar, Fête du 1er Mai…) chacun se rend compte qu’à l’image d’une main remplie de sable, dès que les doigts s’entrouvrent, les forces ainsi rassemblées disparaissent dans la nature comme le sable sur la plage.
De tour de table en tour de table, de première rencontre en première rencontre, le mouvement libertaire en Belgique francophone se rejoue ainsi indéfiniment l’amorce d’un feuilleton dont il ne parvient pas à écrire les épisodes suivants. Question centrale donc, comment faire pour accumuler des forces qui puissent porter notre projet plus loin ? En un mot comment faire pour organiser les plus actifs des libertaires et construire autour d’eux une ossature qui permette structurer le mouvement pour lui permettre d’avancer.
À cette question nous avons décidé aujourd’hui de répondre par la mise sur pied d’une Union locale — Belgique francophone de la Fédération anarchiste francophone.
D’emblée, celle-ci se situera sur une base régionale, c’est dire que son ambition n’est pas de réunir tels et tels sur un localité particulière, mais qu’elle se veut un espace d’échanges, de coordinations et de réflexions pour l’ensemble de la région. Son but n’est donc pas de rentrer en concurrence avec les structures libertaires existantes au niveau local, mais plutôt de se donner l’ambition de rassembler celles et ceux qui désirent élargir leurs horizons pour peser sur les réalités nationales. En cela, l’Union locale investit un espace qui, à l’heure actuelle, n’est occupé par personne.
Si il ne s’agit évidemment pas de créer un « parti » anarchiste (voir les Principes de base de la Fédération anarchiste disponibles sur simple demande) nous serons cependant attentifs aux côtés formels qui fondent une organisation libertaire (cotisations, présences, participations aux activités et aux œuvres fédérales, aux congrès…). Le flou et le bordel régnant parfois dans certains milieux « libertaires » nous oblige à ce détour formaliste et à la réaffirmation de ce qu’est un véritable pacte associatif entre libres égaux.
Union locale Belgique francophone de la Fédération anarchiste
Infos 069/77.34.07 — 02/647.98.01