Accueil > Archives > 1999 (nº 1146 à 1186) > 1178 (28 oct.-3 nov. 1999) > [éditorial du nº 1178 et autres articles du ML1178]

éditorial du nº 1178 et autres articles du ML1178

du 28 octobre au 3 novembre 1999
Le jeudi 28 octobre 1999.

https://web.archive.org/web/20030422161515/http://www.federation-anarchiste.org/ml/numeros/1178/index.html

[ images à récupérer ]



Éditorial

Il y a une quinzaine d’années à peine, le capitalisme se servait du modèle industriel japonais pour justifier les plans de licenciements massifs dans la sidérurgie et l’industrie automobile. Renault devait être privatisée et son organisation totalement repensée pour faire face à l’invasion annoncé des petites « fourmis jaunes » selon les propos d’une première ministre socialiste. Aujourd’hui Renault est cotée en bourse et ses salariés évalués par une hiérarchie qui s’arrogent des stocks-options en prime de leurs services rendus. Avec le recul nous comprenons mieux que les salariés japonais à qui l’on tient un peu près le même discours de préservation de l’intérêt national qu’à nous, se sont fait rouler dans la farine depuis des lustres pour finalement être traités de la même manière que n’importe quel immigré coréen ou africain. Pour eux aussi le mythe de la garantie de l’emploi à vie vole en éclats.
En économie il n’y a pas plus qu’avant d’ennemi privilégié. Les coups peuvent venir de n’importe qui, n’importe quand et n’importe où. En conséquence il faut avoir des analyses et des stratégies globales qui ne laissent guère de place aux états d’âmes et nécessitent parfois de sacrifier ses meilleures troupes. C’est ainsi que Renault, actionnaire à hauteur de 36,8 % de Nissan vient d’ordonner par l’intermédiaire de son « cost killer » ou « tueur de coûts » de larguer 21 000 des 148 000 employés de Nissan au Japon. Bien entendu l’exécuteur, un certain Carlos Ghosn, qui a fait ses classes chez Michelin, une référence, jure sur ses trois enfants qu’il agit ainsi pour préserver l’essentiel et permettre la pérennité de la marque et la préservation des emplois.
Du déjà entendu au point qu’on ne sait si l’on doit en rire ou exploser.

À noter que la toute nouvelle culture d’entreprise Renault va aussi être exportée chez Nissan et qu’ainsi les ouvriers et employés de Nissan vont découvrir les joies des entretiens personnels annuels pour déterminer leur valeur, tout comme des hauts cadres vont enfin pouvoir engranger des stocks-options à la française.

Le comble sera atteint au printemps prochain lorsque nos joyeux élus de la gauche plurielle vont proposer un impôt moralisateur des stocks-options et peut-être même oser une taxation sur les transactions financières selon les vœux d’ATTAC. Avec de telles révolutions l’exception du capitalisme à la française va sûrement s’exporter encore mieux et à n’en pas douter les chômeurs d’ici, du Japon et les crève-la-faim de toute la planète vont reprendre espoir.
C’est pour quand l’invention du ridicule qui tue ?


Loi sur les 35 heures

Hypocrisie plurielle et galère salariale

C’est le samedi 16 octobre 1999, vers une heure du matin, que les députés ont achevé l’examen de la seconde loi sur les 35 heures. Ce marathon politique et médiatique aura duré deux ans et ne pouvait s’achever autrement. Les rodomontades des Verts et du PC ne doivent tromper personne. Cette partie jouée d’avance et truffée de faux psychodrames à gauche avait été émaillée par des déclarations comme celle de Robert Hue, le 2 décembre 1997, qui qualifiait alors la première mouture de la loi Aubry de « bon projet de loi » ! Pourquoi diable aurait-on voulu qu’il change d’attitude aujourd’hui ? (quant à la pseudo combativité des Verts sur ce chapitre, il est bon de rappeler qu’ils demandaient en novembre 1997 que « la promesse des 35 heures tout de suite et des 32 heures avant la fin de la législature soit tenue ». Autant dire qu’on est loin du compte mais qu’ils ont voté quand même pour le projet social-démocrate de la répartition du temps de travail qui va entraîner de nombreuses régressions sociales et salariales : développement du travail à temps (et donc à revenu) partiel, remise en cause des conventions collectives, extension du travail le week-end, gel ou régression des salaires… Et tout cela avec des contreparties d’embauches qui sont dérisoires si l’on en juge par les chiffres récemment communiqués (quelques dizaines de milliers) et sans dangers pour le monde de la Finance qui continuera à faire ses bénéfices sur la vie et la santé de nous tous et toutes. Nous avons bien affaire là à une nouvelle adaptation du système productif capitaliste, pas à une remise en cause des fondements et de la répartition de la production qui reste toujours entre les mains de quelques-uns au détriment du plus grand nombre. La social-démocratie met en pratique son pacte social basé sur la précarité croissante qui favorise le repli social et la frilosité politique.

Marchandages

Dans l’hémicycle de l’Assemblée, certains députés de gauche ne pouvaient pas cacher que si PC et Verts avaient « arraché » du gouvernement des garanties d’embauches en cas d’octrois de financements de la RTT, ils n’avaient pas cherché de noises à propos de la coexistence des SMIC « 35 h » et « 35 h payées 39 » ce qui est pourtant une brèche dans le maintien d’un revenu minimum interprofessionnel. Quoi d’étonnant quand on se remémore les questions des sans-papiers, du nucléaire, des revendications des chômeurs, de la participation aux troupes de l’OTAN contre Milosevic, le rétablissement de l’autorisation administrative des licenciements…

Autant de tensions où PC, Verts et MDC n’ont jamais lâché Jospin, jusqu’à organiser des manifs comme celle du 16 octobre pour y dénoncer… le chômage mais surtout pas ceux qui l’organisent ! Cette manifestation, calcul politicien de R. Hue en direction des contestataires de son parti, et en direction de Jospin pour contrebalancer le poids des Verts, a étonné. Il est désormais évident que si les écolos sont plus forts électoralement, le PC garde une assise sociale et populaire certaine. Même si, pour cela, il est prêt à emprunter tour à tour une image non marxiste, gauchiste voire libertaire (1). Si l’on débarrasse cette manifestation de ses oripeaux politiciens, on ne peut quand même pas oublier que parmi les dizaines de milliers de personnes qui ont défilé, certaines n’étaient pas là par soutien à Jospin. En tous les cas, beaucoup étaient présentes pour dénoncer les situations de misère tout en dénonçant l’insolence des riches et de leur système. II faut alors redire que si les états majors de gauche le voulaient vraiment, la volonté populaire pouvait se manifester bruyamment, y compris sous un gouvernement de gauche. Ce qui veut dire aussi que si ces machines politiciennes n’encouragent pas la riposte antisociale, c’est qu’elles sont objectivement complices de ce qu’elles dénoncent faussement tout au long de l’année.

Une manif pour rien ?

La meilleure démonstration de toute cette hypocrisie, c’est la présence des gentils révolutionnaires de LO-LCR à cette manifestation. Déclarant partout qu’ils ne feraient pas de concessions au gouvernement, Arlette et Alain se sont retrouvés au premier rang, bras dessus bras dessous avec les personnalités représentant les organisations pantoufles du PCF. De fait, ils défilaient aux côtés de ceux qui encadraient les manifestants en faisant taire leurs colères.

Autre enseignement de l’initiative communiste : le poids des communistes au sein de la CGT. Officiellement, le syndicat avait repoussé la proposition de manifester, mais outre le secrétaire général lui-même, de nombreux syndicats de la CGT étaient bien là. Nos camarades anarchosyndicalistes affiliés à la centrale de Montreuil n’en ont donc pas fini de lutter contre le stalinisme d’une partie de la hiérarchie syndicale et contre la normalisation social-démocrate qui découle de l’adhésion à la Confédération Européenne des Syndicats d’autre part.

Ceux qui estiment que la guerre sociale ne cessera qu’avec l’abolition du capitalisme ont toujours devant eux les mêmes ennemis politiques. Gouvernements, partis, patronat : ils ne sont que des pièces d’un puzzle qu’il faudra bien défaire un jour. Mais pour cela, il faudrait aussi que les anarchistes n’aient plus de complexes à aborder à leur tour les questions récurrentes qui font naître les mobilisations de masse, sous peine d’en être absents pour toujours.

Daniel. ­ groupe du Gard

(1) Dans son numéro de juin, la revue communiste Regards publie un entretien de Noam Chomsky, célèbre linguiste et libertaire américain. Dans la revue communiste La Pensée du 1er trimestre 1999, sont évoquées les conceptions anarchistes à propos de la question de l’État et de la propriété sociale. Efforts louables mais qui ne leurreront personne j’espère…


Eurojustice… Europolice…

Non à l’Europe des képis !

On savait déjà qu’« ils » (comprendre les pouvoirs politiques et économiques) avaient décidé de faire de l’Union européenne une forteresse assiégée. Ils ne s’en cachaient pas, au contraire. Une habile propagande, afin que les populations adhèrent au projet, laissait croire que des hordes affamées en haillons, venant du reste de la planète, frappaient à la porte façon invasion barbare. D’où la nécessité de frontières européennnes fermées, avec pour corollaire les restrictions de plus en plus sévères du droit d’asile, par exemple, genre de mesure contenue dans les accords de Schengen. Bref, l’espace judiciaire européen. Paradoxalement, ça ne « les » gênait pas de prôner la mondialisation à outrance, le libéralisme le plus effréné, entendre par là libre circulation du fric et des marchandises, pas des personnes. C’est ça, la démocratie à la sauce capitaliste ! Ce dont ils ne se vantent pas, c’est que l’UE sera surtout une gigantesque résidence surveillée… Oh, pas de rideau de fer, de barbelés et de miradors, non, on fait dans le soft, plutôt inquiétant comme dans ce feuilleton télé culte : Le prisonnier (je ne suis pas un numéro !). Une île plus ou moins « tranquille », pas de chaînes, mais une surveillance permanente, électronique, invisible mais bien présente.

Le prétexte sécuritaire

Derrière les déclarations lénifiantes sur la création d’une eurojustice (prévue pour fin 2001), se dissimule l’espace policier européen… Au dernier sommet de l’UE, à Tampere (Finlande), a été annoncé le renforcement d’Europol, la police européenne. Bien sûr, chaque fois qu’une saloperie se prépare, on se dépêche d’envoyer un rideau de fumée. Les récents déboires du FMI et de son « fric détourné par les mafias russes » offrent le prétexte idéal : lutter contre le blanchiment de l’argent sale. Et pour faire bonne mesure, ça plaît toujours, le trafic de drogue, de matières nucléaires (on est rassuré), le terrorisme. Au diable l’avarice, ne pas oublier l’immigration clandestine (tiens, tiens…), le vol de voitures et tutti quanti. Mais qu’en est-il réellement ? Tout d’abord, réintroduire en douce ce qui avait été refusé par le Parlement européen en mars 1997 et réaffirmé en avril 1997. Ainsi, un acte du Conseil des ministres (le véritable exécutif et faisant loi) indique qu’« Europol précise si des données afférentes à l’origine raciale, aux croyances religieuses ou autres, aux opinions politiques, à la vie sexuelle ou à la santé peuvent être introduites dans le fichier d’analyse ». Tout ce dont ne voulaient pas les parlementaires : « Les informations concernant les opinions, les croyances […] et autres données à caractère personnel […] ne peuvent être enregistrées dans les fichiers d’Europol ». De même que « la banque de données soit soumise au respect du droit à la vie privée, qu’aucun critère discriminatoire […] aucune mention de la religion, des convictions philosophiques ou politiques, de la race, de la santé ou de l’identité sexuelle des personnes ne puisse y figurer ». Efficace le travail des députés, c’est fou ce que ça sert ! Là-dessus, on apprend que les compétences d’Europol peuvent être renforcées et élargies par le Conseil grâce à une procédure simplifiée. Ce qui permet de le faire en toute tranquillité, sans débat public, bonjour la transparence ! Est donc créé un fichier où un simple soupçon suffit à vous y mettre, et pour longtemps. « [Les données] ne peuvent être stockées pendant plus de trois ans » mais « ce délai recommence à courir à partir de la date à laquelle se produit un événement donnant lieu à un nouveau stockage de données ». Autant dire que ça permet de faire durer…

La démocratie blindée

Si on sait que la Cour de Justice européenne n’a qu’un contrôle a posteriori, quand le mal est fait, on continue à se poser des questions. On peut…

Organisation internationale indépendante, Europol bénéficie de l’immunité de juridiction (ça ne s’invente pas, même si Europol fait quelque chose d’illégal, rien à dire) et ses membres ont l’immunité diplomatique. Incontrôlés et incontrôlables, qui dit mieux ? Un grand merci à l’Acte Unique européen, qui, non seulement nous pourrit la vie en renforçant ce système économique inégalitaire, mais en plus offre à l’engeance policière des pouvoirs exorbitants ! Et on se doute bien que ce n’est pas pour faire joli dans le tableau, mais pour que ça serve ! Nul besoin d’être anarchiste pour être effaré et indigné ! Un système où, impunément, on peut ficher les individus, les espionner, enquêter sur leur vie intime n’a qu’un nom : le totalitarisme ! l’Union européenne offrira de plus en plus le visage hideux de la démocratie blindée. Défenseurs intransigeants de la Liberté, nous dénonçons cette nouvelle attaque et nous serons du combat pour sa protection avec tous « ceux qui disent non à l’Europe des képis » !

Éric Gava, ­ groupe de Rouen


Bilan de la journée la journée d’action du 16 octobre

Contre la forteresse Europe

Le 16 octobre dernier s’ouvrait le sommet européen de Tampere autour de la sécurité et de la justice. Officiellement, d’après Antonio Vodorino, commissaire européen de la justice, « il faudrait à la fois assurer les libertés de circulation mais aussi la sécurité des personnes et des biens ». à peine voilé dans cette phrase, l’objectif est évidemment de protéger les biens. Avec l’Europe de Maastricht ou de l’euro, l’organisation des profits et l’augmentation des marges sont bien organisées, reste à ficeler leur sécurité. Et c’est bien dans ce sens qu’il faut comprendre les politiques de sécurité européenne et en particulier au niveau de l’immigration. L’objectif est donc de disposer d’une main-d’œuvre immigrée, parce qu’elle est surexploitée et qu’elle permet de maintenir dans tous les secteurs professionnels un taux de chômage suffisant pour faire pression sur les salarié(e)s (peur du chômage, réduction des coûts salariaux…). Pour répondre à cet objectif, il faut contrôler, maîtriser les flux migratoires selon des intérêts strictement économiques. Les CAE (Collectif Anti Expulsion) ont donc lancé une journée d’action le 16 octobre, car « non seulement la politique européenne s’attaque au peu de liberté qui nous reste (renforcement des lois d’exception, développement et recoupement des fichier…) mais elle se permet d’instituer plus précisément la gestion marchande de 80 % de la population mondiale ».

Des actions solidaires

Les différents réseaux européens ont voulu marquer leur opposition. En France, à Nantes, 40 personnes ont occupé une agence Air France ; à Lille, un rassemblement était organisé devant la direction départementale du travail ; à Toulouse, une manifestation s’est déroulée devant l’aéroport, à Tours, devant la gare. À Paris, 120 personnes ont trompé la surveillance des douaniers et des forces de police et ont envahi la zone internationale de l’aérogare de Roissy afin d’y distribuer des tracts en plusieurs langues et en collant de multiples autocollants « Sans patrie ni frontière »… L’occupation aura tenu 20 minutes, puis la manifestation s’est poursuivie encadrée par des forces de l’ordre jusqu’au RER. En Allemagne, l’aéroport de Francfort a été bloqué avec des ballons enveloppés de papier aluminium. Cet aéroport n’avait pas été choisi au hasard puisque 10 000 personnes y sont expulsées tous les ans. À Berlin, c’est une banderole qui a été déployée sur le toit de l’aérogare : « Pour vous, c’est le départ en vacances, pour d’autres, c’est un voyage vers la mort… ». En Belgique, les passagers de l’aéroport de Bruxelles ont pu admirer une belle banderole hors de portée des forces de l’ordre car suspendue à des ballons. En Italie, comme en Suisse, plusieurs manifestations ont eu lieu devant des centres de rétention. Et même en Pologne, une manifestation s’est déroulée contre le quartier général de la police des frontières près de la frontière allemande…

Vers des réseaux efficaces

Cette journée d’actions voulait marquer un refus de la logique d’exclusion et de contrôle. Certes, notre mobilisation n’a pas été suffisante pour peser sur la politique européenne mais elle s’inscrit dans la nécessaire construction de réseaux européens contre le refus de toute logique d’expulsion et pour la liberté de circulation et d’installation. Le mouvement des sans-papiers est dans une certaine impasse et recherche un second souffle. Revendiquant, depuis 1996, une autonomie politique et le refus du cas par cas, les sans-papiers dépendent malgré tout des associations de soutien (seules en capacité de mobiliser…). Or ces soutiens (blancs et avec des papiers), plus ou moins proches de la gauche plurielle, défendent l’idée d’une gestion responsable de l’immigration (avec son fameux seuil de tolérance) et font donc implicitement une distinction entre les bons immigrés et les méchants clandestins. C’est face à cette contradiction qu’il faut comprendre la nécessité de renforcer ces réseaux et collectifs anti-expulsions. Nous refusons de gérer les contradictions internes du capitalisme et nous ne pouvons pas objectivement trier entre asile politique ou migration économique.

Théo Simon, ­ groupe FA Nantes


Nucléaire

De qui se Mox-t-on ?

La politique énergétique de la France ressemble à un étroit couloir. D’un côté, les grandes compagnies pétrolières, avec leurs traditions coloniales et l’apologie des transports individuels. De l’autre, le lobby nucléaire avec ses promesses d’abondance et en transparence (?) l’ombre chinoise d’un champion militaro-économique. Et ces deux rails fermement balisés mènent tout droit à un mur. L’alternance politique n’y change rien : Mitterrand a suivi De Gaulle et Jospin accompagne Chirac. Le Mox (combustible nucléaire composé d’un mélange d’oxydes d’uranium et de plutonium) en est une démonstration explosive : avant les élections législatives de 1997, un accord Verts-PS promettait un moratoire sur sa fabrication et son utilisation jusqu’en 2010.

Dès 1998, l’accord se fissurait avec le chargement en Mox de quatre réacteurs français. L’usine Melox de Marcoule (Gard) et la Cogéma s’impatientaient, les Japonais désirant récupérer leurs déchets de plutonium traités à La Hague sous forme de Mox : le 30 juillet dernier (1), Jospin, son secrétaire d’État à l’industrie et la ministre de l’Aménagement du territoire et de l’environnement signaient le décret d’extension de l’usine Melox, pour une capacité de 115 tonnes/an de Mox, avec un maximum de 14 tonnes de plutonium (le millionième de gramme est mortel !).

Le collectif national « Stop Melox » (2) dénonce la traîtrise de Dominique Voynet. Il a décidé d’attaquer ce décret en conseil d’État et de déposer plainte auprès de la commission européenne. Déjà dans le bulletin de janvier 1997, le Comité « Stop-Nogent » (3) titrait : « Verts : l’usufruitier qui dilapide le capital » et démontrait que l’accord Verts-PS était de la poudre aux yeux électoraliste et présageait des trahisons douloureuses pour les adversaires du nucléaire. Pourtant les traîtres continuent de manger à notre table.

Hypocrisie plurielle

Préconisant, sous prétexte de réalisme, une sortie (très) progressive du nucléaire, ils distribuent d’une main des tracts antinucléaires et signent de l’autre, bon gré mal gré, tous les décrets nécessaires à l’organisation du nouveau programme électronucléaire : enfouissement des déchets nucléaires à Bure (Meuse), démarrage d’un second réacteur à Civaux (Vienne), malgré un incident sérieux sur le premier en mai 1998, commercialisation du Mox… la prochaine étape étant le feu vert pour la fabrication de centrales EPR (réacteurs à eau pressurisée européens).

Mais les Verts ont l’habitude du grand écart : ils sont signataires d’une campagne pour un moratoire (ça ne mange pas de pain) sur le financement du laser Mégajoule dont le prototype sera testé à La Barp (près de Bordeaux) dès 2001 et permettra la simulation d’essais nucléaires et donc de continuer la course aux armements (4).

Avec de tels ennemis, les nucléocrates ont de beaux jours devant eux. Bien sûr, beaucoup parmi les Verts se posent des questions sur le bon usage du pouvoir et, à défaut de sortir du nucléaire, de l’opportunité de sortir du gouvernement, mais pendant ce temps les combats se perdent dans des voies de garage, les militants se découragent et le tout-nucléaire se propage. Pourquoi donc la droite éprouverait le besoin de se recomposer, alors qu’une gauche d’apparence hétéroclite poursuit les mêmes objectifs, que ce soit en matière énergétique ou pour tout ce qui préoccupe notre vie de citoyen, tout cela pour obéir à la sacro-sainte loi du marché.

La participation des anarchistes au combat antinucléaire n’est pas nécessaire pour rompre le consensus politique, elle est indispensable.

Bob, ­ groupe du Gard

(1) lire « Pendant l’été, la démocratie oubliée « , numéro d’octobre du mensuel Silence.
(2) c/o Marc Faivet. Quartier Saint-Hilaire, 84560 Ménerbes.
(3) c/o Nature et Progrès. 49, rue Raspail, 93100 Montreuil.
(4) Abolition des armes nucléaires, « Stop essais ». La Ville, 71250 Mazille.


Dijon

Menace d’expulsion aux Tanneries

Les Tanneries, c’est un centre socio-culturel, squatté, alternatif et autogéré situé à Dijon, qui tente de développer, et ce depuis un an maintenant, une culture en opposition aux rapports de profits, de compétition et de domination. Cependant, après une année riche d’activités (concerts, théâtre, ateliers, performances, bibliothèque alternative, espace de rencontres, de débats et de réflexion…), la totalité de notre projet peut être balayée d’un revers de main. En effet, la mairie, propriétaire des locaux, nous a menacé d’expulsion. L’espace autogéré a donc lancé une grosse campagne de soutien, qui s’est concrétisée par des manifs, des lettres de soutien, des lettres de protestation envoyées à la mairie, des pétitions, des journées portes ouvertes et une fête de rue début octobre. Après un an d’occupation et suite à une campagne lancée par notre collectif afin d’appeler à un soutien massif face aux menaces de démolition que faisait peser la mairie sur l’Espace autogéré des Tanneries, il semble que celle-ci ait fini par reculer un tant soit peu au cours des dernières semaines.

En effet, lors du Conseil municipal du 4 octobre, qui faisait suite aux journées portes ouvertes et manifestations de soutien des 1, 2 et 3 octobre, le maire ainsi que l’adjointe déléguée aux affaires culturelles nous ont fait savoir qu’ils ne lanceraient pas de procédure d’expulsion dans l’immédiat et que la mairie renouerait le dialogue avec l’Espace autogéré des Tanneries. Néanmoins, nos interlocuteurs ont fortement insisté sur la question des normes de sécurité. Cette question les préoccupe évidemment beaucoup, d’une part parce que leur responsabilité juridique est en jeu dans l’affaire et d’autre part, parce que le non respect des normes de sécurité reste le seul argument valable à leur disposition pour justifier de la fermeture de l’Espace autogéré des Tanneries à cours terme. Il est clair que cet argument pourrait leur servir à amorcer diverses procédures de répression à notre encontre et amener ainsi la fermeture au public du lieu.

Il est clair que seul le rapport de force que nous sommes parvenu à établir grâce à la campagne de soutien, a pu entraîner le recul du maire et de certains des ses adjoints. Pourtant, on peut présumer que ceux-ci nous expulseront sans trop de remords si le contexte redevient favorable à cette expulsion.

Collectif des Tanneries
http://www.chez.com/maloka/Tanneries


Faits d’hiver
Un pas en avant…

Deux pas en arrière !

Le 30 novembre prochain va s’ouvrir, à Seattle, un nouveau grand cycle de « négociations » sous l’égide de l’Organisation du commerce (OMC). En clair, les mafias capitalistes, les multinationales, les fonds de pensions et autres investisseurs internationaux, vont essayer d’ouvrir encore un peu plus les portes des poulaillers aux renards et, dans la foulée, de taxer les poules qui renâclent à accueillir le renard à bras ouverts. Ils appellent ça la loi du marché !

Tu veux pas bouffer du bœuf aux hormones à trois sous le kilo, et hop, condamné ! Tu refuses de lésiner avec la santé ou avec la sécurité publique, et hop, condamné !

Des grèves de camionneurs ou des mouvements de boycott viennent-ils freiner la « libre » circulation des marchandises et porter atteinte aux profits des marchands : et hop, condamné ! Même au temps du capitalisme sauvage de la fin du XVIIIe, les loups du libéralisme de l’époque n’osaient pas la moitié de cette arrogance. Pour l’heure, non seulement il osent, mais ils exigent ! Tellement, que l’on est en train d’assister, un peu partout sur la planète, à une véritable levée de boucliers contre les maîtres du monde et leurs prétentions.

Comme de bien entendu, ces innombrables « jacqueries » contre la mondialisation, le libéralisme, la spéculation, les fonds de pension, le FMI, le grand US, McDO, la mal-bouffe, les OMG… sont aujourd’hui récupérées par les grands méchants mous d’un réformisme en gants blancs et bonnes manières qui voudraient nous faire croire qu’en prélevant un pourcentage ridicule sur les spéculations ou qu’en instaurant un contrôle « citoyen » sur le FMI et l’OMC, tout pourrait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Ces imbéciles sans espoir de l’utopie d’un capitalisme à visage humain et autres spécialistes du « un pas en avant, deux pas en arrière » sont, décidément, too much !

Jean-Marc Raynaud


Prison ferme pour un insoumis

[ article à retrouver ]


Pour une démocratie directe à la fac

Travaux dirigés à 130 personnes, amphis surchargés, inscription dans des filières type norvégien faute de place en arts du spectacle, pression de la présidence de l’université sur le personnel IATOSS pour ouvrir la fac le samedi à effectif constant…

Cette année, c’en est trop pour nombre d’acteurs de l’Université Lumière Lyon 2 ! Réunis en AG quotidiennement depuis le mardi 12 octobre, les étudiants ont décidé de se mettre en grève le lundi 18 octobre.

Ce mouvement a connu deux phases depuis son émergence avec l’AG du mardi 12 comme point de rupture. Avant, c’était le règne des chauffeurs de salle, des tribuns, de l’applaudimètre ; avec la volonté délibérée des syndicats UNEF et UNEF-ID de ne pas prendre le temps d’élaborer des revendications ni d’entamer une réflexion sur l’enseignement supérieur : il faut agir vite ! C’était aussi le temps d’une grève imposée, rien ne sert de discuter avec les 16 500 étudiants non présents aux AG, il suffit de les virer en transportant tables et chaises dans les couloirs. C’était enfin le temps du règne de la coordination où nos mises en garde d’anarchistes, aux vues du pouvoir grandissant de la coordo. sur l’AG, étaient considérées comme du sabotage, du « cassage d’ambiance ».

Mais le vent a tourné lors de cette AG du 12, ce grâce à notre groupe de libertaires organisés ou non qui n’est pas entré sur le terrain des attaques personnelles comme l’auraient souhaité nos chers bureaucrates, mais qui, par la constance de ses interventions, par sa force de proposition, est passé du statut d’agitateur à celui de groupe crédible. Nous avons donc, au grand dam des deux UNEF, réussi à imposer une réflexion sur le plan U3M et nous nous sommes payés le luxe d’expliquer les avantages de la démocratie directe devant une AG de 800 personnes !

Mais les cours ont toujours lieu, l’élite enseignante n’est pas prête à lutter, nous risquons l’interdiction de passer nos examens au bout de trois absences, certains jouent leur bourse d’étude… Le mouvement semble donc être parti pour être bref s’il ne devient pas rapidement national, si nous ne parvenons pas à fédérer nos luttes de la maternelle à l’université. La lutte continue !

Sadias ­ groupe Durruti (Lyon)


Chine 99 : dissidents et mouvement social

Contre le parti communiste, parti des riches

La République populaire de Chine vient de célébrer avec force fastes militaires, mais en l’absence du peuple, le 50e anniversaire de sa fondation, consécutive à l’arrivée au pouvoir d’un parti communiste alors nimbé d’une légitimité révolutionnaire réduite désormais à un simple slogan. En effet, le parti communiste n’a plus d’ambition idéologique : son seul objectif est de se maintenir au pouvoir en tant qu’ordonnateur à la fois de l’accumulation ­ de plus en plus inégale ­ des richesses et du renforcement de la puissance du pays. Le parti des prolétaires est devenu le parti des riches (1) ; l’ancien « poisson dans l’eau du peuple » ne doit désormais son assise qu’à la force de la répression.

Il est symbolique à ce propos que l’événement marquant de cette date-anniversaire du 1er octobre ait été l’exécution ­ en grandes pompes, avec facturation en prime de la balle aux familles ­ d’un millier de condamnés à mort à travers tout le pays, dans le cadre d’une campagne de « nettoyage tous azimuts », et selon l’adage : « Il faut tuer le poulet ­ criminels, voleurs ­ pour effrayer le singe ­ dissidents, syndicalistes indépendants ». En effet, depuis quelques années, des mouvements de protestation et d’agitation sociale éclatent un peu partout, dans les villes comme dans les campagnes, remettant en cause à la fois le monopole politique exercé par le parti communiste et le mouvement de restructuration à marche forcée de l’appareil économique d’État. Et c’est le risque de convergence de la contestation dans le domaine politique et dans le domaine social qui explique l’escalade dans la répression actuellement engagée par le régime contre ce risque de « subversion ». Les caciques au pouvoir l’ont dit et redit : «  La Chine n’adoptera jamais un système politique à l’occidentale et a appelé ses compatriotes à suivre, pendant les cent années qui viennent, la ligne fondamentale du parti communiste chinois » (2). « S’il s’agit d’évoluer vers un système multipartite et d’essayer de nier la direction unique du parti communiste, les nouveaux partis politiques ne seront pas autorisés » (3).

Le gouvernement chinois a pourtant souscrit à la Déclaration universelle des Droits de l’Homme ; il a signé tant le Pacte International « relatif aux droits économiques et sociaux » que celui « relatif aux droits civils et politiques » (4), et l’article 35 de la Constitution prévoit que « les citoyens de la République populaire de Chine jouissent de la liberté de parole, de la presse, de réunion, d’association, de cortège et de manifestation ».

Mais ces textes sont réduits à néant, outre le préambule de la Constitution placée sous l’autorité de la « dictature du prolétariat », avec la promulgation le 25 octobre 1998 de deux décrets réglementant l’enregistrement et le fonctionnement des « organisations à but non lucratif indépendantes de l’État ». Malgré cette course d’obstacles kafkaïenne, le Parti Démocratique Chinois, d’orientation réformiste et libérale, qui revendique un millier de membres (5), répartis dans 23 des 30 provinces chinoises, a tenté à plusieurs reprises de se faire enregistrer, tout en reconnaissant le rôle prépondérant joué par le parti communiste dans la conduite des affaires du pays.

La réponse du pouvoir n’a pas tardé : une répression immédiate et féroce, les peines prononcées tournant en général autour de la dizaine d’années de prison. C’est ainsi que trois de ses principaux dirigeants ont été arrêtés le 30 novembre 1998 et leur procès instruit dans un délai inhabituellement court, puisque les condamnations sont intervenues dans les trois semaines ! Les 21 et 22 décembre, Xu Wenli, vétéran du premier Printemps de Pékin de 1978-79, Wang Youcai et Qin Yongmin ont été condamnés respectivement à 13, 12 et 12 ans de prison.

Même motif pour tous les trois : « tentative de subversion ». Devant la pression continue de la répression, le PDC n’a pu tenir son premier congrès prévu à Wuhan (6), capitale du Hubéi au centre de la Chine, du 1er au 3 mars 1999, les principaux organisateurs ayant été interpellés. Et les peines continuent à tomber dru sur ses militants : toujours pour le même crime de « subversion », Zha Jianguo et Gao Hongmin ont été condamnés le 2 août 1999 à respectivement 9 et 8 ans de prison, Liu Xianbin et She Wanbao le 6 août à 13 et 12 ans.

Même ceux qui agissent isolement sont châtiés sévèrement lorsque leur exemple risque de faire tache d’huile. Pour avoir fourni 30 000 adresses Internet électroniques chinoises à des dissidents réfugiés aux États-Unis, Lin Hai a été condamné par une Cour de Shanghaï à 2 ans de prison pour « incitation au renversement de l’État ». Wang Wanxing, lui, est toujours interné en asile psychiatrique pour « monomanie politique », après avoir été arrêté le 3 juin 1992 place Tian Anmen, alors qu’il tentait de dérouler une banderole en mémoire des victimes de la répression trois ans auparavant, son geste étant perçu comme une « inacceptable provocation à l’égard de la direction du Parti ». Sa femme ayant demandé « qu’est-ce que la monomanie politique ? », les médecins lui ont répondu : « Il faut être fou pour vouloir manifester place Tian Anmen ! ». Wang a pourtant écrit entre temps aux autorités qu’il n’avait jamais demandé le renversement du gouvernement ni tenté de former un parti. Ce sont plutôt les hiérarques du PCC qui sont atteints de « monomanie » ! Mais ils auraient bien tort de se gêner, compte tenu de la complicité de la communauté internationale à leur égard. En effet, le 23 avril 1999, par 22 voix pour, 17 contre et 14 abstentions, la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU a voté une motion chinoise de non-examen (6) d’un projet de résolution visant à condamner les violations des libertés fondamentales et à demander la libération des prisonniers politiques en Chine.

Quant aux dissidents les plus connus, à l’instar de Wei Jing-sheng ou Wang Dan, les autorités n’hésitent pas à les exiler, en l’occurrence aux États-Unis, pour « raisons médicales ». C’est pour ce même motif que Liu Nianchun a lui aussi été expulsé vers les États-Unis le 20 décembre 1998. Il avait été préalablement condamné à 3 ans de camp de travail pour, d’une part, avoir participé en novembre 1993 à la rédaction de la « Charte pour la Paix », texte prônant la démocratie politique, et, d’autre part, avoir déposé les statuts de la « Ligue pour la protection des droits des travailleurs », organisation syndicale indépendante.

Ce que le régime craint en effet par-dessus tout, ce sont les tentatives de fédérer les mécontentements et d’établir des ponts entre la dissidence politique et les mouvements sociaux. Le pays est en effet au bord de l’explosion sociale. Dans son discours du 24 décembre 1998, le président Jiang Zemin a reconnu que « l’armée des ouvriers licenciés a augmenté » et « les revenus des paysans (9) de certaines régions sont en chute libre ». Depuis trois ans, ce sont 1 million de salariés des entreprises d’État qui sont licenciés chaque année, avec comme corollaire la perte des avantages annexes : gratuité des soins et de l’école, logement bon marché, retraites et divers services allégeant le fardeau de la vie quotidienne. Le chômage grimpe jusqu’à 30-40 % dans les anciens bastions industriels du nord du pays, comme à Shenyang, la capitale du Liaoning, où le reporter de Libération décrit « le marché aux bras » : « Des dizaines d’hommes sont alignés sur le trottoir près des magasins de matériaux de construction. Autour du cou ils portent une pancarte tenant par un bout de ficelle, annonçant leur spécialité ­ chauffagiste, électricien, maçon… ­ et ils attendent dès l’aube jusqu’au soir un hypothétique employeur, récompensé, parfois d’un travail ou d’un salaire de misère, 10 à 20 yuans la journée ­ 7 à 14 FF ­ sans le moindre recours. » (10)

Les paysans, eux, protestent contre la corruption des cadres et les dizaines de taxes et impôts qui les accablent. « À la mi-décembre 1998, un rapport officiel de la Cour des Comptes révèle qu’entre 1992 et 1998 les bureaux officiels d’achat de grains qui reçoivent les subventions de l’État et des banques pour acheter à prix garanti leurs céréales aux paysans ont détourné 370 milliards de francs qui ont servi à des achats immobiliers d’hôtels, à des investissements spéculatifs divers, à des transactions avec des négociants privés. » (9)

Face à une telle situation, ouvriers et paysans tentent de s’organiser pour faire valoir leurs droits car, comme l’a déclaré sans ambages le syndicat officiel ACFTU lors de son 13e congrès (10) : « En tant que syndicat officiel, l’ACFTU s’engage à soutenir la politique du parti communiste, y compris les licenciements massifs dans les entreprises industrielles d’État. » C’est ainsi que, selon les chiffres officiels des ministères du Travail et de la Santé publique (11) : « 216 750 grèves et manifestations rassemblant 3,5 millions de travailleurs ont été recensées en 1998. Il y a eu 459 affrontements violents entre manifestants et police armée ayant entraîné la mort de 78 personnes et on compte 2 230 blessés dont 800 policiers ou fonctionnaires officiels. Dans 627 cas, les manifestants s’en sont pris aux locaux du gouvernement ou d’organisations officielles. » (12)

À titre d’exemple, s’est créée au Hunan, il y a un an, une « Association pour la réduction des impôts et le salut de la nation ». À Hong-Kong, Han Dongfang, un des fondateurs de la « Fédération autonome des ouvriers de Pékin » en mai 1999, déchu de sa nationalité et réfugié depuis plusieurs années à Hong-Kong où il anime une émission de radio et édite un bulletin en langue chinoise diffusé chaque mois à l’intérieur de la Chine à des milliers d’exemplaires, prône l’instauration, par le moteur d’un mouvement syndical indépendant, de « noyaux de base » de la société civile future, qu’il estime plus important que la revendication d’élections démocratiques immédiates. Mais comme pour les dissidents, la répression est très forte. Le « Bulletin des travailleurs chinois » vient de publier (13) la liste de 30 syndicalistes, appartenant soit à la « Fédération autonome des travailleurs » soit au « Syndicat ouvrier libre de Chine » (14), emprisonnés ou détenus dans des camps de travail. Les peines prononcées sont très lourdes : entre 10 et 20 ans et les motifs toujours aussi mensongers : « fraude », « pillage », « hooliganisme », « crime contre-révolutionnaire », « espionnage pour le compte d’organisations basées hors de Chine ». Aussi, face à cette répression, certains désespérés n’hésitent pas à employer la manière forte. D’après Libération (15), au moins quatre attentats à la bombe se sont produits au cours du seul mois de janvier : deux dans le Hunan, un dans le Liaoning et un près de Hong-Kong. Bilan : 28 morts et 106 blessés.

Si le parti communiste reste en apparence accroché fermement à son pouvoir, il n’a plus d’assise populaire et n’est fort que par défaut, face à une société qu’il tente de maintenir fragmentée et atomisée, mais qui est en train, petit à petit, de renouer avec des solidarités, certes catégorielles au départ, mais porteuses à terme d’un changement social à voir la façon dont, sur le terrain, elles cherchent à établir des passerelles dans ce sens.

Jean-Jacques Gandini

(1) La Chine compte actuellement plus d’un million de millionnaires alors que le salaire mensuel moyen tourne autour de 500 à 600 FF.
(2) Jiang Zemin, président de la République et secrétaire général du PCC : déclaration à l’AFP le 18 décembre 1998.
(3) Li Peng, président de l’Assemblée nationale populaire : interview au quotidien économique allemand Handelblatt, repris par Libération le 2 décembre 1998.
(4) Même s’ils n’ont toujours pas été ratifiés…
(5) Il s’agit de militants plutôt aguerris mais relativement jeunes : entre 30 et 40 ans en général.
(6) Le symbole était fort puisque c’est de Huhan qu’est partie le 10 octobre 1911 l’insurrection qui allait déboucher sur l’instauration de la première République chinoise.
(7) On estime à 150 millions le nombre de paysans « surnuméraires ».
(8) Édition du 1er octobre 1999. Pour les femmes, le recours ce sont les « salons de massage », véritables bordels qui ne veulent pas dire leur nom.
(9) « Lettre d’Information de la Commission internationale d’enquête du mouvement ouvrier et démocratique contre la répression en Chine », nº 110, 15 janvier 1999.
(10) South China Morning Post, 17 décembre 1998.
(11) « Lettre d’Information… » nº 118, 15 mai 1999.
(12) Il s’agit là des chiffres officiels donc minimisés. Il faut en outre savoir que le droit de grève n’est pas reconnu dans la Constitution et que les manifestations sont de fait interdites, les demandes d’autorisation auprès des organes administratifs essuyant des refus systématiques.
(13) nº 16 de septembre 1999, version française du bulletin chinois de Han Dongfang ; liste a jour au 31 mai.
(14) Outre Pékin, leurs places fortes se situent dans le Hunan et le Sichuan : ironie de l’histoire, ce sont respectivement les provinces natales de Mao Zedong et Deng Xiaoping !
(15) édition du 29 janvier 1999.


Abolissons la peine de mort

Sauvons Mumia !

Le 13 octobre 1999, le gouverneur de Pennsylvanie Tom Ridge a signé le mandat d’exécution du militant, journaliste et écrivain noir américain Mumia Abu-Jamal, condamné à mort en 1982 pour le meurtre d’un policier suite à un procès raciste et entaché d’irrégularités flagrantes.

Avant sa condamnation à mort, Mumia Abu-Jamal fut un militant des Black Panthers, occupant des responsabilités dans le groupe de Philadelphie. Il devint ensuite président de l’association des journalistes noirs de cette ville. En sa qualité de journaliste, il se fit le rapporteur des violences policières contre les minorités et contre l’organisation MOVE (groupe politique multiracial prônant l’écologie, la solidarité et l’autodéfense, violemment réprimé en 1985 dans l’assaut de leur locaux par le FBI, qui coûta la vie à neuf membres de l’organisation). Ses prises de positions publiques lui valurent des inimitiés durables de la part des autorités.

Le procès qui se termina en 1982 par sa condamnation à mort fut la démonstration de la partialité de la justice américaine et de sa capacité à tout mettre en œuvre pour parvenir à ses fins :
— Le juge présidant le procès avait des liens avérés avec l’Ordre Fraternel de la police, le syndicat d’extrême-droite auquel appartenait le policier trouvé mort auprès de Mumia.
— Des témoignages furent extorqués sous pression policière.
— Les contre-expertises balistiques ne purent être effectuées par suite de l’insuffisance des fonds alloués par l’état alors que le calibre de la balle qui causa la mort de l’agent était différent de celui de l’arme de Mumia Abu-Jamal.

Un premier mandat d’exécution a été signé en 1995, après la parution de son livre, En direct du couloir de la mort, dénonçant le calvaire des condamnés à mort dans les prisons « de la plus grande démocratie du monde ». La mobilisation internationale qui s’ensuivit permit de récolter les fonds nécessaires à la défense de Mumia et de repousser l’exécution. En décembre 1998, la cour suprême de Pennsylvanie a rejeté la demande de révision du procès ouvrant la voie à ce deuxième mandat d’exécution.

Du point de vue léga,l le sort de Mumia Abu-Jamal dépend de la mise en œuvre de la procédure d’Habeas corpus par une cour fédérale qui suspendrait l’exécution le temps d’un ultime appel fédéral.

Nous sommes plus que jamais décidés à sauver Mumia Abu-Jamal.
— Parce que c’est un prisonnier politique, condamné pour ses activités militantes en faveur des plus démunis et contre la répression étatique. Le FBI, dans un dossier de 700 pages qui lui est consacré, déclare : « C’est la nature de ses écrits qui le rend dangereux et lui vaut de figurer sur la liste des personnes constituant une menace pour la sécurité nationale ».
Malgré l’enfermement, son combat continue, comme l’atteste ses récentes déclarations contre les bombardements en Serbie ou pour le respect des homosexuels.
— Parce que nous ne devons pas tolérer la criminalisation des acteurs des mouvements sociaux à l’heure ou le nombre de syndicalistes emprisonnés à travers le monde va grandissant.
— Parce qu’il est devenu la figure de proue d’un combat plus large : celui contre la peine de mort qui guette aujourd’hui 3 600 personnes aux États-Unis (77 personnes ont été exécutées en 1997 par pendaison, électrocution, gazage ou injection létale) et des milliers dans le monde. La lutte contre l’assassinat légalisé doit aujourd’hui reprendre de toutes nos forces alors que nous assistons au redéveloppement de cette pratique barbare.

Abolition de la peine de mort, vie sauve pour Mumia Abu-Jamal

Xavier, ­ groupe un Autre futur (Montpellier)


Suède

Hommage à Björn Söderberg, victime des nazis

Björn Söderberg, 41 ans, a été exécuté mardi soir devant la porte de son appartement dans la banlieue sud de Stockholm. Les agresseurs l’ont abattu de plusieurs balles dans la tête. Dès jeudi soir, la police a pu arrêter à Stockholm trois néo-nazis qui sont soupçonnés du meurtre et, selon un porte-parole de la police, devraient être inculpés ce week-end.

Björn Söderberg était membre de SAC, un syndicat indépendant et radical. Cet été, il a travaillé dans une société vendant du matériel de bureau. Un des néo-nazis les plus connus de Suède y travaillait également : c’est l’un des dirigeants de NSF, le Front national-socialiste, qui imprime Info 14, un journal nazi ayant applaudi au meurtre de deux policiers en mai dernier. Il a également été condamné plusieurs fois, notamment pour violences.

Au travail, ce néo-nazi avait pour habitude d’écouter de la musique « pouvoir blanc », ce qui avait fait réagir Söderberg. Mais le syndicaliste était vraiment sorti de ses gonds lorsque le néo-nazi avait été élu délégué dans la section locale de Handel, le puissant syndicat de la distribution. Björn Söderberg avait alors contacté la direction de Handel ainsi que la presse afin de dévoiler le vrai visage du nouveau délégué. Le syndicat décida tout de suite d’exclure le néo-nazi, mais ce dernier démissionna avant même que la procédure d’exclusion ne démarre.

Le jour même où ces informations étaient parues dans la presse, quelqu’un commanda auprès du service passeport de la police nationale la photo d’identité de Björn Söderberg. En Suède, cette procédure relève du principe de transparence qui fait d’une photo de passeport, par exemple, un document public. Les néo-nazis ont donc reçu la photo de leur victime par la poste et gratuitement.
Grâce à cette commande, la police a remonté la piste. L’adresse, celle d’une boîte postale, appartenait à un extrémiste de droite et servait notamment à la distribution du journal Info 14. En Suède, les réactions sont d’autant plus fortes que plusieurs exactions ont eu lieu récemment. Fin mai, trois néo-nazis, en fuite après un braquage, avaient abattu deux policiers. Dans les jours suivants, l’explosion de deux voitures piégées avait également été attribuée aux néo-nazis. La première avait blessé deux policiers, la seconde un journaliste spécialiste des néo-nazis et son fils. « Il s’agit de terrorisme, a déclaré hier Laila Freivalds, ministre de la Justice. Nous ne sommes pas habitués à cela en Suède. Nous avions été tenus à l’abri des activités de ce type de groupes jusqu’à présent. Nous devons réagir vigoureusement. »

Afin de rendre hommage à Björn Söderberg, la SAC a organisé une manifestation samedi 23 octobre. Elle a eu lieu sur la place de Medborgar au cœur même des quartiers ouvriers traditionnels de Södermalm. Des manifestations similaires ont eu lieu dans tout le pays ainsi qu’en Scandinavie. Par le biais de ces manifestations, la SAC espère inciter tout le mouvement ouvrier suédois à honorer la mémoire de Björn et à montrer son dégoût face aux méthodes lâches et brutales dont se servent les fascistes d’aujourd’hui pour faire taire leurs ennemis.

Olivier Truc

NDLR : Le local de la SAC à Gavle a été victime d’un attentat à la bombe la nuit précédent la manif de réaction à l’assassinat de Soderberg.


Dans la toile

Décidément, Valentin accueille des sites bien sympathiques. Entre autres, celui du journal Le Libertaire (http://le-libertaire.org/) dont le moins que l’on puisse dire est qu’il est bien fait et a le mérite de représenter clairement le groupe libertaire Jules Durand du Havre. À noter, une très pratique rubrique « Face aux lois ». Seule faiblesse, la page des liens où tout restait à faire lors de ma visite. Un site à suivre, donc.

Un petit bijou libertaire, le site de Nono (http://www.multimania.com/artnono/). Certes, on peut ne pas apprécier tout le contenu de ce site, mais il me semble que la représentation anarchiste y est à la fois sincère est dense. À noter particulièrement, des textes anarchistes de bon aloi (http://www.multimania.com/artnono/french/anarchie/biblio/).

Et voilà un autre site agréable à lire, celui de la Commission socialiste de solidarité internationale (http://le-village.ifrance.com/Troubles/) qui n’a vraiment rien à voir avec nos socialo franchouillards et va-t-en-guerre à la sauce Jospin. Abonnez-vous à ses listes de diffusions, elles sont vraiment très riches en informations, entre autres sur la situation en Algérie. Un grand coup de chapeau au travail de journaliste fourni.

Un petit coup d’œil sur les sites canadiens maintenant. Réformiste mais intéressant, le site d’Au bas de l’échelle (http://WWW.CAM.ORG/~abe/), la publication du Groupe populaire pour la défense des droits des travailleuses et des travailleurs non syndiqués du Québec. Local, mais avec peut-être quelques idées à reprendre, Côté féministes : Womenspace (http://www.womenspace.ca/Campaign/Fr/index.htm) avec sa page sur le militantisme féministe, et Femmes Regroupées en Options Non-traditionnelles (http://www.front.qc.ca/), où il est question de femmes qui ont choisi d’embrasser des carrières habituellement considérées comme masculines.

Et, pour ne pas perdre une bonne habitude, je finirai sur une touche plus artistique avec le Zarmafari (http://members.aol.com/PoupaC/) et son délicieux Raggaglossary. À bientôt dans la toile.

Blue Eyed Keyboard
samal95@aol.com


Ursprung des Revolte, Albert Camus und der Anarchismus

Lou Marin

Jusqu’à présent, aucun ouvrage en langue allemande ne faisait état des relations qu’Albert Camus entretenait avec les libertaires. On n’évoquait que sommairement ses contacts avec les anarchistes et les anarchosyndicalistes, alors que Camus, tout au long de sa vie, se sentait étroitement lié à ces mouvements. Ses contributions régulières à des journaux libertaires, tels La Révolution prolétarienne, Le Libertaire, Le Monde libertaire, ses rencontres avec divers individus marquants du mouvement libertaire et sa participation à maintes campagnes en avait pourtant fait un compagnon de route.

Lou Marin, dans son ouvrage, donne à connaître cette face méconnue. Il cite largement l’œuvre et explique comment l’homme s’inscrit dans l’écrivain : prise de position de Camus par rapport à la guerre d’Espagne, son engagement dans la Résistance, son opposition à la peine de mort, sa controverse avec Sartre-de Beauvoir, sa lutte aux côtés des objecteurs de conscience, ses romans, ses essais, son théâtre. L’ensemble forme un document relativement fouillé mais avec une tendance cependant à vouloir tirer Camus vers le terrains de la non-violence, associant (interprétant ?) le refus de Camus exprimé dans « L’Homme révolté » à un acte pacifiste… donc non-violent… Ceci sans doute en relation avec la maison d’édition (1) qui publie l’ouvrage.

Martine, FA liaison Bas-Rhin

(1) tendance pacifisme intégral.

Le non de l’auteur, Lou Marin, évoque étrangement Lourmarin, ce petit village provençal près de l’Isle-sur-la-Sorgue où Camus séjournait régulièrement.

Il existe deux brochures en français :
Albert Camus et les libertaires. Collectif, édition Volonté anarchiste.
L’œuvre et l’action d’Albert Camus dans la mouvance de la tradition libertaire, préface de Roger Dadoun. Teodosio Vertone, édition ACL.


Mathématiques sociales

Le dossier « Pour la Science » de juillet 1999 est intéressant à plus d’un titre. Par exemple B. Guerrien écrit que « Les lois sociales ne pensent être que des tendances, historiquement datées ». Exit donc les lois prétendument immuables de l’économie que certains voudraient aussi solide que la loi de la gravitation. Ils ont déjà oublié qu’il n’existe pas de science absolument exacte, même les mathématiques. Mais je vais ici plutôt évoquer deux approches de ce dossier touffu.

Ainsi, à partir d’hypothèses à peu près plausibles ­ à savoir : il n’existe rien d’autre que cette espèce et chaque entité a le choix dans un duel entre trahir et coopérer. Si les deux trahissent, le gain est faible, si les deux coopèrent, il est plus important et si une seule trahit, elle gagne encore plus et l’autre rien ­ ces mathématiciens ont montré par des simulations informatiques que dans une espèce où coexistent plusieurs types de comportement sociaux (agressif, gentil, rancunier…), seuls les comportements coopératifs survivent. Et plus fort, ils montrent aussi que la stabilité profite au gentils et l’instabilité aux méchants. En général bien sûr.

Quant à la démocratie, un article montre qu’une démocratie idéale aboutit inévitablement à la dictature ou à l’oligarchie. Un vote autre que le vote majoritaire devient vite totalitaire après quelques étapes de représentativité. Cela dit, ce ne sont que les conséquences de théories mathématiques et n’ont pas de valeur d’argument définitif mais d’éléments pour une réflexion. Je vous renvoie d’ailleurs au dossier lui-même pour aller plus loin que ce résumé sélectif, et au texte de François Coquet dans le Monde libertaire hors-série (100 ans de presse libertaire), « Anarchisme et rationalisme » pour l’aspect scientifique de cette note.

Nicolas

NDLR : Les anarchistes s’intéressent au sujet depuis longtemps ! On se reportera à L’Entr’aide de Pierre Kropotkine (des éditions de l’Entr’aide). 60 FF. En vente à la librairie du Monde libertaire.


(L’enseignement de l’ignorance et ses conditions modernes 

Jean-Claude Michéa

Après « Orwell, anarchiste tory » (1), J-C Michéa, agrégé de philosophie enseignant à Montpellier, nous offre une nouvelle analyse décapante en s’attaquant cette fois aux pseudo-réformes successives, droite et gauche mêlées, du ministère de l’Éducation nationale qui, en promouvant un savoir « jetable », c’est-à-dire purement utilitaire, ont entraîné en pratique un « déclin continu de l’intelligence critique et du sens de la langue ». De sorte que si « le niveau monte » au sein de la jeunesse scolarisée, le corollaire paradoxal c’est qu’« un individu peut tout savoir sans rien comprendre. »

Élargissant son propos en convoquant à son chevet Marcel Mauss, George Orwell, René Girard, Pierre Legendre et l’Encyclopédie des nuisances, l’auteur dénonce l’« omnimarchandisation » du système capitaliste et les mythes du « progrès » et du « mouvement » débouchant sur une accumulation sans fin qui conduisent l’humanité « à un monde écologiquement inhabitable et anthropologiquement impossible ». Une marche arrière ­ mais à distinguer d’une inacceptable régression ­ s’avère indispensable pour redonner le primat « au lien sur le bien ».

J-J Gandini

L’Enseignement de l’ignorance et ses conditions modernes. éditions Climats. 1999. 140 p. En vente à la librairie du Monde libertaire. 70 FF (+ 10 % avec port).


Nouvelles et dessins contre la télé

S’il est à la mode de critiquer la télévision, il est moins facile de trouver un recueil de nouvelles et de dessins sur ce thème. C’est désormais chose faite grâce à l’initiative du RAT (Réseau pour l’abolition de la télévision) aux éditions Reflex.

Dans une quinzaine de nouvelles, pour la plupart inédites, auteurs de romans noirs, nouvellistes, journalistes, militants ou simples téléspectateurs repentis se livrent chacun dans leur style, à une critique virulente du petit écran.

C’est ainsi que l’on retrouve au fil des pages : F. Mizio, F. Brune, Serge Quadruppani, Patsy, Jean-Bernard Pouy, Serge Livrozet, etc. Les dessinateurs ne sont pas en reste pour illustrer ce livre : Lasserpe, Chester, Serdu, Charmag, Altho, et quelques autres achèvent d’un coup de crayon le monstre télévisuel. Ce livre réconfortera sans aucun doute les résistants à l’ordre télévisuel et ouvrira, espérons-le, les yeux des autres…

J-C Pascal

Nouvelles et dessins contre la télé, 192 pages, éditions Reflex. En vente à la librairie du Monde libertaire (145 rue Amelot, 75011 Paris) au prix de 55 FF (+ 10 % avec port)


L’Été de Kikujiro

Takeshi Kitano

Le succès de Sonatine et de Hana-Bi ont permis la distribution d’autres films de Kitano, extrêmement différents du genre auquel Kitano semblait être fatalement attaché : Yakusa(s) contre flic(s), ou le Yakusa qui sommeille dans chaque flic ou le flic dans le Yakusa qu’il s’agit d’éliminer…

Le père de Takeshi Kitano était une sorte de « troisième couteau » ce qui pourrait expliquer rétrospectivement pourquoi il incarnait avec tant de drôlerie un Yakusa pitoyable dans Tokyo Eyes de Jean Pierre Limosin. Par conséquent, Kitano tueur solitaire ou flic violent s’autorise à son tour à revendiquer une sorte de paternité, adoptant le temps d’un film, un petit garcon, Kikujiro, justement. Un film recréation, en somme. Font surface, les jeux de plage de Sonatine, les fous rires de Hana-bi, l’émotion qui vous étreint dans A scene at the sea. Pour accompagner la virée insolite de Takeshi acteur avec le petit Kikujiro, on va oublier par le jeu et les rires les blessures de la vie, rien de plus.

Voilà la leçon simple de L’été de Kikujiro. Le film est un road movie sur la naissance d’une amitié et l’infinie délicatesse que le père d’un été « oui, du con » est capable de mobiliser pour faire oublier le chagrin d’un gamin.

Conseil aux parents frileux : il y a une scène d’une tentative de fellation, hilarante d’ailleurs, faites tomber les pop-corns, faites lui ramasser ses bonbons acidulés, mais sinon, L’Été de Kikujiro est un plaisir pour les grands et les petits !

Heike Hurst (« Fondu au Noir »-Radio libertaire)


Journée anti-McDo à Metz

Le collectif libertaire de Metz (CNT, FA, Scalp) a participé à la journée internationale contre MacDonald du 16 octobre. Au programme des réjouissances un rassemblement a eu lieu au centre-ville dès midi devant un des « restaurants » de cette hideuse multinationale. Nous avons distribué 2000 tracts informatifs qui furent généralement bien accueillis. Mais cette distribution de tract fut également festive, des jongleurs, des cracheurs de feu, des clowns, des percussionnistes étaient présents pour assurer l’ambiance ainsi que le groupe « Elle l’a mauvaise » pour les chansons. En tout, ce fut une trentaine de personnes, militantes ou sympathisantes du collectif libertaire qui firent de ce rassemblement une réussite totale. Les gens se sont informés et amusés alors que le MacDollar tirait la gueule.

Puis à 18 heures a commencé le concert rock, organisé par l’Association culturelle de Moselle, toujours dans le cadre de cette action. Le public venu nombreux (plus de 160 entrées) a pu voir et écouter Les Dérangés (punk-rock) ; NORM Zéro (hard-core) ; Neophyte (punk-rock) ; Erzatz (Alternatif) et Hijos-Locos (Ska). Les tables de presse de la CNT, FA et Scalp furent dévalisées. Le concert pris fin à 0 h 30 dans une ambiance festive.

Cette journée d’action fut une réussite, alliant lutte et fête. Les tracts dénonçaient les conditions de travail dans cette multinationale ainsi que sa responsabilité dans certains désastres écologiques (déforestation en Amazonie…) et la mauvaise qualité de cette nourriture. Réussite aussi pour le côté festif pendant le rassemblement et la soirée.

Pour finir le Collectif de Metz voudrait remercier les fanzines « Déviance », « Pago forever » (Vosges), « Electrochoc » (Nancy), Erzatz Troops (Metz) pour leur participation et leur aide pendant cette journée contre MacDonald.

Maxime, ­ groupe de Metz


Création d’une section locale de la FAU en Suisse alémanique

Nous apprenons la création d’une section de la Freie Arbeiter Union (FAU, anarchosyndicaliste) en Suisse de langue allemande. Une réunion s’est tenue à Zurich le 8 août 1999 à laquelle ont participé des compagnons venus de Bâle, Schaffhausen et Zurich. Pour créer une union locale, il est nécessaire d’avoir deux ou trois groupes sur place. Les copains de Zurich et de Shaffhausen ont franchi le pas. Ceux de Bâle n’étaient pas encore tout à fait décidés et devaient discuter de leur adhésion à l’union régionale lors de la « Semaine anarchiste ». Des groupes formés dans d’autres villes, telles Thum, Winthertur et Zug seraient également intéressés par le projet. L’adhésion de cette nouvelle union régionale à la FAU, située en dehors des frontières politiques de l’Allemagne, sera discutée lors du prochain congrès annuel, en juin 2000. D’ores et déjà, une trésorerie régionale est mise en place pour assurer le fonctionnement.

Rappelons que le mouvement anarchiste en Suisse de langue allemande est surtout marqué par la co-existance de plusieurs groupes libertaires comme « Libertäre Alternativen Schaffhausen », « Aussersihler Anarchisten », « Schwarze Katze », dont la caractéristique principale est une activité en pointillé et rarement de longue haleine. L’adhésion à la FAU se veut marquer une rupture avec ce genre de pratique et de resserrer les liens ­ bien au-delà de l’Union locale ­ avec des organisations d’autres pays.

Direkte Aktion, septembre-octobre 1999
traduit par Martine (liaison Bas-Rhin de la FA)

On peut contacter cette FAU : c/o A-Info, postfach 580, 8037 Zurich, (Suisse)