Une seule réforme des prisons : leur abolition
Faut-il améliorer la prison ? Ne devons-nous pas plutôt nous battre pour l’abolir ? Les anarchistes ne conçoivent une société que sans prison. Tout entre en perspective, humaniste ou réformiste, ne tend qu’à se constituer en complice du libéralisme, avec ses outils de contrôle et de fichage.
Il est singulier qu’un effet de mode amène une fraction de l’opinion, des intellectuels et des médias à s’émouvoir sur le sort des prisonniers. À partir de là, tout un chacun enfonce des portes ouvertes et répète à qui veut l’entendre que l’univers carcéral est indigne d’un pays démocratique. On nous parle des cafards et des rats de la Santé…
La santé de la prison…
Mais tout cela est connu depuis des dizaines d’années. Des individus et de mouvements ont pris la parole pour dénoncer l’absence de soins en prison. Mais qui a eu le courage d’ouvrir les yeux et les oreilles ? Qui même s’en souvient ? Le point nº 9 de la plate-forme du Comité d’action des prisonniers, paru dans le Journal des prisonniers du 15 janvier 1973 est tout à fait clair : « Droit à des soins médicaux et dentaires corrects. » Les mêmes revendications nous sont parvenues au cours des années 80 et 90. Toutes rappellent qu’un médecin est seul pour 400 détenus. Il en voit 50 à chaque consultation. Ce n’est même pas de la médecine de brousse. Les traitements les plus courants, quel que soit le problème, sont l’aspirine et le valium. Les rages de dents se soignent à coup de tête dans les murs. La plupart des dentistes ne passent que de temps en temps. Et la nourriture ne respecte pas les règles les plus élémentaires de la diététique ; les prisonniers perdent une bonne partie de leurs dents. Faute d’argent, ils ne peuvent pas payer de couronnes, encore moins d’appareils ou de prothèses. Les dentistes se transforment rigoureusement en arracheurs de dents.
En 1985, l’Association syndicales des prisonniers de France exige, entre autres revendications, des prises en charge médicale et dentaire alignées en prison sur celle de l’extérieur. Et, pour l’an 2000, le collectif des détenus « longues peines » de la Maison centrale de Lannemezan écrit au milieu de toute une liste : « Nous émettons le vœu que les détenus gravement malades soient libérés (sida, leucémie, sclérose en plaque, cancers, etc.) » (Le Monde libertaire du 13 au 19 janvier 2000).
Contrairement à ce qui a été affirmé dans de nombreux médias, les détenus ne sont pas soignés intra muros comme nous le sommes dans le monde libre. Ainsi que l’a très justement rappelé Hafed Benothman, récemment sorti du Centre de détention de Melun, le prisonnier ne voit pas le médecin quand il le souhaite. Il doit rédiger une demande par écrit. Et, la visite ayant lieu à jours fixes, il ne verra celui qui peut l’aider que le jour où a lieu la visite. Dans certains cas, le mal a disparu. Dans beaucoup d’autres, il s’est aggravé, il a même pu devenir chronique. Hafed a failli mourir deux fois d’infarctus du myocarde entre 1996 et 1998 faute de soins. À l’occasion de crises dues à de l’insuffisance coronarienne, il a attendu des heures avant d’être emmené à l’hôpital. La pire des alertes a duré douze jours, le temps que l’on s’aperçoive qu’il n’était pas un simulateur.
Nous pourrions évoquer de nombreux cas, y compris personnels, de personnes évacuées à l’aube, après avoir hurlé toute une nuit. Claudius a souffert la mort vingt-trois heures avec un ulcère du duodénum au centre de détention de Caen. Arrivé « en urgence », au petit matin, à l’hôpital de la ville, il a été opéré séance tenante. Le chirurgien catastrophé a eu ce commentaire : « Avec la septicémie, si vous aviez attendu une heure de plus c’était un cadavre que vous auriez déposé dans la salle d’attente… »
La loi du 18 janvier 1994 a décidé que la santé en prison dépendait désormais du ministère de la Santé et non plus de l’administration pénitentiaire. Chaque établissement est rattaché à l’hôpital de proximité. Mais c’est un leurre. Le personnel médical est en nombre insuffisant. Il n’y a guère plus de 160 infirmières pour 185 prisons. Même si, à l’hôpital pénitentiaire de Fresnes, des progrès ont été constatés pour le traitement des détenus gravement malades, la situation générale reste préoccupante. Un prisonnier, faut-il le rappeler, n’a pas intérêt à tomber malade en pleine nuit. Le surveillant n’a pas les clefs des cellules. Si quelqu’un tape à la porte pour lui-même ou pour un camarade, le gardien traverse le bâtiment et vient voir de quoi il retourne. S’il constate que c’est sérieux, il part chercher le gradé qui se trouve parfois dans une autre division. Il faut alors compter le temps que les deux hommes reviennent à la cellule, la porte peut être ouverte… Mais les matons ne sont pas médecins. Si l’affaire est trop grave, ils repartent au bureau appeler des secours, médecin de garde extérieur, SAMU ou pompiers. Le temps qu’arrivent ces derniers, vous avez le temps de mourir plusieurs fois !
Détruire les prisons
Depuis les années 80, l’arrivée des toxicomanes et du virus HIV a obligé la pénitentiaire à s’occuper de la santé en prison. La gestion de la prévention avec les préservatifs a toujours été lamentable car elle heurte de plein fouet les taulards mal informés et campés dans des postures viriles, anti-homosexuelles. C’est seulement depuis quelques années que les détenus usagers de drogues ayant bénéficié, avant leur incarcération, de traitements de substitution peuvent les poursuivre ou les reprendre au cours de leur peine.
Depuis l’invention de la prison, lors de la Révolution française, soit plus de deux siècles, un seul livre sérieux a été écrit sur la santé en prison. Il est du Dr Daniel Gonin, il s’intitule La santé incarcérée (éditions de l’Archipel, 1991). Il nous parle de l’univers carcéral, de la médecine en prison, du tube digestif, des dents, de la peau, du sexe, de la toxicomanie et du suicide. Le reste n’est que littérature, frisson malsain et opportunité de gros tirages. Ne nous laissons pas détourner de nos luttes par ces semblants de réformisme. Nous n’avons pas besoin des bourgeois pour élargir le front anticarcéral. Nous n’avons qu’un mot d’ordre : la prison doit être détruite pour n’être jamais reconstruite.
Jacques Lesage de la Haye. — groupe Berneri
Recherche publique : le capitalisme à l’université
Gueule de bois dans le petit monde de la recherche. Projets phares rayés d’un trait de plume, inquiétudes devant la montée en puissance de l’intervention capitalistique dans le secteur universitaire, démissions en cascade du Conseil National de la Science, menaces sur les établissements publics de recherche tels que le CNRS ou l’INSERM… il y a comme un malaise chez les chercheurs. Certes, la fronde est pour l’instant essentiellement symbolique, et s’exprime surtout sur le mode du refus de l’autoritarisme arrogant du ministre et ancien collègue Claude Allègre : ainsi les démissions de personnalités qui pensaient qu’un Conseil National de la Science créé par et pour Allègre pouvait avoir une autre fonction que celle d’entériner sans discussion toute décision ministérielle. Mais c’est l’occasion de se poser quelques questions à propos de la recherche scientifique, de son fonctionnement, de son contrôle et de son financement.
La première question est de savoir ce qu’est un chercheur (1). Si on s’en tient aux critères habituels, la recherche relève essentiellement des Universités et des établissements publics dont le CNRS est le plus connu. La recherche privée reste assez marginale en terme d’emplois (cf. plus loin pour les financements), et concerne essentiellement les applications industrielles immédiates. Les chercheurs sont donc pour la plupart des universitaires, dont l’activité de recherche n’est qu’un des aspects du travail : ils sont également des enseignants (c’est leur rôle social le plus voyant) et peuvent avoir des activités administratives, les universités étant gérées à tous les niveaux par les universitaires eux-mêmes (de l’organisation des études à la présidence de l’Université).
On touche là d’ailleurs un des premiers aspects du malaise actuel : la carrière d’un universitaire ne dépendant guère que de sa productivité en tant que chercheur, l’investissement pédagogique est, de fait, découragé, et une certaine jalousie des enseignants-chercheurs envers les « privilégiés » chercheurs à plein temps (personnels du CNRS de l’INSERM secteur médical , de l’INRA secteur agronomique …) est très perceptible. Jalousie sur laquelle Allègre joue assez habilement dans sa tentative de démanteler ces organismes trop autonomes à son goût.
La chasse aux crédits
Mais l’inquiétude principale porte sur le financement de la recherche, et sur le « partenariat » avec l’industrie, terme très porteur ces temps-ci. Cette idée fait peur, parce qu’elle est lourde de menaces sur la recherche non économiquement rentable à court terme, et aussi parce qu’elle suggère un contrôle de la recherche par des gens non issus du sérail. Qu’on envisage de renforcer fortement les pouvoirs des présidents d’université, et de modifier leur mode d’élection pour renforcer le poids du monde économique est de ce point de vue assez significatif. D’ailleurs, le rapport Attali « pour un modèle européen d’enseignement supérieur » est explicite : « Les entreprises innovantes, qui créeront l’essentiel des emplois et des richesses de demain, ne pourront se développer que dans une relation étroite et confiante avec le système universitaire ». C’est la rengaine du moment : sous le vocable très laid d’« incubateurs d’entreprises », les universités sont dès à présent invitées à se doter de véritables structures industrielles et commerciales, notamment pour déposer et exploiter des brevets. Autant dire que cette incitation à faire du « rentable » fait grincer des dents, et suscite une grande inquiétude dans les domaines de recherche sans débouchés financiers évidents… mais qu’elle fait saliver les éventuels bénéficiaires à qui on fait miroiter la double paie universitaire-industriel pendant 6 ans !
Mais il faut bien dire que, si cette évolution existe, et est en effet préoccupante, le terrain a été bien préparé, et depuis longtemps, par les universitaires eux-mêmes. Il y a belle lurette que la course aux crédits dans les laboratoires fait des ravages, et la « communauté scientifique » n’a pas toujours rechigné à faire la danse du ventre pour obtenir des fonds privés. Pour prendre un exemple célèbre, la puissance financière de l’Association de Recherche contre le Cancer a fait taire bien des réticences chez les scientifiques dont les crédits dépendaient étroitement de la « générosité » de Crozemarie. D’une manière générale, on peut dire que les grands principes s’amenuisent à mesure que les espérances financières se précisent.
Dans le même ordre d’idées, les problèmes éthiques sont assez facilement mis sous le boisseau quand l’occasion se présente. Les chercheurs dont les travaux intéressent l’armement ou les marchés financiers ont souvent le scrupule discret ; idem sur les applications de la recherche en psychologie ou sociologie à la « gestion des ressources humaines » (comment briser toute velléité de contestation sur le lieu de travail) ; et comme le fait remarquer le récent éditorial de la revue La Recherche, peu de spécialistes sont montés au créneau sur la question du « principe de précaution » en matière d’agrobiologie (on ne mord pas la main qui vous nourrit) ; pire, beaucoup s’assoient sans scrupules sur ce principe de précaution appliqué aux thérapies géniques à l’occasion des prestations de mendicité télévisuelles comme le Téléthon : il est clair que la perspective d’une conséquente manne financière caritative n’incite pas à la pudeur ! Quant à faire la grève des recherches, ou à abandonner un thème à cause de ses éventuelles applications nuisibles, il n’en est évidemment pas question (2).
Quand les scientifiques sont interpellés sur les potentialités néfastes de leurs recherches, ils utilisent le plus souvent deux lignes de défense : soit ils revendiquent une recherche « pure » et « non salissable » (cas typique des mathématiciens), soit ils clament leurs grands dieux qu’ils n’ont pas voulu ça, que ce sont des applications auxquelles ils n’ont aucune part et sur lesquelles ils nient toute responsabilité. Si les exemples ci-dessus (ont pourrait en sortir des dizaines) montrent la légèreté du deuxième argument, le premier n’est pas satisfaisant non plus, posant la question de l’utilité sociale de recherches inapplicables.
Vers un vrai service public de recherche ?
Car c’est finalement là qu’il faut porter le débat. Qui décide de quelles recherches, et pour quoi en faire ? Dans la mesure où la recherche est essentiellement publique, c’est bien d’un problème de conception, d’organisation et de contrôle d’un service public qu’il s’agit.
Le problème de la définition des programmes de recherche et des priorités à retenir est certainement trop complexe pour être réglé en quelques lignes. Notons seulement que la recherche est par nature accessible essentiellement aux spécialistes, lesquels ont donc largement leur mot à dire sur l’intérêt intrinsèque ou les potentialités de tel ou tel domaine. Mais comme les spécialistes ne sont eux-mêmes à l’abri ni d’erreurs dans les perspectives, ni de conflits d’intérêts, il importe de laisser une assez large autonomie « à la base » pour les chercheurs.
En revanche, la collectivité peut tout-à-fait définir des grandes priorités sur lesquelles mettre des moyens conséquents, et contrôler l’utilisation des moyens en question. Ce que l’on pourrait caricaturer en suggérant un transfert massif des crédits de recherche intéressant les militaires et l’industrie de l’armement vers la recherche en santé publique, quitte à organiser un Arméthon tous les ans avec appel régulier à la charité pour financer les progrès technologiques de l’armée de demain…
D’une manière plus générale, la recherche publique ne sera effectivement un service public contrôlable par le public en question que si elle s’inscrit résolument en faux contre la dérive capitaliste qui la guette actuellement. Ce qui peut se faire en revendiquant ce qui devrait être la caractéristique de tout service public : la gratuité. Vaccins gratuits, molécules gratuites, utilisation libre et gratuite de brevets et de logiciels (c’est déjà le cas pour certains d’entre eux). La recherche est financée par la collectivité, que ses produits soient à la disposition de la collectivité ! C’est probablement la seule revendication qui, aujourd’hui, puisse vraiment battre en brèche une vision marchande de la recherche qui a le vent en poupe. Et lutter sur ces bases aurait, pour les chercheurs, une autre gueule que de s’inquiéter de la part de gâteau qui leur reviendra. Reste à savoir s’ils en ont la volonté…
COQ’S
(1) « un » chercheur… si je garde ce masculin abusif par souci de lisibilité dans le reste de l’article, c’est aussi l’occasion de souligner que la profession est très majoritairement masculine, surtout dans les sciences dites « dures ». Et qu’il serait probablement édifiant de comparer le ratio de thèses soutenues par des femmes à celui de femmes recrutées sur des postes fixes après leur thèse pour évaluer le sexisme ambiant.
(2) À ma connaissance, le seul scientifique « de poids » à s’être sérieusement posé la question est Yves Testard, spécialiste de la procréation artificielle. Aujourd’hui, il poursuit des recherches toujours aussi problématiques en termes d’éthique…
Réception des dignitaires musulmans à l’Élysée
Religions et État quadrillent les banlieues
En recevant à l’Élysée, le jeudi 13 janvier, une délégation de dignitaires musulmans, Chirac ne se contente pas de réparer une (pseudo) « injustice ». En effet, et on est d’ailleurs fondé à se demander pourquoi, la tradition républicaine comme ils disent, veut que des représentants des différentes religions soient invités aux vœux du président. Pourtant, notons-le au passage, la République ne reconnaît aucun culte. Et comme il n’y avait pas de religieux musulmans à ces fameux vœux, certains déjà glosaient et faisaient remarquer que l’Islam est quand même la seconde religion de France, et que si on conviait des religieux en tant que tels, il n’y avait aucune raison pour qu’elle n’y fût pas représentée. Soit. Mais ce n’est pas pour aggraver davantage les atteintes à la laïcité que Chirac a déroulé le tapis rouge pour recevoir ces imans, muftis et autres savants et doctes recteurs… Car les invités en question sont aussi les interlocuteurs privilégiés d’un souverainiste laïc intransigeant : Chevènement… Tout ce beau monde se rencontre et s’agite pour construire le fumeux « Islam à la française » soit disant « intégré selon les principes de la laïcité ». Il ne s’agit pas moins que d’organiser et de structurer le culte musulman à la manière du culte catholique, protestant ou juif, afin d’en faire un interlocuteur officiel, un membre de plus dans le grand lobby clérical. La difficulté majeure étant l’absence d’un clergé clairement défini dans la religion musulmane.
L’union sacrée
Derrière tout cela, se cachent des motifs plus ou moins avouables, dont le principal fait consensus entre d’une part le Président et l’opposition de droite, et d’autre part le premier ministre et sa majorité plurielle. Et chacun pour des raisons différentes, les deux camps sont tombés d’accord pour essayer de cette façon d’obtenir la paix sociale dans les banlieues ! Le Président, parce que, en dépit de l’envie qu’il a de glisser des peaux de bananes sous les souliers de Jospin, sait que trop d’agitation dans les quartiers provoquent mécaniquement des réactions épidermiques comme par exemple la montée électorale du Front national. Ce dernier donnait bien quelques signes de faiblesse, mais l’arrivée du RPF du vicomte de Villiers et de l’anisé Pasqua est venue troubler le jeu. En bon politicien qu’il est, il sait qu’un FN fort peut faire perdre beaucoup à la droite, notamment par les triangulaires, et les municipales approchent. Et même si côté FN il pouvait espérer être tranquille, l’irruption et le succès aux européennes du RPF, qui nage dans la thématique du FN, ne l’arrangent pas du tout. Quant à Jospin, il s’agit avant tout de faire croire que la politique menée porte ses fruits dans tous les domaines, aussi bien sociaux qu’économiques ou sécuritaires. Le calme dans les cités est pour lui plus rentable électoralement, pour son image de marque et sa stature d’homme d’État, que les bénéfices éventuels du jeu politicien avec l’extrême droite, même si par ailleurs la tentation est forte de continuer à brandir l’épouvantail fasciste. Quel est donc le rôle que l’État laïc entend faire jouer aux barbus ?
La sainte alliance
A défaut de trouver pour la jeunesse immigrée des emplois autres que des petits boulots et des stages bidons, de sortir les quartiers de la déshérence, de mettre fin au racisme et à la ségrégation sociale, les gouvernements utilisent tous les moyens possibles et imaginables, censés occuper sainement une jeunesse désœuvrée et éviter ainsi les révoltes urbaines. Outre la panoplie sécuritaire, on a eu droit au sport, grâce à « l’image positive » des champions, les animations socioculturelles, le rap… Mais ça n’a qu’un temps, tout le monde ne peut pas devenir Zidane, Jordan ou Doc Gynéco ! Alors, pourquoi pas l’école coranique ! Aux imans de faire régner l’ordre moral islamique, d’abrutir les jeunes en leur faisant apprendre par cœur les sourates du Coran. À eux de faire la chasse musclée aux petits dealers et aux consommateurs, de remplacer la dépendance à une drogue par la dépendance à la prière !
La société te rejette, rejette-la parce qu’elle est non pas de classe mais à majorité chrétienne. Tu es frustré matériellement, moralement, sexuellement ? La mosquée t’accueille à bras ouverts et t’apporte la consolation ! En somme, l’État laïc sous-traite le quadrillage d’une partie de la population en la livrant aux barbus, comme sous l’ancien régime où le clergé avait ce rôle de maintenir les gens dans l’acceptation de leur condition.
Toute la campagne médiatique autour du Ramadan, de la chorba distribuée aux pauvres, des jeunes interviewés vantant une sérénité retrouvée, un retour dans le droit chemin grâce à l’Islam, procède de cet état d’esprit : rendre positif aux yeux des gens ce qu’avant on noircissait au nom de la lutte contre le terrorisme et l’intégrisme. Qu’importe si on livre toute une jeunesse immigrée aux mains des barbus, qu’importe si la situation des jeunes filles se dégrade, qu’importe si les foulards islamiques se multiplient. Tant pis si cela va au rebours de l’intégration et si on développe le communautarisme, si, sous couvert de retrouver les racines, on assiste à un repli identitaire, ce n’est pas le problème, du moment que rien ne bouge.
C’est cela aussi la subsidiarité des traités de Maastrich et Amsterdam ! Quant à l’Église, elle y trouve son compte. D’abord parce que sur le marché de la crédulité, l’Islam ne joue pas sur le même terrain, donc rien à craindre de son prosélytisme. Ensuite, dans la remise en cause d’une laïcité qu’elle n’a jamais digérée, cela permet d’avancer dans le concept de société multiconfessionnelle, où les religions auraient un rôle prédominant dans la société civile. Ce n’est pas un hasard où sur des sujets comme le PACS, toutes se sont retrouvées au coude à coude pour le condamner moralement. La sainte alliance est en marche, avec la bénédiction de l’État laïc et républicain !
Éric Gava. — groupe de Rouen
Fait d’hiver
Le sport en rouge et noir
Amélie qui rit, Martina qui en rabat, Dugarry qui pâlit, Benarbia qui n’en fait pas un plat, Monaco qui trône, Lyon qui traîne, Marseille qui sombre, Montferrand qui décroche l’Europe, le rugby Oléron club qui doit annuler son déplacement pour n’avoir pu réunir que 11 joueurs… ça n’est pas le genre de ce journal de vous causer de ça. Chez les zanars, en effet, comme chez les gauchos et les intellos, il est de bon ton d’être antisport au motif que… Et c’est vrai que les motifs ne manquent pas.
Un vedettariat éhonté, quelques fronts bas qui gagnent surtout des sommes astronomiques, des gangs de malins qui en gagnent encore plus sur leur dos, des mafias qui achètent, vendent et profitent de tout, des foules fascisantes qui beuglent à qui mieux mieux, des supporters tarés toujours prêts à s’entre-tuer, des médias de merde qui caressent la bête dans le sens du poil et en rajoutent toujours trois louches, le culte de la force, du vainqueur à tout prix, de la compète… on aurait envie de dégueuler à moins ! Mais dégueuler quoi ? Le sport ou une conception capitaliste du sport ? Le peuple et son rapport de toujours au physique ou des masses abruties par un système ?
Avant la révolution, au début des années trente, mon beau père ou l’un de ses frères, jouait au foot dans un grand club de Barcelone et, reversait les primes qu’il touchait à la CNT Le rouge et le noir sont les couleurs de centaines de clubs du sud-ouest et d’ailleurs parce que ces clubs de sport ont été fondés par des associations ouvrières tatouées à l’anarchosyndicalisme. Nos camarades sénégalais d’AUPEJ organisent des tournois de foot alternatifs gratos qui font un tabac et pas un rond. Mon vieux pote Babar et moi-même, parce qu’on est des fils du peuple et que le tennis et le cheval c’était pas de notre classe, on a tapé dans le ballon jusqu’à tard…
Mais, pourquoi j’vous cause de tout ça ?
Peut-être parce que la tempête me prive toujours de téloche, que ça ne me traumatise pas, que je n’ai jamais eut la révolution triste, que je crois en une école comme en un sport populaire, c’est-à-dire fondés sur d’autres valeurs que celles d’aujourd’hui, que je me méfie des aristos qui s’la jouent grande dame par rapport à la sueur des manants, et que j’ai dans l’idée, lors du prochain congrès de la FA d’organiser un match de foot entre les vétérans de l’anarchisme et les jeunes loups de ce même anarchisme, histoire, tout simplement de gagner un combat perdu d’avance. Ils vont nous en mettre dix ou quinze. Ils ne nous feront pas de cadeau. Il n’est pas impossible qu’ils pensent avoir gagné !
Jean-Marc Raynaud
Paritarisme : le chantage patronal
Virons les patrons et vive l’autogestion !
Coup de bluff ou avertissement solennel ? Le MEDEF, à l’issue de son assemblée générale du 18 janvier, a annoncé qu’il quitterait l’ensemble des organismes sociaux (sécurité sociale, caisses de retraites complémentaires, assurance chômage) le 31 décembre au plus tard. Cette intention est assortie d’une condition de « remise à plat » des organismes sociaux, dans le but d’« une refondation de la protection sociale ». Le discours patronal met alors en évidence la déficience de ces organismes, qu’elle voudrait « plus efficaces et moins coûteux ». Parmi les résolutions adoptées par l’assemblée générale patronale, il y a la résolution nº6 sur l’UNEDIC qui commande de négocier une nouvelle convention en « assurant un strict respect de la maîtrise des coûts, et renforçant l’incitation à la recherche effective d’un emploi ». Dans cette même résolution les patrons rassemblés proposent aux autres partenaires sociaux de « définir les bases d’une nouvelle architecture de l’assurance maladie […] visant à en améliorer le rapport coût efficacité. » Une table ronde est convoquée le 3 février par le MEDEF et qui devrait rassembler les organisations syndicales cogérant les caisses sociales. Il ne manquera que l’État, dernier larron qui complète le tableau du paritarisme français.
Comme on pouvait s’y attendre, les centrales syndicales ont réagi vivement à ces menaces. Il est évident que le MEDEF cherche à reprendre l’initiative. Surfant sur un malaise réel, le baron Seillières tente de libéraliser la santé, les assurances chômage ou retraites sous couvert de modernité. Ces libéraux dirigent d’ailleurs leurs attaques contre l’État qu’ils accusent de « recherche constante de domination des partenaires sociaux par l’État et par la loi » et à qui ils veulent faire payer les 35 heures.
Le paritarisme à l’épreuve de la mondialisation
Le paritarisme est issu de l’époque de la reconstruction d’après guerre ; le capitalisme français sous la poussée populaire et désirant acheter la paix sociale dans la perspective d’une reprise économique durable, avait accepté cette cogestion des organismes sociaux. Il s’agissait là d’une forme aboutie d’un traitement de la question sociale qui s’insérait dans la gestion social-démocrate du capitalisme. Pour ne plus exacerber les clivages employeurs-salariés, le paritarisme devenait une clé de voûte du système politique français. Mais les doctrines idéologiques ont changé, l’État est honni par ces libéraux qui s’en sont servi et le font encore (primes diverses, aides à l’emploi, crédits d’impôts…). La concurrence, en se mondialisant, devient rude et l’on cherche à réduire les coûts sur les salaires, et les charges sociales. D’où les assauts répétés des patrons.
La manœuvre patronale fera-t-elle long feu ? Les tables rondes et négociations diverses qui vont débuter le 3 février seront sans doute décisives. Décisives, car elles risquent, si l’on évite le clash, de subir la pression et donc sans doute d’accentuer encore l’intolérable : nouvelles baisses et dégressivités de toutes les allocations et pensions. En fait, quitter les centres de gestion sociale reviendrait, pour le MEDEF, à renoncer au compromis social-démocrate dont il est un des acteurs essentiels. Cela reviendrait aussi à renoncer à sa représentativité et à la légitimité qu’il en tire, cette hypothèse est donc peu crédible.
Nos camarades du groupe La Sociale ont déjà dit ici qu’il était important que les usagers se réapproprient vraiment leurs caisses à vocation sociale pour ne plus les laisser aux mains des politiciens et des patrons qui n’arrêtent pas de raboter nos droits et nos conditions de vie (1). Alors, à l’occasion de la proposition du MEDEF, proposons que les patrons soient virés des organismes paritaires par les chômeurs, les travailleurs et les retraités, victimes du chantage patronal permanent consistant à faire baisser le niveau des rémunérations. Remettons en avant nos mots d’ordre d’élection et de contrôle réel (gestion directe) des mandatés aux organismes d’entraides, et d’égalité des droits sociaux pour les hommes, les femmes, les sans-papiers… de réapropriation et de distribution égalitaire des richesses. En attendant ce moment-là, s’il arrive, faisons savoir au MEDEF que s’ils veulent partir, on est d’accord ! On s’occupera de tout ! Il ne restera plus qu’à les virer des entreprises.
Daniel. — groupe du Gard
(1) Ces articles avaient été publiés quelques semaines avant le scandale des détournements effectués par des représentants syndicaux et patronaux de la caisse de retraite et révélé par Le Monde. Ce qui valide la notion de contrôle des mandatés par les usagers plutôt que par les bureaucrates.
Répression syndicale à la Poste
Deux militants de la CNT, Armand Vuillet et Olivier Rosay, facteurs au bureau de poste de Paris 18e ont plus que lourdement payé le fait de défendre leur dignité de travailleurs. Le 1er octobre 1999, le conseil de discipline de Paris-Nord a prononcé une exclusion temporaire d’activités d’un an à leur encontre. Cette très lourde sanction incombe totalement aux représentants de la direction (les élus CGT et SUD ont voté contre les sanctions). La direction de la Poste tente ainsi de briser toute velléité de révolte du personnel.
Armand Vuillet est entré à la Poste en qualité de facteur en 1987 et pendant dix ans n’a fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire. En 1997 A. Vuillet change de tournée. Il lui apparaît qu’il n’est pas possible de faire toutes les tâches sans déborder le cadre horaire réglementaire des 39 heures. C’est ainsi qu’il est amené à ne pas traiter les réexpéditions ni les rebuts. À de multiples reprises il demande un accompagnement qui permettrait à un vérificateur de mesurer la charge réelle de travail. Il obtient systématiquement une fin de non-recevoir.
Mis en demeure de s’expliquer à plusieurs reprises sur les causes du non-traitement des réexpéditions et des rebuts Armand Vuillet ne peut que répondre de la même manière : le travail à assurer ne peut l’être dans le cadre légal de la durée quotidienne de sa vacation et il est nécessaire de réaliser un accompagnement pour mesurer à nouveau la charge de travail. C’est l’escalade répressive à l’heure, où la Poste prône le dialogue social : sévères observations à deux reprises puis avertissement et enfin appréciation défavorable en 1999 ce qui lui fait perdre sa tournée. Il redevient rouleur, c’est-à-dire remplaçant sur plusieurs tournées. Cette décision provoque la maladie d’Armand et le trouble psychologique qui s’en suit fait qu’il ne prévient pas immédiatement son employeur qui en profite pour le déclarer en « absence irrégulière ».
Quant à Olivier Rosay, c’est parce qu’il a affirmé sa solidarité avec Armand lors d’une prise de parole spontanée qu’il fut traîné devant ce même conseil de discipline accusé de bousculade, il écope de la même sanction. À l’initiative du syndicat CNT-PTT Paris et de la Fédération CNT-PTT la lutte pour l’annulation des sanctions s’est organisée. Vous pouvez contacter la Fédération CNT-PTT : BP 2600 69218 Lyon cedex 02.
D. Teyssier — groupe FA Aubenas
Les frappés de la gâchette
Les cathos ont leur petit Jésus ; les Anglais ont leur grande reine ; et la France a ses beaux et grands chasseurs ! On a beau vouloir marquer, matraquer le temps qui passe, faire « moderne » et « nouveau millénaire », et bien non, ça ne passe pas : il y a toujours autant de chasseurs dans nos campagnes et nos proches banlieues. Et, en plus, ils font la gueule !
Les chasseurs veulent chasser avec ou sans leurs chiens, plus longtemps, la nuit comme le jour ! Ce qui est contraire aux directives européennes qui imposent à la France une restriction de ses périodes de chasse ! Exaspérés, ils viennent donc d’adresser un « ultimatum » au gouvernement et aux élus locaux afin que soient modifiés ces « diktats ». Ils menacent de « tout faire péter » et de tuer « politiquement » tous ceux qui se refuseraient à cautionner un texte sur la chasse proposé par le mouvement « Chasse pêche nature et traditions » (CNPT). La peur du coup du fusil dans le dos est telle que Jacques Chirac, en personne, devait recevoir le 26 janvier, Jean Saint-Josse, le président du CNPT… On ne rigole pas chez les frappés de la gâchette. Ils ont beau mourir au combat depuis le début de la saison, cinq personnes sont mortes au cours de parties de chasse dont quatre pendant des battues aux sangliers ils ne désarment pas ! La chasse doit être ouverte plus longtemps. Ils ne veulent pas s’arrêter le 31 janvier, mais le 28 février ! Ils veulent aussi la reconnaissance de la chasse de nuit, interdite mais tolérée depuis la Révolution…
Ces amoureux de sang chaud et de viande fraîche ont la nostalgie du temps des seigneurs. Leur gros pénis sur l’épaule, ils veulent jouir… Ils se voient prédateurs universels : l’humanité réduite à une chasse gardée, faite de proies et d’hommes, des vrais. L’horreur !
Alain Dervin. — groupe Pierre-Besnard
Crise de foi
Débaptisez-vous !
En étant baptisé, l’Église mais aussi les médias et l’État considèrent que vous faite parti de l’Église et que vous croyez en Dieu. Comme si c’était vous qui aviez choisi de vous baptiser. Le problème, c’est que l’Église s’appuie sur le chiffre des baptêmes (fort nombreux), pour exercer des pressions sur l’État, la justice… Afin d’imposer ses dogmes et son ordre moral. Ne participez plus, malgré vous, à cette supercherie. Débaptisez-vous ! Pour cela, il faut envoyer une lettre adressée à l’évêque dont dépend l’Église où vous avez dû subir cette manipulation. Préciser votre nom, prénom, la date du baptême, l’Église où cela c’est passé. Puis écrivez : Je vous serais reconnaissant de bien vouloir porter sur le registre des baptême en regard de mon nom la mention « A renié son baptême par lettre du……....
ou de me délivrer un « Déficit a fide » revêtu de votre sceau.
Ainsi sera rétabli la vérité, que vous et moi respectons, et l’on évitera qu’au vu de mon nom sur ces registres je sois considéré comme appartenant à la communauté catholique. De cette façon, vos scrupules et les miens seront apaisés et vos registres purs de toute ambiguïté. Notez que légalement, l’Église ne peut refuser une requête de débaptisation car elle serait passible de poursuites judiciaires au même titre que n’importe quelle secte.
Je vous en remercie par avance de votre réponse, et vous adresse, Monsieur l’évêque, toutes mes civilités.
Fait à… le…
Signature
PS : je vous rappelle que la loi « Informatique et Liberté » (6 novembre 1978) vous fait obligation d’adresser copie de tout document comportant des données personnelles à qui en fait la demande.
Voilà, c’est fait, un catho de moins, un individu libre de plus
Régis Boussières. — groupe Kronstadt (Lyon)
Chili : vrai-faux changement sur fond de recomposition politique
La Concertation démocratique et l’Alliance pour le Chili, c’est-à-dire le centre et la droite se rapprochent à pas de géant. Le deuxième tour des élections se termine par une victoire numérique de la Concertation (51,31 % des voix) mais par une victoire psychologique de la droite (48,69 %). L’abstention représente 10 % et les votes blancs ou nuls 4 %. La principale caractéristique fut la recherche des électeurs du centre politique par une dé-pinochétisation des discours et la dé-politisation des programmes.
Les analyses montrent qu’au premier tour des élections, près d’un million d’électeurs de la Concertation (15 %) avaient voté pour Lavin (voir ML nº 1186). Au second tour, Lagos a bénéficié du retour de quelques électeurs vers la Concertation, mais surtout de votes utiles. Ce sont les partis humanistes, écologistes et un fort contingent communiste qui l’ont sauvé du désastre…
La Concertation : glissement du centre gauche vers le centre droite
Née en 1988 du rassemblement de 17 partis anti-Pinochet (du PC à la DC), la Concertation a gagné les élections de 1989 et de 1993. A chaque fois, ses politiques centristes et la « politique des consensus » avec la droite, lui faisaient perdre des voix sur sa gauche. Elle ne compte actuellement plus que 4 partis : la DC, le PS, le tout petit Parti radical et le Parti pour la démocratie (PPD), un PS « rénové ». Les deux premiers Présidents de l’après dictature furent démocrates-chrétiens. Mais en mai dernier, le PPD Ricardo Lagos, après un parcours sans faute dans les ministères de l’Education et des Transports publics des deux gouvernements de la Concertation, avait pris tellement de poids qu’il fallut une primaire pour le départager du DC Andrés Zaldivar en vue des présidentielles. Le « socialiste » Lagos gagna haut la main et la Concertation perdit les votes de l’aile droite de la DC.
Pour les regagner et convaincre les indécis du centre, Lagos avait réalisé une campagne « sérieuse ». Discourant en cravate de thèmes politiques face à des rassemblements de militants, Lagos exhibait les défauts majeurs de la Concertation : arrogance du pouvoir et perte de contact avec la réalité des gens. Son mauvais résultat au premier tour l’a obligé à de nouveaux choix de campagne. Deux alternatives : reconnaître que la Concertation s’était reposée sur ses lauriers et avait encore beaucoup à faire, ou alors au contraire, revendiquer ses acquis pour récupérer les électeurs transfuges. Ces acquis (dans le cadre d’une gestion politique acceptant les contraintes du « marché ») sont réels : basse inflation, diminution de la grande pauvreté, augmentation du salaire minimum et du niveau de vie, investissements dans les ministères sociaux, réforme de la structure judiciaire, développement des infrastructures. En ce sens, la Concertation, dite de centre-gauche, a parfaitement géré le système néolibéral. Mais elle n’a pas senti la colère des gens face à une forte montée du chômage (de 7 à 11 % en 15 mois) due à la crise asiatique qui a durement touché l’économie chilienne, ni son sentiment d’insécurité croissant face à une délinquance toujours plus violente, ni son désir de faire entendre ses préoccupations quotidiennes. Le pouvoir provoque toujours une arrogance qui le distancie inévitablement du peuple, vieille histoire bien connue…
Pour regagner du terrain, Lagos adopta le style qui avait fait le grand succès de son adversaire : dépolitisation du discours (mais en manches de chemise), populisme « serre-toutes-les-mains » et promesses directes concernant des thèmes très précis. Le programme électoral abandonnait le terrain des grandes politiques d’État pour un développement vers une société plus juste (le slogan du premier tour n’était-il pas « Croissance dans l’égalité » ?) pour tomber dans celui de la résolution de problèmes très locaux par un torrent de promesses. Et sa popularité remonta !
Pour reconquérir le vote féminin, Lagos mit en avant Soledad Alvear, ex-ministre DC de la Justice et personnalité très appréciée des Chiliens. Succès tout relatif. Pour regagner le vote de ses adhérents de droite, la DC mit toute la vapeur et les partis socialistes et PPD furent priés par leur chef de ne rien dire sur les thèmes politiques (démocratisation des institutions ou droits humains par exemple). Aucun succès visible !
La droite de Joaquin Lavin : Pinochet enfin sur une voie de garage ?
N’en déplaise à une vision manichéenne de la presse européenne et de la gauche en général, Lavin et Pinochet, ce n’est pas la même chose. Pinochet a toujours ignoré Lavin, sa première tactique fut d’abord de briser la Concertation en se montrant favorable au président de la DC, Andrés Zaldivar. Lorsque la DC refusa, Pinochet créa de toutes pièces le candidat Frei Bolivar, un ex-DC ambitieux qui, se voyant déjà président, a embrassé la cause pinochétiste. Mais l’armée ne fut pas convaincue et Pinochet abandonna son nouvel allié.
Pendant ce temps, Lavin parcourait le pays, sans Pinochet et ses partis, sans le soutien des milieux d’affaires ou des militaires. Sa grande religiosité (il est membre de l’Opus Dei), sa famille nombreuse, jeune et très « comme il faut », ses constantes déclarations de guerre à la pauvreté, au chômage et à l’insécurité, ses multiples promesses ainsi que sa bonne gestion municipale (il est maire de Las Condes, la commune la plus riche du pays) lui attirèrent un grand soutien populaire et une remontée spectaculaire dans les sondages. Lavin est ainsi devenu candidat unique de la droite non pas grâce à mais malgré les pinochétistes…
Sa dé-pinochétisation n’est pas factice : pour gagner des voix au centre, seule possibilité de rompre le monopole de la Concertation sur ce secteur, il fallait se distancier du pinochétisme. Au début, personne ne voulut (n’osa) le suivre. Le destin lui donna alors un coup de pouce : Pinochet est détenu à Londres. La droite est alors dans la confusion : Pinochet est absent pour longtemps et elle n’a pas de personnalité charismatique à présenter aux élections. Sauf Lavin. Comme il semble sa seule chance, la droite s’aligne derrière lui avec armes et bagages, c’est-à-dire avec ressources matérielles et financières, et accepte ses conditions : aucune mention de Pinochet, pas de drapeaux des partis, le seul nom de Lavin sur la propagande. « Lagos n’est pas Allende et Lavin n’est pas Pinochet », dit-il un jour. Privilégiant le contact direct avec la population à qui il promet tout ce qu’elle veut entendre, Lavin se présente comme « un gérant qui résout les problèmes immédiats des gens » et appelle à un grand « changement ».
Les électeurs, libérés de la polarisation Pinochet/anti-pinochétisme, optent pour le considérer, non comme l’héritier du dictateur, mais comme l’homme du renouveau d’une alliance politique concernée par les difficultés de la population. La société chilienne a profondément changé. Certains secteurs ont envie de pouvoir jouir des avantages matériaux de l’ère de la consommation. D’autres pensent qu’il peut apporter des emplois. Lavin promet une forte répression contre la délinquance.
Lavin a su capter ces changements de mentalité et les canaliser vers lui avec succès. La droite s’est rendue compte que, si elle oublie un peu son général-idole et joue le jeu démocratique, elle peut remporter des élections. Du coup, elle envisage de fusionner tous ses partis en un seul, le Parti populaire, qui accueillerait les transfuges de l’aile droite de la DC. Lavin (46 ans) serait son indiscutable figure de proue pour les élections de 2006.
La Concertation aussi se rapproche du centre. La DC sort renforcée et les secteurs militants (surtout socialistes) perdent du terrain. Soledad Alvear, probable ministre de l’Intérieur de Lagos, pourrait devenir la candidate présidentielle d’une Concertation recentrée sur la DC pour les élections de 2006. Les partis écolos, humanistes ou communistes ont été balayés au premier tour et, bien que leurs militants ont voté utile pour sauver Lagos, ils n’en retireront probablement aucun bénéfice. Ici aussi, il est nécessaire de repenser (reconstruire) une opposition qui redéfinisse ses utopies.
Qui c’est qui est heu-reuse, c’est la Bourse !
Pour bien montrer ce qu’elle pense du « socialiste » Lagos, la Bourse a gagné quelques points le lendemain des élections. Le libéralisme n’a rien à craindre : le futur cabinet économique de Lagos compte deux professeurs d’économie à Harvard et deux économistes qui se sont opposés aux réformes des lois du travail présentées par le gouvernement juste avant les élections (et rejetées par un vote massif de la droite). En attendant, la population attend de lui qu’il n’oublie pas le passé (« Que Pinochet soit jugé » scandaient les 30 000 personnes venues écouter le premier discours du nouveau Président), mais que le gouvernement, dans le futur, mette autant d’énergie pour aider les petites gens qu’il n’en a mis à développer la macroéconomie. « J’ai entendu ce que vous avez dit » cria Lagos comme un écho du « Je vous ai compris » de qui vous savez… On aurait tendance à dire que rien n’a changé : même système, même Concertation, même opposition, un général demi-gâteux à l’hôpital (ça c’est nouveau !), les mêmes bas salaires (pas pour tous !), les mêmes flics et les mêmes galonnés, les mêmes arnaques du patronat. Avec Lavin, on aurait eu un peu plus de tout cela. Avec Lagos, on aura peut-être, oooh, une légère amélioration, de quoi maintenir les syndicats et les organisations communautaires et populaires silencieux, comme depuis trop longtemps…
Jac Forton. — correspondant à Santiago de Visages d’Amérique Latine (Radio Canut, Lyon) pour le Monde Libertaire.
NDLR : L’auteur a écrit le livre 20 ans de résistance et de lutte contre l’impunité au Chili : 1973-1993 édité par le CETIM/Genève.
encart Ici, c’est l’Amérique, tout court… Le score de Lavin démontre soit qu’il a réussi une très bonne campagne (en terme commercial) soit que les Chiliens sont finalement bien contents de l’héritage économique des militaires. Le tout donne une ambiance bien tristounettte à Santiago ; je trouve que les Chiliens manquent un peu de fantaisie. Certains éditoriaux font toutefois remarquer que le score de Lagos n’est pas si mauvais vu que la grande majorité de la presse, radio et télé, étaient pro-Lanvin. « Il est difficile d’entrer dans un supermarché ou dans un centre commercial et sentir que c’est seulement la consommation qui fait de nous des Chiliens » dit Paulo Slachevsky (dans Rochante, une revue un peu subversive). Voilà quelques mots qui résument exactement ce que je commence à ressentir ici. Vincent, en poste en Santiago |
chronique anarcha-féministe
Désolée ma chère, nous n’avons pas les mêmes valeurs !
L’IVG, la contraception, c’est du passé. Le nouvel enjeu du féminisme français, c’est la parité politique ? Alors les jeunes féministes s’entendent dire que tout ira mieux quand elles auront donné le pouvoir aux femmes politiques ou aux partis qui défendent la parité en politique.
La pilule micro dosée dite de confort pas remboursée, la pilule du lendemain (Norlévo) à soixante francs en pharmacie, l’IVG hors délai à l’étranger de 2 000 à 10 000 FF ? Soyez patientes les filles, déjà Mme Aubry veut augmenter le remboursement du stérilet. Bon d’accord pour l’instant vous ne trouvez pas de médecin acceptant de vous en poser un. Mais, vous voulez tout, tout de suite ! Ah la jeunesse !
Vous apprendrez avec l’âge, les féministes des années soixante-dix étaient pareilles. Elles ne voulaient pas attendre la révolution pour obtenir des droits. Mais depuis, elles ont su s’armer de patience, ont mieux compris comment ça marchait, ont fait carrière… et tout va mieux… pour elles. Elles sont même reçues à l’apéro au gouvernement après la manif du 15 janvier sur les droits des femmes. Ah non pardon sur la parité politique. C’est dire si les femmes sont reconnues par les institutions françaises !
Bon, après elles ne peuvent pas faire plus, c’est la crise ! Ce n’est pas de leur faute si vous n’avez pas de thune. Elles, elles gèrent et elles font de leur mieux. Ah ? Vous ne voulez vraiment pas attendre ? Eh ben voilà une bonne nouvelle !
Une transbarbie
Octave Mirbeau, un écrivain engagé
À la fin du dix-neuvième siècle, beaucoup d’écrivains sont attirés par l’anarchisme : souvent fascinés par les attentats de Ravachol ou d’Émile Henry, ils rêvent d’écrire un livre qui serait comme une bombe et saperait les fondements de la religion, la famille, la patrie… Les Symbolistes célèbrent le « vers libre » comme le « vers anarchiste ». La révolution, grâce à eux, va toucher la littérature — à défaut de pouvoir éclater dans la rue. On les retrouve plus tard, le succès aidant, bien installés dans leur fauteuil d’écrivain reconnu, ayant abandonné toute velléité anarchiste…
Ce n’est pas le cas de Mirbeau. Pour lui, l’anarchisme n’a pas été un engouement passager, une « erreur » de jeunesse, puisqu’il a découvert les idées de Proudhon et Kropotkine finalement assez tard, après avoir égaré sa plume dans des journaux bonapartistes et antisémites (mais dès 1883, il dirige Les Grimaces, l’ancêtre du Canard Enchaîné). Lorsqu’à partir de 1885, il adopte des positions de plus en plus anarchistes, il s’agit d’un engagement réfléchi et sérieux. Il soutiendra régulièrement Jean Grave (il est l’un de ses meilleurs défenseurs lors de son procès suite à la parution de La société mourante et l’anarchie), il aide financièrement les amis militants en difficulté. Il profite de sa position d’auteur influent (il est l’un des critiques les célèbres de son époque) et du fait que tous les journaux lui sont ouverts pour faire connaître ses idées. C’est dans Le Figaro, en 1888, qu’il publie un article intitulé : « La Grève des électeurs » : « Toutes les époques se valent, et aussi tous les régimes, c’est-à-dire qu’ils ne valent rien. Donc, rentre chez toi, bonhomme, et fais la grève du suffrage universel. »
Il explique l’acte de Ravachol (« D’ailleurs, la société aurait tort de se plaindre. Elle seule a engendré Ravachol. Elle a semé la misère : elle récolte la révolte. C’est juste. ») tout en soulignant les limites (politiques) des attentats. Envers des écrivains débutants, il est également d’une grande générosité : c’est lui qui a découvert Marguerite Audoux (une couturière inconnue), Neel Doff, Charles Vildrac… Lors de l’affaire Dreyfus, il est présent sur le terrain, donne de nombreux meetings à Paris et en Province, ne recule jamais devant l’affrontement avec les anti-dreyfusards… — Pour Octave Mirbeau, être anarchiste ne se résume pas à révolutionner les lettres, mais c’est aussi donner de soi, de son temps, et de son argent, puisqu’il n’en manquait pas (selon les archives de la police, c’est lui qui finançait Les Temps Nouveaux).
Liberté de création et combat social
Ses œuvres sont le reflet de son engagement anarchiste : de nombreux contes décrivent la vie des plus démunis, les absurdités de l’administration, la corruption des hommes au pouvoir. L’Abbé Jules et Sébastien Roch sont deux romans violemment anticléricaux. Le Journal d’une femme de chambre est bien plus que le récit des perversions de la grande bourgeoisie car on y voit la montée en puissance du personnage de l’antisémite (l’action se déroule pendant l’Affaire Dreyfus) ? et Bunuel ne s’y est pas trompé, lui qui montre dans son film comment la montée du fascisme est lié, justement, à un ordre et à des valeurs imposés par la bourgeoisie.
Le Jardin des supplices a été souvent lu comme le récit érotique outrancier, célébrant le sado-masochisme : c’est aller un peu vite, et oublier son aspect éminemment politique. Il faut lire attentivement la dédicace : « Aux prêtres, aux Soldats, aux Juges, aux Hommes qui éduquent, dirigent, gouvernent les hommes, je dédie ces pages de Meurtre et de Sang. » La question que Mirbeau pose dès les premières pages est peut-être trop dérangeante, même pour certains lecteurs actuels qui préfèrent l’ignorer : pourquoi certains crimes sont illégaux et d’autres acceptés ? (Octave Mirbeau cite l’industrie, le commerce colonial, la guerre, la chasse, l’antisémitisme comme autant d’exutoires légaux de l’instinct de meurtre.)
On trouve chez Mirbeau une vraie réflexion sur le pouvoir ? pouvoir qui s’exerce sur l’individu aussi bien de l’intérieur (les instincts qu’on ne contrôle pas) que de l’extérieur (la domination exercée par la société, par ceux qui nous gouvernent). Écrivain passionné, décrit comme « l’homme des idées extrêmes » par ses contemporains, il est l’un des rares écrivains à avoir su concilier un engagement social avec une totale liberté de création ? en refusant toujours de se laisser embrigader dans un parti. Alors que certains se demandaient ce que l’anarchisme pouvait apporter à la littérature, lui a essayé de montrer ce que la littérature pouvait apporter à l’anarchisme.
Caroline Granier. — Claaaaaash
Lecture
Le massacre des innocents
Voici que reparaît (en folio) le roman de Jean-Jacques Reboux Le Massacre des innocents. L’intrigue se situe à l’occasion d’un voyage du pape, venu en France canoniser un ami de Touvier… Même si tout est très daté — et d’ailleurs pas si éloigné — on songe forcément aujourd’hui à ce putain de jubilé sur lequel toute cette histoire aurait tout aussi bien pu se greffer.
Un groupuscule anarchoïde nommé l’antimitre fait exploser les églises ici et là. Il y a aussi quelques assassinats y compris celui d’un ministre de l’Éducation ! — qui ne semblent pas dus au hasard… mais sont-ils liés à l’antimitre ? L’enquête est menée par un flic mais aussi par une journaliste. Ce ne sont pas des héros — lui collectionne les étiquettes de camembert ; elle est journaliste à L’information, le quotidien de la rue Béranger mais simplement des gens qui trouvent que cette histoire mérite d’être mise au grand jour. Ils ont raison : on ne s’ennuie pas ! Une fois la lecture entamée, on ne peut qu’aller jusqu’au bout de ce livre plutôt édifiant mais jamais manichéen. La structure du roman s’apparente au montage d’un film noir. On est partout à la fois : au conseil des ministres, dans l’appart de la journaliste, on suit les pérégrinations du flic, des membres de l’antimitre… et les coups de gueule du chef d’un parti d’extrême droite nommé Jean-René Serrurier. On fréquente même les RG… À vous de dévorer si ce n’est pas encore fait ce captivant roman.
Le Furet
Cinéma
Bon anniversaire Jonas, Alain Tanner
Quand on avait vingt ans, il y en a de ça vingt-cinq, qu’on aimait le ciné pas trop cucul la praline et qu’on découvrait les idées libertaires, on allait voir les films d’Alain Tanner. Forcé. Obligé. Godard s’était bien mais ça faisait dormir et puis va emmener ta dernière copine voir les Charlots font l’Espagne ou la Grande Vadrouille. C’est le râteau garanti. On n’est pas forcément sérieux quand on a dix-sept ans, et quand on en a vingt, il y a que les boutons qui désertent. Et encore… Donc j’avais aimé La Salamandre et Jonas qui aura Vingt-Cinq en l’an 2000, No Man’s Land, Messidor nous avait saisi pendant les années de plomb. Et pis voilà, Jonas a eu vingt-cinq ans. La semaine dernière. En douce. Sans trop prévenir. Par la grâce d’un film fort et puissant : Jonas et Lila.
Tanner revisite les utopies en douce, il a quelques rides mais nous fait malicieusement une leçon de morale libertaire à en écraser notre chique. Oui la jeunesse a un grand avenir, mais qu’elle se démerde avec l’histoire, oui le cinéma a une fonction sociale, oui les histoires de cul même entre libertaires, ne sont pas tout a fait réglées, oui on peut bouffer des nouilles dans un squat en chantant très faux « le Temps des Cerises ».
On pouvait craindre un film militant, Tanner nous livre un film pédagogique, antiraciste, tolérant (ah ce flambeur au PMU !), toujours aussi moderne. À travers une Suisse aussi ennuyeuse et aussi propre qu’en 1979, ce bougre va finir par montrer à Jonas le chemin de la vie. Il passe par l’insolence, la dérision, le partage et la fraternité.
Bon anniversaire Jonas.
Jipé
Lecture
Increvables anarchistes, nº 7 : 1939-1945
De la résistance antifasciste aux luttes anticoloniales
Les six premiers volumes de cette série des increvables anarchistes étaient passionnants. Mais, les faits et les personnages évoqués étaient déjà largement connus. Avec ce nº 7 qui recouvre la période de la deuxième guerre mondiale et qui évoque la problématique d’une résistance antifasciste menant aux luttes anticoloniales, il en va tout autrement.
Après la défaite de la plus grande révolution sociale de tous les temps en Espagne le mouvement libertaire était, en effet, en haillons. Coincés entre l’enclume fasciste et le marteau stalinien, et entre la peste totalitaire des fascismes bruns et rouges et le choléra de la démocratie bourgeoise. Sans rapport de force aucun, fallait-il chevaucher l’âne d’un pacifisme bêlant offrant des poitrines nues aux chars ou le cheval borgne d’une lutte antifasciste made in pâté d’alouette (un cheval bourgeois, un bœuf stalinien et une alouette anar) ?
Cette brochure nous raconte tout cela. Le devoir de pacifisme et d’internationalisme. L’évidence de l’urgence antifasciste. La nécessité de conjuguer les deux au temps de la révolution sociale libertaire. Elle nous raconte également la réorganisation do la FA après le désastre généré par un quarteron d’adeptes (pour cause de soi disant réalisme) de marxisme libertaire. Elle nous raconte, enfin, les débats traversant le mouvement anarchiste par rapport aux luttes de libération nationale qui commençaient à émerger en Indochine et en Algérie. Là encore, sans rapport de force aucun, fallait-il…
Lisez cette brochure. Elle ne claque au vent d’aucun grand fait d’armes (même si…) Elle ne véhicule aucun grand mythe Aucun héros (encore que…). Elle est toute de gravité, d’humilité, de pragmatisme, d’anonymats et… d’intelligence politique. Elle vous aidera à mieux comprendre pourquoi nous sommes increvables et pourquoi cet autre futur que nous avons dans le cœur demeurera à jamais tatoué volonté d’un autre présent. Merci au groupe Louise Michel pour son travail de mémoire et à Roger Noël, dit Babar, pour la plus qu’agréable mise en forme de ces textes.
Maylis O’Brian
Increvables anarchistes, nº 7 : 1939-1945. chèque à l’ordre de Publico, rajoutez 6 FF pour le port, à adresser la Librairie du Monde libertaire, 145 rue Amelot, 75011 Paris.
Répression contre un antifasciste
Le 14 février 1998 avait lieu à Reims une manifestation contre la venue de Bruno Mégret du Front national. À l’issue de cette manifestation, une soixantaine de personnes est restée durant trois heures à proximité de la salle Goulin, où se tenait le meeting du nº 2 du FN. Ce rassemblement se voulait pacifique et faisait face à environ 250 gendarmes mobiles. Or, vers 22 h 30, au moment où les premiers militants du FN quittaient la salle, les passagers d’une voiture non identifiée ont pris violemment à parti des manifestants isolés ; Jean-Noël a été nommément menacé, une autre manifestante matraquée. Devant l’arrivée d’autres personnes, ceux ci ont pris la fuite, tout en tentant, à deux reprises d’écraser les personnes qui se trouvaient face à eux.
Le 6 mars 1998, Jean-Noël s’est retrouvé convoqué par la police pour « affaire vous concernant ». Il a passé 24 heures en garde à vue et ceux parmi nous qui l’avaient accompagné ont été virés du commissariat avec menaces de la part du commissaire principal de Reims. Il s’est vu mettre en examen pour « dégradation volontaire de véhicule de police ». C’est ainsi que nous avons compris que l’altercation du 14 février 98 s’était produite contre des officiers des renseignements généraux et non des membres du FN comme nous l’avions pensé au départ.
Juin 1998 : Dans son ordonnance de jugement, le juge Creton par ailleurs juge d’instruction, indique : « Il est à noter qu’à aucun moment, les occupants du véhicule n’ont informé les manifestants de leur qualité de policier »… ; « Sur le fond : Attendu qu’il ressort des pièces de la procédure, et des débats, que seuls les lieutenants Rosso et Messien, qui ont eu un comportement pour le moins incompréhensible […] en conséquence il existe un doute sérieux quant à l’auteur des faits objet de la procédure qu’en conséquence Jean-Noël Destrehem doit être relaxé et les parties civiles déboutées de fait de leurs demandes, fins et conclusions »…
Le juge Creton remarquera également les contradictions dans les dépositions des deux lieutenants et de la stagiaire des RG. Au cours de l’audience de jugement le substitut du procureur de la république s’en était remis au juge Creton en ne demandant pas de peine ! L’avocat des lieutenants des RG qui plaida en l’absence de ses clients fut consternant dans son silence ! En coulisse, à l’issue du procès, le substitut Auger indiquait que pour ce qui le concernait, il ne ferait point appel pour les deux RG. Il s’étonnait également de leur absence ! C’est le procureur en chef Dintroz qui suivra l’appel formulé par les RG, en l’absence du substitut, mais, dit-on, le parquet est indivisible.
3 mars 1999 : les flics mécontents du résultat font donc appel, près de 80 personnes se rassemblent pour soutenir Jean-Noël. le réquisitoire du procureur sera impitoyable, le juge a déjà un avis sur le dossier puisque sa femme est commissaire de police à Nancy.
31 mars 99 : Verdict pour Jean-Noêl — 3 mois ferme + 5 mois avec sursis — 30 000 FF de frais (amendes, parties civiles, réparations) — 3 ans de mise à l’épreuve — 1 an de suspension des droits civiques, civils et familiaux. Jean Noël étant prévenu libre (il avait été relaxé en première instance), il n’a pas été emprisonné. Il se pourvoit en cassation.
Décembre 1999 : Alors que les dossiers présentés devant la Cour de cassation mettent en général au minimum 1 an avant d’être examinés, Jean-Noël apprend quelques jours avant l’audience que son recours sera examiné en décembre. En une dizaine de minutes, l’affaire est réglée. Quelques jours après, il apprendra que son recours est rejeté. Jean-Noël attend maintenant les décisions que vont prendre le procureur de la Cour d’appel de Reims et le juge d’application des peines. Il a décidé de porter l’affaire devant la Cour européenne.
Cette condamnation très lourde n’est pas la première ni hélas la dernière dans ce genre d’affaire opposant la police à des militants. Face à cette condamnation, ce dénis de justice, nous appelons toutes celles et tous ceux à montrer leur ferme opposition à ce genre de pratique de l’État par les moyens qui sont à leur disposition (presse, fax, médias, Internet) et à soutenir Jean Noël.
Organisation Communiste Libertaire c/o Egrégore BP 1213, 51058 Reims Cedex.
e-mail : lechatnoir@post.club-intemet.fr
Solidarité avec le Venezuela
Nous nous sommes aperçus que les camarades de la Commission des Relations Anarchistes (CRA) du Vénézuela ont lancé des activités visant à collecter des fonds en solidarité aux victimes de la terrible catastrophe qui les a frappées le mois dernier. Nous nous sommes proposés de faire la même chose dans notre groupe.
Pour l’instant, nous avons programmé un repas le 29 janvier que l’Athénée Libertaire Alborada organisera et nous pensons pouvoir en réaliser un autre à Villaverde. De plus, nous souhaitons sensibiliser d’autres groupes à la solidarité avec les camarades vénézuéliens et les motiver… Nous vous envoyons donc ce message pour que vous le fassiez parvenir aux différentes sections fédérées. De la même façon, nous le ferons parvenir au comité péninsulaire de la FA ibérique en vue de sa diffusion aux groupes de la péninsule.
Salutations solidaires, santé et anarchie !
Groupe anarchiste Albatros — FAI Madrid
Marée noire : les sans-papiers solidaires
[ article à retrouver ]
Marche de l’indignation du 15 janvier
La marche Batz-Le Croisic qui a rassemblé quelque 5000 personnes a été une occasion de rencontre entre les collectifs « Marée noire » du littoral. Ils se sont décidés à joindre leurs forces pour appeler à une manifestation qui aura lieu le 5 février à Nantes. La détermination de la population à exprimer sa colère est le meilleur garant d’un changement. D’ailleurs le Parlement européen avait invité une porte parole à venir exprimer nos revendications à Strasbourg. Nous ne sommes absolument pas dupes de l’intérêt subi des députés pour le collectif de Vannes. Il apparaît néanmoins clairement que la mobilisation sur le terrain est à ce jour la meilleure manière pour faire appliquer ce qui aurait du l’être depuis belle lurette. La rue reste une arme sure, pour autant qu’elle soit massive.
Bruno. —groupe René Lochu
Le comité de rédaction vous livre tel quel ce message parce que cette initiative nous semble pertinente et propice à être étendue. Nous essaierons d’avoir des informations plus complètes sur l’activité de nos camarades vénézueliens le plus rapidement possible.