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articles du ML1202

du 20 au 26 avril 2000
Le lundi 20 mars 2000.

https://web.archive.org/web/20031229200629/http://federation-anarchiste.org/ml/numeros/1202/index.html

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Sortir du nucléaire, c’est possible !

Le choix du « tout nucléaire » fait par la France il y a 40 ans environ est un choix qui se révèle catastrophique. Ce choix est une prise de risque sur la santé publique en cas d’accident. Tchernobyl, dans son type de centrale, n’a fait que rajouter à l’évidence que l’erreur était humaine et parfois non mesurable en conséquence.

Ce choix a été un pari, qui est à ce jour perdu, de la capacité des chercheurs de l’atome à trouver la solution au recyclage des déchets radioactifs. Le sort de Creys-Malville montre une des impasses. L’efficacité des usines de retraitement du type La Hague se révèle insuffisante à produire des déchets sans danger.

Ce choix se révèle de plus en plus coûteux économiquement. Les évaluations de rentabilité des centrales n’ont jamais pris en compte les coûts de neutralisation et de démolition de la centrale au terme de sa vie, échéance toujours repoussée plus loin pour ne pas aggraver le peu de rentabilité de cette technologie.

Si 80 % de la production française d’électricité est d’origine nucléaire, ce n’est que 15 % de l’énergie utilisée par les consommateurs qui vient de cette même source. C’est 72 % de la consommation d’électricité, le reste de la production étant exporté. Le nucléaire a drainé toutes les subventions de recherche sur les autres sources d’énergie, laissant la recherche et le développement français à la traîne dans ce domaine. Des recherches et des avancées importantes ont eu lieu ces dernières années sur les sources « alternatives » d’énergie.

Qu’attend la France pour sortir du nucléaire ?

La Grande Bretagne a gelé tout développement de programme.

La Belgique ferme ses réacteurs nucléaires au fur et à mesure de leur vieillissement.

En Irlande, malgré une décision de construction en 1974, aucune centrale n’a vu le jour.

En Suisse, le Conseil Fédéral a décidé en 1998 d’abandonner progressivement le nucléaire.

Au Portugal, les plans prévus dès 1971 furent définitivement abandonnés en 1975.

En Espagne, aucune centrale en construction ou en projet depuis 1981.

En Italie, après Tchernobyl, les 4 réacteurs en fonction furent fermés. L’abandon définitif du nucléaire fut prononcé en 1988 après référendum.

En Grèce, les différents plans de construction prévus n’ont jamais été menés. En 1982, le gouvernement a décidé qu’aucun réacteur nucléaire ne serait construit.

Le Luxembourg n’a pas de réacteurs nucléaires.

L’Allemagne ferme 19 centrales d’après les prévisions du contrat de gouvernement SPD-Grünen.
Au Danemark, les 5 réacteurs nucléaires prévus en 1976 n’ont jamais vu le jour. En 1985, le gouvernement a pris définitivement position contre l’énergie nucléaire.

La Suède, qui comptait 12 réacteurs nucléaires, a décidé en 1997 la fermeture progressive de l’ensemble de ceux-ci.

En Norvège, les plans de construction prévus furent définitivement abandonnés en 1986.

L’Autriche abandonne le nucléaire après référendum en 1978. La seule centrale du pays, construite, n’a jamais fonctionné.

Au Pays-Bas, le dernier réacteur nucléaire en activité devrait être arrêté d’ici 2003.

Et aux États-Unis, aucune centrale nucléaire n’a été commandée depuis 26 ans. Les canadiens ont décidé en 1997, suite à différents incidents, la fermeture de 7 centrales.

Ces pays ne se lancent pas dans l’exportation d’électricité, ni ne fonctionnent en surcapacité. Ils ont construit immédiatement des centrales thermiques peu polluantes et économes ; ceux qui ont fait le choix d’une sortie très rapide du nucléaire ont fait fonctionner au maximum les installations thermiques existantes. Ils ont développé les économies d’énergie avec toujours le souci de l’efficacité énergétique. Ils développent toujours et encore les énergies renouvelables.

Développement des énergies alternatives au nucléaire !

Le souci de l’efficacité énergétique passe par la cogénération qui consiste dans la récupération des énergies perdues pour la production même et lors du transport de l’énergie. Le champ des énergies renouvelables est riche de possibilités. Et ce d’autant que d’autres pays ont largement fait évoluer les technologies.

L’énergie hydraulique représente à ce jour 13 % de la production d’électricité en France. 90 % des disponibilités françaises sont utilisés, mais c’est seulement 1/6e au niveau mondial.

L’énergie éolienne se révèle un gisement supérieur à la consommation électrique. Les technologies d’avenir seront développées avec des éoliennes off-shore. Le coût du KWh éolien est maintenant équivalent, voire inférieur, au coût du KWh nucléaire si tous les coûts étaient pris en compte. Fin 1998, en puissance installée, la France produisait 15 MW, alors que l’Espagne était à 555 MW, le Danemark à 1 200 MW et l’Allemagne à 3 000 MW.

Le solaire thermique consiste dans la production d’eau chaude et de chauffage pour les besoins de la maison.

Le solaire photovoltaïque consiste dans la transformation de la lumière en électricité grâce à des capteurs solaires. Ces technologies nécessitent de passer à une phase d’industrialisation pour arriver à des coûts acceptables par tous.

Le bois pour le chauffage est une solution en complément, à condition de respecter les rythmes de reproduction de la ressource, c’est-à-dire la forêt.

Le Biogaz, c’est la production de méthane par toute matière organique soumise à la fermentation en vase clos, à l’abri de l’air. En France, pourraient être installés 50 à 100 000 sites de fermentation qui produiraient en moyenne 10 m3/h soit 50 Wh. A ce jour il existe moins de 10 installations. Des recherches sont aussi à continuer du côté des bio-carburants.

Les syndicats d’EDF doivent sortir du nucléaire !

On le voit, nous avons la possibilité de ne pas être enfermés dans le tunnel du nucléaire. Choix que nous impose EDF et les divers gouvernements qui se sont succédés, gauche plurielle incluse. Nous devrons nous poser la question de savoir si EDF joue vraiment son rôle de service public. Nous devons ici interpeller les travailleurs d’EDF, au nom des risques qu’ils prennent eux-mêmes et de ceux qu’EDF nous fait prendre, pour qu’ils s’associent aux différents mouvements qui réclament toutes les informations. Ils devraient mettre leurs compétences au service d’une réflexion la plus large sur les alternatives au nucléaire. Nous ne pouvons que constater sur ce sujet combien l’attitude des organisations syndicales, au moins les majoritaires, consiste à aligner leur discours énergétique sur les choix et les discours de l’entreprise. Ce n’est pas comme cela que l’on défend le service public, on ne le défend pas contre le public. Nous avons la responsabilité d’orienter la politique énergétique dans le choix de la diversification et des énergies renouvelables.

Philippe Arnaud. — groupe Emma Goldman (Bordeaux)


Centrale de Braud et Saint-Louis

Quand les antinucléaires redorent l’image de la ville

Pendant la tempête du 27 décembre 1999, un incident s’est produit à la centrale du Blayais en Gironde. Quelques semaines après, l’information sur un incident de niveau 2 sur une échelle de 7 (= Tchernobyl) a finalement filtré. Que s’est-il passé ? Nous ne le savons pas vraiment, mais les réacteurs ont été arrêtés, certains pendant trois mois. L’eau de la Gironde a passé les digues et a noyé les réacteurs, les systèmes de refroidissement. À la suite de cet événement, une association s’est créée et a pris le nom de TchernoBlaye, pour montrer la menace du risque majeur.

La centrale se situe sur la commune de Braud-et-Saint-Louis en bord de Gironde au nord de Blaye. Elle a été ouverte vers 1975. Avec le temps, la centrale de Braud-et-Saint-Louis est devenue le centre de production d’énergie nucléaire (CPEN) du Blayais. Il faut dire que le président du Conseil général de la Gironde, monsieur Philippe Madrelle, est le frère du maire de Blaye, monsieur Bernard Madrelle.

La campagne lancée par le collectif girondin pour la sortie du nucléaire, en association avec la Coordination Stop Golfech et le Collectif antinucléaire toulousain et le soutien du réseau national « Sortir du nucléaire » avait pris l’expression Tcherno… Blaye comme référent pour la campagne demandant la fermeture de la centrale du Blayais au moins au nom du principe de précaution. Cela n’eut pas le bonheur de plaire au maire de Blaye. Celui-ci porta plainte auprès du juge des référés le 6 avril dernier, car il estimait que ce nom nuisait à l’image de sa ville.

Rappelant que des milliers d’affiches et de tracts portant le terme TchernoBlaye ont d’ores et déjà été diffusés avant la manifestation nationale pour la sortie du nucléaire du 23 avril, le magistrat a estimé que si dommage il y avait pour la ville de Blaye, celui-ci était déjà « consommé » et qu’il ne revêtait donc pas un caractère « imminent ». Pour le magistrat, seul un jugement sur le fond pourrait donc réparer un éventuel dommage causé à la ville de Blaye, via des dommages et intérêts.

Liberté d’expression

Pour Me Michel Touzet, avocat de Stéphane Lhomme, le président de l’association TchernoBlaye, la décision rendue est « tout à fait intéressante ». « J’avais soulevé des petits moyens de procédure tendant à invalider l’assignation. Je suis heureux que le juge des référés les ait écartés. Ainsi le débat de fond a pu se développer. Et le président n’a pas fui ses responsabilités, puisque, après avoir écarté ces moyens de procédure, il a plongé sur le fond en disant qu’au nom de la liberté d’expression il n’est pas question de vouloir interdire à quiconque d’utiliser le nom de TchernoBlaye. Je vois dans cette décision un rempart pour la liberté d’expression qui va au-delà de l’événement immédiat. »

Ajoutons que la décision rendue peut être frappée d’appel, mais que celui-ci n’est pas suspensif. La ville de Blaye a encore le recours d’engager le fer sur le fond. Mais on n’en est pas encore là, et Jacques Ransinan, adjoint au maire de Blaye, M. Bernard Madrelle, précisait à l’issue de l’audience qu’il allait rendre compte aux élus municipaux, et que « très tranquillement » le Conseil municipal prendrait position sur une éventuelle poursuite de l’action judiciaire. « Les antinucléaires ont leur place dans le débat public », a-t-il ajouté, regrettant seulement que la publicité faite autour de TchernoBlaye « crée un amalgame avec Tchernobyl du plus mauvais goût ».

Notons qu’avec l’association, la personne physique du président de TchernoBlaye était assignée à comparaitre. En effet, pour la ville, il y avait confusion dans les expressions publiques entre la personne du président et le rôle de président et elle estimait qu’il parlait fréquemment en son nom propre.

Si l’on peut être satisfait de voir la ville déboutée, on voit ici les inconvénients de la personnalisation de certaines luttes. Le juge a en effet jugé recevable la plainte contre la personne physique, il a par contre rejeté l’usage du référé sur ce terrain des libertés publiques.

Philippe Arnaud. — groupe Emma Goldman (Bordeaux)


Mobilisation importante contre les déchets nucléaires

Forte mobilisation puisque plus de 10 000 personnes se sont donnés rendez-vous le 15 avril à Quintin (22). Depuis que la recherche d’un nouveau site d’enfouissement a été annoncée, la mobilisation se construit et prend de l’ampleur. Il y a quelques semaines, des personnes connues pour leur appartenance à des comités locaux reçurent par les renseignements généraux l’information suivante : « la mission Granit annule son périlleux périple ». Mais les hauts fonctionnaires au service du lobby nucléaire ne faisaient que reculer : depuis on a appris que ce n’était qu’un report… Une rumeur court : « la mission recevrait les élus locaux à Paris. » Et ce n’est pas aux libertaires que l’on apprendra qu’il faut toujours se méfier d’un-e- élu-e- car sans mandat et non révocable. Et avec des pressions politiques et financières…

Quoi qu’il en soit, une dynamique est lancée. De multiples collectifs se créent localement dans une démarche globale sans se mettre en concurrence : pas de site chez nous, ni ailleurs. À noter que lors de cette manifestation des personnes venaient de toute la Bretagne mais aussi de l’Orne, du Gard ou de Mayenne… Dans les collectifs locaux les questions politiques se posent. Étions-nous contre l’enfouissement des déchets ou plus logiquement contre tous les programmes nucléaires. Un petit « contre le nucléaire » apparaissait sur l’affiche de la manifestation. L’action des libertaire tant au niveau des rassemblements qu’au sein de certains collectifs locaux a entre autres pour objectif de pousser le questionnement plus loin : s’opposer au nucléaire nécessite aussi d’interroger nos modes de production et de consommation. La présence d’un cortège libertaire de 500 personnes était aussi nécessaire pour dénoncer certaines démissions et récupérations politiques : « Des Verts pas clairs, Voynet a signé » jusqu’à la présence des MJS (jeunesse du Parti socialiste). Il faut dire que les élections municipales approchent et les soutiens arrivent de très loin : de conseillers généraux RPR et UDF au MJS qui dans un communiqué n’hésite pas à dire que « la sortie du nucléaire est un objectif primordial ». Les socialistes, sous notre pression, ont dû quitter le cortège car non seulement le PS/MJS est responsable mais coupable d’avoir gérer depuis 20 ans la politique énergétique française sans rien changer.

Union Régionale Bretagne de la FA.

Des manifestations importantes ont eus lieu, toujours le 15 avril, à Lascaux (Dordogne) et Glénat (Cantal) pour le même motif (projets locaux d’enfouissement de déchets nucléaires). À noter : le 21 avril, un festnoz antinucléaire à Plouaret (22).


Limousin : les déchets ni ici ni ailleurs !

Nous dénonçons :
• Cogéma et l’État qui, par leurs multiples projets de stockage de déchets radioactifs, relèguent toujours plus le Limousin au rang de poubelle nucléaire.
• La plupart des élus qui ont le cynisme et l’irresponsabilité de continuer à être en faveur du nucléaire et demandent à ce qu’on se débarrasse des déchets radioactifs chez les autres ­ lorsqu’ils ne gardent pas un silence complice.
• L’irresponsabilité dans la gestion du lac de Saint-Pardoux, puisque rien de sérieux n’a été fait contre sa radioactivité.

En effet, ses boues radioactives ont été délibérément laissées sur le site et les causes de la pollution n’ont pas été traitées. Par l’écoulement des eaux traversant les sites de Cogéma, des matières radioactives continuent donc à s’accumuler dans ce lac qui fonctionne comme un bassin de décantation. Tout le monde le sait.

Le Conseil Général de la Haute-Vienne (propriétaire des lieux) doit donc expliquer aux citoyens pourquoi il refuse d’agir contre les causes de la pollution du lac, préférant utiliser l’argent public à l’édition de publicités mensongères vantant la prétendue « nature préservée » de Saint-Pardoux.
• Le refus, par ceux qui en ont les moyens, de financer une étude visant à recenser de façon exhaustive les sites de la région pollués par la radioactivité et de mener une étude épidémiologique.
Le jour où seront officialisées les incidences de la pollution radioactive sur la santé de la population de la région, certains devront expliquer pourquoi ils ont choisi de bloquer toute étude sanitaire.
• Le scandale du radon. Que les « responsables » locaux expliquent pourquoi, selon eux, seuls des établissements scolaires seraient susceptibles d’être pollués par ce gaz radioactif et pourquoi ils ne cherchent pas à remonter aux sources de la pollution (comme, par exemple, l’utilisation de « stériles » de mines de Cogéma dans les constructions).

Alors que plusieurs établissements scolaires ont été reconnus pollués, pourquoi l’État et les collectivités n’ont-ils pas déjà procédé à un recensement de tous les bâtiments de la région susceptibles d’être contaminés par le radon ? Et pourquoi n’ont-ils pas déjà pris toutes les mesures nécessaires de protection des populations.

Nous informons aussi que nous allons intensifier notre campagne d’information, auprès des touristes et de la population, sur la situation que Cogéma et l’État imposent au Limousin ­ avec le soutien actif ou le silence complice de nombre d’élus locaux.

Rappelons, entre autres, que le site de stockage de déchets radioactifs de Bessines-sur-Gartempe se trouve à moins de 170 mètres du plus grand abattoir de la région. De plus, alors qu’il a été certifié que des pâturages du Limousin sont pollués par la radioactivité, nous nous interrogeons quant aux répercussions éventuelles sur la chaîne alimentaire.

Organisation anarchiste de Limoges


Religions : Les mystères de la « Nuit de l’énigme »

Nombreuses sont les opérations humanitaires qui se déroulent tout au long de l’année. Parce qu’elles s’appuient sur un a priori favorable largement partagé, elles ne soulèvent pas de curiosités. Pourtant, on serait bien naïf d’imaginer que le vocable « humanitaire » ne cache pas parfois des procédés et des objectifs pour le moins discutables.

Depuis 1998, « La nuit de l’énigme » a lieu dans plusieurs villes (1). Il s’agit d’un jeu dont le principe repose sur la résolution d’une énigme en une soirée, cette année le 13 mai. La participation se fait par équipes, qui concourent simultanément avec d’autres candidats de différentes villes. Les participants devront s’acquitter d’un droit d’inscription de 40 à 50 FF. Les prix gagnés proviendront d’entreprises qui seront partenaires de l’opération. Et pour démarcher ces « sponsors », un dossier de presse a été réalisé.

Fausse transparence…

Ce dossier de presse nous apprend donc que l’objet de cette « Nuit de l’énigme » est de financer un projet humanitaire, en l’occurrence l’aménagement d’un orphelinat en Roumanie, à Ottelul Rossu. Le dossier nous apprend qu’« une institution privée, soutenue par plusieurs associations » a permis la création d’un orphelinat. Suite à quoi, l’administration régionale aurait sollicité cette fondation, dont on ignore le nom et l’objet, pour lui confier la gestion d’un autre orphelinat de la ville. Celui-là même qui fait l’objet de l’attention des bénévoles humanitaires de la « Nuit de l’énigme » 2000.

Dans ce dossier, rien n’est laissé au hasard. On y trouve même la précision suivante : « la nuit de l’énigme n’est pas une association humanitaire à proprement parler. Elle ne réalise pas le projet pour lequel elle a été sollicitée. Elle se charge de collecter […] pour la réalisation du projet par l’association humanitaire partenaire. » Laquelle ? Là aussi, mystère…

… et vraie opacité

À y regarder de plus près, en effet, on se dit que certaines choses devraient être signalées dans ce dossier de presse adressé aux sponsors et aux futurs candidats, sans doute laissés aussi dans une certaine ignorance. Car il faut se reporter aux trois coupures de presse présentées à la fin du dossier pour apprendre que le « Secours adventiste » est à l’origine de l’association « FFS » qui organise l’opération humanitaire. « FFS », un sigle bien mystérieux qui signifie en fait « Fédération France sud », l’un des trois sièges régionaux de « l’Église adventiste du septième jour », basé à Clapiers, dans l’Hérault.

Dans le dossier de presse consulté, l’adresse indiquée sur l’autorisation de permis de stationnement (2) délivrée par la mairie de Nîmes (le stand de l’opération sera tenu sur une place publique dans cette ville) ne décline qu’un simple nom de particulier comme bénéficiaire du permis d’utiliser la voie publique le 13 mai au soir.

Vérification faite, lorsque l’on se rend à cette adresse, on trouve bien la boîte à lettres de la personne citée. Mais le domicile de ce particulier se trouve sur la même parcelle qu’un lieu de culte adventiste, le siège de l’association humanitaire « Élan », du secours adventiste, de l’« Association médico-sociale adventiste de langue française ». Le doute n’est plus permis.

Que cache l’Église adventiste ?

Cette « petite église », d’origine protestante et américaine, s’est fondée sur les visions des fondateurs que furent William Miller (mort en 1849), qui avait calculé le retour du Christ pour 1843, puis 1844, et Mrs Ellen White (morte en 1915). Selon eux, la Bible est la règle fondamentale de la foi et de la morale. Les justes ressusciteront avec le retour du Christ. Ils préconisent l’interdiction de l’alcool et du tabac tandis que le thé, le café et les « aliments impurs » de la Bible sont déconseillés.

Un ouvrage (3) les signalent comme millénaristes et fondant des œuvres de bienfaisance ou de lutte contre le tabac, comme « Le plan en cinq jours » de la Ligue Vie et santé qui a pignon sur rue et bénéficie d’une large soutien promotionnel : affichage dans les lieux publics, pharmacies, etc., par ignorance des options religieuses de cette association sans doute.

Cette Église, comme tous les mouvements religieux, est probablement intéressée par la multiplication de ses adeptes. Il est dès lors permis de s’interroger sur la véritable vocation de l’opération humanitaire « la nuit de l’énigme ». Pourquoi l’appartenance adventiste de l’association « FFS » n’est-elle pas clairement déclinée dans le dossier de presse ou sur le récépissé de la ville de Nîmes ? L’est-elle seulement aux futurs candidats ? Les fonds recueillis ainsi sont-ils gérés en Roumanie par une association elle aussi adventiste ? Quelle est cette association ?

L’école d’infirmières (4) et l’orphelinat sont-ils des institutions gérées selon les règles adventistes ? N’y a-t-il pas là mise en place du financement d’une implantation de mouvement religieux dans des pays où la terrible situation sanitaire et sociale facilite le recrutement d’ouailles sensibles à des attentions toujours bienveillantes puisqu’« humanitaires » ?

Quoi qu’il en soit, cet exemple permet de rappeler deux choses. La première, c’est que le vocable « humanitaire » doit aussi faire l’objet d’un regard critique et lucide sur ses inspirateurs et ses buts. La deuxième, c’est que les religions n’ont de cesse de se propager partout, et par des moyens innombrables. Qui donc a dit que la lutte de la raison contre les religions, toujours prosélytes et prêtes à imposer des modes de vie « inspirés », n’étaient plus d’actualité ?

Roger noir. — groupe Gard-Vaucluse de la FA.

(1) Cette année : Aix-en-Provence, Avignon, Grenoble, Haguenau, Lyon, Montpellier, Nîmes, Périgueux.
(2) Dont la copie est jointe au dossier de presse, comme pour valoriser le projet avec l’accréditation d’une installation au-dessus de tous soupçons.
(3) Les Nouvelles sectes de Alain Woodrow (Point, Seuil). À signaler que l’Église adventiste du septième jour n’est pas répertoriée dans le rapport Vivien sur les sectes.
(4) Qui a reçu des aides après l’édition 98 de la « Nuit de l’énigme ».


Faits d’hiver

Cocorico !

Il s’appelle Rococo. C’est un nègre soie. Comme tous ses congénères, il est plutôt du genre à avoir de la tchatche. Il la ramène un peu tôt le matin. Dans la journée, c’est pas vraiment le genre silencieux. Mais enfin, bon ! C’est un coq ! Et on peut quand même pas lui demander l’impossible ! Et puis un coq dans une HLM de La Rochelle, même si… ça a un petit côté sympa ! Ça rappelle la campagne. C’est de la vie… Ça change des pétarades de mobs… Ça renvoie à d’autres valeurs.

La voisine de Rococo n’est pas de cet avis. L’office public des HLM non plus ! La bestiole ferait du bruit. Et parce que nourrie au grain, elle attirerait les rongeurs, et donc… Et donc, courrier du président de l’office des HLM rappelant à la propriétaire de Rococo les termes du règlement et l’illégalité de sa situation !

On n’en est pas encore au procès en Assises ni à la guerre de sécession, mais c’est du kif ! Ma mère (alias mamy et ses célèbres confitures et conserves de haricots verts) n’en est pas plus étonnée que cela et commente l’événement d’un « comment voulez-vous qu’il y ait pas la guerre ». On lui pardonnera d’en avoir vécue une.

Des imbéciles à front bas qui n’en ont vécue aucune s’imaginent qu’une fois la propriété collective des moyens de production mise en œuvre une espèce de béatitude irradierait obligatoirement le monde.

Les uns et les autres ne devraient pas manquer de se réjouir de la victoire des pauvres amateurs de Calais sur les rupins des Girondins de Bordeaux. Car, putain, c’est bon de voir des pue-la-sueur se faire la peau de bourges en demi-finale de la coupe de France de foot. Et car c’est encore plus d’enfer que d’entendre les supporters de Calais entonner l’internationale !

De là à se la jouer cocorico tant que Rococo… On aimerait y croire !

Jean-Marc Raynaud


La lutte des étudiants sans-papiers de Toulouse

L’université s’accommode du racisme d’État

Le 29 mars 2000, la présidence de l’Université Toulouse le Mirail faisait appel aux CRS pour mettre fin à l’action du Collectif des étudiants sans-papiers. Depuis 5 heures, ceux-ci retenaient dans la salle du conseil trois Inspecteurs Généraux de l’Administration de l’Éducation nationale. Cette action s’inscrit dans une lutte menée depuis plusieurs semaines dans un silence assez assourdissant. Elle s’apparente aux luttes menées par les collectifs de l’Université de Lille III (IEP) et de Paris VIII. Les trois collectifs sont d’ailleurs en contact pour coordonner leurs actions. La réponse répressive des présidents ou directeurs d’établissements de l’enseignement supérieur est un autre trait commun des actions de Toulouse, Lille et Paris. Dans les trois cas, ces autorités ont choisi de criminaliser l’action d’étudiants qui ne visaient qu’à défendre des valeurs ­ le droit d’étudier pour tous, la diffusion de la culture et des savoirs ­ qui sont au principe de l’université en France. (Comme, il est vrai, la liberté, l’égalité et la fraternité sont au principe de l’École républicaine, c’est-à-dire que des principes aux faits, il y a un abîme).

Faire entrer les CRS au sein des établissements universitaires n’a guère dû se produire en France depuis 1968. D’ailleurs, même aux heures les plus chaudes de mai, le président de l’Université de Toulouse le Mirail n’avait pas voulu appeler les CRS. Les faits invoqués par les directeurs d’établissements pour réprimer l’action des collectifs n’ayant aucun caractère tragique, d’urgence absolue, de mise en péril de quoi que ce soit, on peut se demander pourquoi ces mesures exceptionnelles. La première raison sans doute tient à la banalisation de plus en plus grande de l’intervention des CRS pour « régler » des mouvements sociaux. On n’imagine pas que les présidents des Universités de Toulouse 2, Lille III ou Paris VIII se sont passés le mot ou qu’ils ont reçu des consignes de fermeté de la part du ministère de l’intérieur. Mais on comprend très bien que n’importe quel chef d’entreprise ou responsable d’institution se sente aujourd’hui autorisé à commander sa petite intervention républicainement musclée. Les autres le font, pourquoi pas moi ?

La seconde raison tient à la totale dépolitisation, à la perte de conscience morale de ce corps professionnel des enseignants-chercheurs de l’enseignement supérieur. Voilà maintenant six mois que le Collectif de Toulouse a commencé ses actions : manifestations en ville, devant ou dans la Préfecture, délégations, occupation du siège départemental du Parti socialiste (tiens, ils n’ont pas encore changé de nom ? !), actions de sensibilisation sur le Campus. L’implication des profs est nulle, leur absence aux AG flagrante. Autrefois repère de marxistes, l’Université cultive désormais le relativisme moral : effectivement, cette histoire de sans-papiers est bien gênante, mais l’ouverture des frontières, le respect de la loi républicaine, la nécessité de distinguer les cas, de ne pas faire d’amalgames, tout cela est bien compliqué. (Avec ce petit air de supériorité du mandarin à l’étudiant : vous verrez (quand vous saurez), les choses ne sont pas si simples.) Il ne faut pas pousser beaucoup tel prof qui déclare son soutien à la cause des sans-papiers pour qu’il vous assène qu’« on ne peut tout de même pas accueillir toute la misère du monde » (sic).

Quelques jours avant de faire appel aux CRS, le président de l’Université Toulouse le Mirail manifestait officiellement son soutien au Collectif. Mais, comme il l’indiquait par la suite, « le campus ne peut devenir le sanctuaire de l’impunité » (on aura reconnu la rhétorique citoyenne). Un certain nombre de membres de la présidence le proclamaient également avec emphase : il y a une loi, c’est la loi républicaine et l’on ne peut agir que dans le cadre de la loi républicaine… On imagine très bien ces individus faisant appliquer n’importe quelle loi pourvu qu’elle soit labellisée « républicaine ».

C’est donc sous la pression de l’indifférence que le Collectif radicalise ses actions. Une semaine après l’intervention des CRS (qui, filmés par des étudiants et encadrés d’enseignants ont dû se limiter aux classiques déclarations d’affection aux « bicots » et aux « chevelus »), le Collectif organisait une soirée de soutien aux étudiants sans-papiers sur le campus. Depuis le 6 avril, une trentaine d’étudiants occupent un amphi, de nuit comme de jour. Face à cette occupation, la présidence de l’Université montre son vrai visage et dénonce maintenant clairement les actions menées, rejette le Collectif pour ne plus dialoguer qu’avec les représentants de syndicats étudiants.

Le Collectif est constitué d’étudiants sans-papiers (cinq), d’étudiants non syndiqués, de quelques JRE (Jeunes contre le racisme en Europe, mouvement trotskiste au niveau national mais, paraît-il, autonome sur Toulouse), de SCALP et de membres des syndicats SUD-Etudiant et AGET-SE. Si les SUD sont connus, l’AGET-SE l’est peut-être moins puisque ce syndicat est issu d’une scission récente avec l’AGET-UNEF dès lors que ces derniers se sont rapprochés de l’UNEF-ID, ont abandonné la référence au syndicalisme de lutte et ont accepté le plan Allègre dit U3M. Alors que des élections de représentants étudiants ont lieu, les étudiants de l’AGET-SE affichent : « si nous ne faisons pas de campagne électorale (iste) c’est que notre conception du syndicalisme nous fait privilégier les luttes actuelles aux élections ».

Présents au tout début du Collectif, les étudiants de l’UNEF-ID se sont rapidement fait sortir à la fois pour des raisons de forme de l’action (manifester son soutien oui mais sans déranger et en faisant confiance aux institutions démocratiques) et de fond (difficile de parler de racisme d’État à un membre des JS).

Que demande ce collectif ? Bien peu de choses à vrai dire, mais à l’heure des lois Chevènement, du racisme d’État qui contraint des milliers de personnes à vivre dans la clandestinité, qui entrevoit dans tout étranger non-européen un terroriste islamiste, un sauvageon ou un représentant de « toute la misère du monde », il semble que ce soit un privilège extraordinaire : le droit d’étudier sans se cacher et, pour ce faire, une carte de séjour d’un validité suffisante. En l’an 2000, cette nouvelle ère dont on nous a rabattu les oreilles, il faut se battre, se confronter aux CRS, occuper un amphi, y dormir, y manger, pour avoir l’insigne privilège de se rendre régulièrement à des cours, entendre disserter sur l’esprit critique, l’héritage des Lumières, le progrès social, le sens de la liberté… sans risquer de se faire arrêter !

François. — groupe Albert-Camus (Toulouse)


Solidarité avec un militant de Sud PTT

La Fédération anarchiste s’élève contre toute tentative d’intimidation ou de répression du mouvement social, à l’encontre des travailleurs et travailleuses en lutte comme des militant-e-s politiques.

Ce vendredi 14 avril, des gendarmes de la brigade de Rennes ont interpellé à son domicile un militant de SUD-PTT et l’ont placé en garde à vue, suite à une plainte de la direction de La Poste.

À l’occasion du passage aux 35 heures, la direction a voulu attaquer fortement les conditions de travail des postiers et postières. Elle tente maintenant de réprimer la révolte légitime que cela avait provoqué (16 jours de grève), sous prétexte d’entrave à la liberté du travail. C’est au droit de grève que la direction de ce service public s’attaque maintenant, prouvant, s’il en était besoin, qu’un gouvernement de « gauche » reste un gouvernement.

groupe La Commune (Rennes)


Crise de foi

Ô temps béni…

Le cardinal Pierre Eyt, archevêque de Bordeaux, a été interrogé par l’Express du 23 décembre 1999. A la question « est-il plus difficile d’être chrétien qu’autrefois ? » il répondit : « La responsabilité des chrétiens est beaucoup plus grande dans le passé, les lois elles-mêmes prétendaient relayer l’Évangile et sa vérité. D’une certaine façon, le fait d’obéir à ces lois suffisait à se présenter comme chrétien. Aujourd’hui, être chrétien relève d’un relatif anticonformisme moral, culturel et, s’il le faut, politique. Notre message se trouve à distance de ce qui est considéré comme une conduite habituelle dans la société contemporaine. » Quel est donc cette époque si bénie où « les lois elles-mêmes prétendaient relayer l’Évangile et sa vérité », que regrette le cardinal ? Sans doute celle des rois ou de Pétain, ou à l’époque, il y avait une religion d’État qui détenait un sacré pouvoir, la sienne bien sûr.

Quelle belle époque, puisqu’on y chassait les juifs, les sorcières, les hérétiques, les sodomites au nom de l’Évangile… Ô temps béni… Quelle belle époque, puisque l’on censurait, on brûlait les ouvrages de ceux qui avaient le culot de parler de tolérance et de liberté d’opinion sur tout, y compris sur Dieu. En fuite ou en prison les Voltaire, les Diderot, les Montesquieu… Maintenant on étudie leurs ouvrages séditieux. Ô temps où l’on avait les pleins pouvoirs : tuer, enfermer, torturer au nom de Dieu. Temps béni où on pressurait le peuple par des impôts religieux, ce peuple que l’on maintenait dans la misère et l’ignorance. Car c’est l’ignorance qui faisait de la religion un pouvoir fort. Temps béni des bûchers purificateurs. Temps regretté que l’on veut réinstaurer y compris en investissant le politique. Ce n’est pas nouveau, mais à l’heure où la société, dans son ensemble évolue vers un peu plus de tolérance, hurler au nom de Dieu « les pédés au bûcher » n’est pas simplement de l’anticonformisme : c’est du fascisme.

Régis Boussières. — groupe Kronstadt (Lyon)


Libéralisme et prostitution

Contre le commerce des corps

Le corps des femmes n’est pas à vendre, pourtant il est bien souvent acheté. La prostitution est vieille comme nos sociétés et a encore de beaux jours devant elle, surtout si l’on regarde les changements qui se sont produits ces dernières années. Depuis la fin des années 80, les formes de prostitution ont évolué : beaucoup travaillent dans des salons de massages, des saunas, tandis qu’ont explosé les minitels et les téléphones roses. Pour l’exemple, une société de téléphone rose sur Lyon reçoit environ 4 000 ppels par semaine. Mais si les lieux changent, les prostituées aussi. Des réseaux se forment, passant par les anciens pays de l’Est et aboutissant principalement en Allemagne, aux Pays-Bas, en Autriche. Les jeunes filles arrivent munies de faux papiers en pensant trouver un emploi. Elles se retrouvent en appartement à recevoir des clients 12 heures par jour, sans papiers et sans argent. Si elles se font arrêter, au mieux, elles sont renvoyées chez elles avec interdiction de séjourner en Europe.

Le droit de se vendre

Face à cette situation, les dispositifs qu’ont mis en place les différents États européens semblent bien faibles. Mais ce qui semble bien faible surtout, c’est leur volonté de lutter contre l’asservissement sexuel des femmes. Dans plusieurs pays, l’Allemagne et les Pays-Bas, la prostitution est légalisée. La législation pousse alors à son paroxysme la logique libérale : tout est à vendre, le droit à la santé, au logement, bientôt l’éducation… Alors pourquoi pas la sexualité ? En Hollande, seule la « prostitution forcée » est interdite. Le proxénétisme est autorisé sous le doux nom de « managers ou intermédiaires », et la prostituée rebaptisée « professionnelle de la sexualité » (les épouses étant sans doute considérées comme des amatrices).

La prostitution forcée se distingue de la prostitution simple dans sa définition car elle s’accompagne de contraintes (viols, coups, chantages) tandis que l’autre découle d’un choix de la personne. La liberté sexuelle est détournée de son sens premier, au profit d’une marchandisation des corps. Dans cette logique, il faut défendre le droit de la personne à se prostituer librement, c’est-à-dire en gros, sans avoir un fusil sur la tempe, à avoir un mac qui la défend et des clients qui la paient. Les rapports de domination qui accompagnent cette situation sont zappés, il ne reste que l’aspect lucratif. Non, vraiment, on se fout de la gueule du monde et surtout de celle des femmes. Ces lois sont de nature complètement inhumaines et privilégient l’argent et la consommation au respect de l’individu. Certainement, à un moment, la personne doit choisir entre la peste et le choléra. Peut-on parler de libre choix quand beaucoup de prostituées sont toxicomanes, pour pouvoir tenir le coup, et ont besoin de ces rentrées d’argent rapides ? Peut-on parler de libre choix quand depuis l’enfance on apprend aux femmes la soumission aux désirs masculins ? Et où se trouve la différence dans les violences que les prostituées subissent régulièrement, par le seul fait qu’elles soient prostituées ? Et qui ira donc voir la différence entre une prostituée forcée et une autre ? La justice ?

Des lois pour faire beau ?

Depuis dix ans aussi, les peines à l’encontre des proxénètes et des trafiquants de femmes sont en diminution. Les lois ne sont pas là pour être appliquées et les moyens ne sont pas mis en place. En France, les peines ont diminué de moitié en moins de dix ans. En Hollande, le trafic de personnes est deux fois moins puni que le trafic de drogues dures, quand l’histoire ne finit pas par un non-lieu. Alors, bien sûr, on nous sort encore une grosse histoire de temps en temps, on fait appeler De Niro comme témoin pour faire croire à une lutte active, mais le dessous des cartes est bien moins rutilant. En 1995, à Pékin, à un niveau international, le terme « forcée » a été rajouté à prostitution. De même, le tourisme sexuel est autorisé si le crime reproché n’est pas punissable dans le pays où a lieu l’acte. Alors du moment qu’il a les moyens de se payer le billet d’avion, le client est roi.

Ces États partent du principe que la prostitution est une réalité et qu’on peut seulement limiter son « expansion ». Au vu de la misère économique qui se développe, ce vœu pieu semble illusoire, mais c’est surtout ce constat de départ qui fait frémir. La prostitution a beau être ancienne, elle n’est pas universelle, et il y a des sociétés qui ne la connaissent pas, comme elles ne connaissent pas le viol. Quant à ceux qui pensent que la légalisation limiterait les abus, l’exemple français à l’époque des maisons closes est là pour prouver le contraire, car cela n’empêcha ni les problèmes d’hygiène publique et de sécurité, ni les filières clandestines.

Le corps des femmes n’est pas un objet

La prostitution est liée à la misère sexuelle. S’il n’y avait pas de clients, il n’y aurait pas de prostituées. Le fait de la légiférer ne résout pas ce problème. Le viol n’a pas diminué en Allemagne, et la prolifération d’eros center et de salons de massage n’entraîne pas une diminution des violences sexuelles dans l’espace public, voire au contraire. Quand on réussit à parler à des clients, ce qui n’est pas évident, on s’aperçoit que ceux-ci vont voir des prostituées pour des actes qu’ils n’osent pas demander à leur épouse ou compagne. On s’aperçoit aussi que beaucoup de clients vont voir des transsexuels, des transgenders, ce qui interroge sur le refoulement de l’homosexualité. Payer intervient peut-être alors comme un facteur de déculpabilisation, puisque l’autre devient redevable. L’argent place l’homme, car les clients sont des hommes pour l’immense majorité, en situation de dominant. Il peut exiger, puisqu’il paie. La femme est l’objet consommé, et tant que cette image aura cours, la prostitution ne pourra pas disparaître.

Ces nouveaux textes qui veulent placer la prostitution sous la responsabilité de celles qui l’exercent en plaçant la distinction entre « forcée » ou non visent surtout à ouvrir de nouveaux marchés. En autorisant ainsi le commerce des corps et de la sexualité, de nouvelles perspectives se profilent à l’horizon des entrepreneurs. On ne peut pas parler du libre choix à se faire exploiter. Nous sommes nombreux à aller nous faire exploiter au travail sans être sous des menaces physiques, cela n’enlève rien au caractère coercitif du travail salarié en société capitaliste. S’il n’y avait pas les contraintes économiques, il y aurait sans doute moins d’individus qui vendraient des parties de leur corps et des « services » sexuels. Surtout, tant que les femmes seront considérées seulement comme des corps et non comme des individus à part entière, tant que chacun, chacune, ne pourra pas vivre sa sexualité sans contrainte, on ne pourra pas venir à bout de la prostitution.

Gaëlle. — groupe Durruti (Lyon)


chronique anarcha-féministe

La parité, pour qui ?

Longtemps et passionnément débattue, critiquée depuis le début par les féministes libertaires, la parité entre en application… Le 1er avril (fichtre ! Quelle poissonne !), à Tourcoing dans le Nord, l’association « Elles aussi, pour la parité dans les instances élues » appelait à un forum débat. Je ne résiste pas à l’envie de vous redonner le texte d’invitation : « Femmes, nous sommes commerçantes, médecins, agricultrices, informaticiennes, pilotes, employées, militantes, enseignantes, architectes, responsables d’association, mères, maires et grands-mères… Pourquoi pas conseillères municipales », Femme/homme, la parité. Femmes/femmes, la parité à deux vitesses et fini la solidarité !

Parité pour celles qui veulent entrer dans l’arène politique des hommes, d’après leurs lois et pour les mêmes résultats : faire carrière, s’assurer un salaire d’élue et prendre des décisions pour les autres, sans concertations ni débats. Lutte sociale, collective et solidaire, à la maison, dans la rue et au travail pour toutes les secrétaires, femmes de ménage, chômeuses, non-mères, infirmières, femmes étrangères, coiffeuses,… et toutes celles qui réclament un réel rapport égalitaire avec les hommes !

Annie


Halte au racket des huissiers !

Occupation d’une étude d’huissiers par des chômeurs

Jeudi 13 avril, vers 17 heures, le Mouvement des chômeurs, chômeuses et précaires de Rennes a occupé une étude d’huissiers. Une vingtaine de personnes ont investi les locaux pendant qu’une banderolle était déployée sur le trottoir et que des tracts étaient distribués aux passants. Le Mouvement dénonce ainsi les pratiques inadmissibles (menaces, pressions, humiliations…) de ces « détrousseurs des pauvres au profit d’entreprises publiques comme privées ». Ces dernières réalisent d’énormes bénéfices et utilisent des lois faites pour elles pour en appeler aux huissiers et à leurs gros bras afin de mieux racketter les pauvres !

Des débiteurs précaires (RMIstes, parents isolés…) de créanciers comme France Télécom, la Société Générale, CIO, et autres banques… ont contacté le Mouvement et se sont plaints de saisies de mobiliers (notamment dans les chambres d’enfants) et de saisies de revenus pourtant insaisissables (allocations de solidarité, RMI…). On voit qu’ils n’hésitent pas non plus à enfreindre la loi (contre l’exclusion, en l’occurrence) quand elle ne les sert pas ! En toute logique, les banquiers ne se préoccupent pas non plus de savoir, quand un huissier veut saisir sur un compte, s’il reste aux victimes de quoi survivre.

Les huissiers, contactés par la presse, n’ont piteusement pas souhaité répondre à ses questions. Ayant attiré l’attention sur ces injustices, le Mouvement a quitté les lieux vers 19 heures, en présence de nombreux policiers.

Claude, MCCPR et groupe La Commune de la FA.


Les activités antimilitaristes des anarchistes moscovites

Une énorme propagande antiterroriste n’est pas parvenue à déclencher un consensus parmi la population russe sur la nécessité d’un « nettoyage » ethnique en Tchétchénie. Mais elle a en fait rassemblé une large majorité, le fort sentiment antimilitariste qui avait prévalu au cours de la première guerre en Tchétchénie ayant disparu comme jamais auparavant.

La guerre en image

Un changement radical de l’opinion publique russe montre que la rhétorique antiterroriste est l’un des meilleurs outils de la classe dirigeante. Un autre outil tout aussi important a été la banalisation de la situation et peu nombreux sont ceux à avoir de la famille sur le front et encore moins nombreux à avoir des morts ou des blessés. La guerre n’est qu’un show télévisé éloigné : au lieu d’être considérée comme une stupidité humaine, elle tend à démontrer au peuple que la Russie a enfin un leader fort.

Poutine a réussi à créer un état d’esprit à la Orwell où « la guerre est synonyme de paix et la paix synonyme de guerre », « la vérité est le mensonge et le mensonge est la vérité ». Les moscovites peuvent s’apercevoir de ce changement du fait d’immenses panneaux sur les autoroutes qui leur rappellent les numéros de téléphone de la police et du FSB (ex-KGB) qui sont une véritable machine à diffuser la propagande et que les anarchistes ont pris pour cible en organisant plusieurs actions. Comme celle du 19 mars, où les membres du comité contre la guerre ­ composé de différentes ONG et d’anarchistes ­ ont brandi une « bombe de la paix » de 2,50 mètres de haut décorée de slogans orwelliens. Cette bombe a dénoncé Poutine comme voulant se faire passer pour la seule alternative au terrorisme.

D’autres ont aussi attaqué les principaux médias au cours d’une manifestation organisée par « Soyouz 2000 » et « Nouvelle gauche » qui appelait au boycott des élections. Des équipes de télévision y ont été la cible des manifestants. Aucune voix dans les médias ne s’élevait contre la guerre avant que le reporter Andreï Babitsky ne fut enlevé. Ce n’est que lorsque l’ont apprit que les responsables russes étaient à l’origine de son enlèvement et des tortures qu’il avait subies qu’un groupe de journalistes réagit et édita un article dénonçant l’affaire et la censure dont ils étaient victimes dans l’exercice de leur profession.

De nombreux groupes ont organisé des actions contre la guerre (anarchistes, antifascistes, trotskistes…) dans toute la Russie. Si des groupes staliniens se sont opposés à la guerre, ils n’ont organisé aucune manifestation. Les mères de soldats ont été quasiment absentes des rues de Moscou, peut-être parce qu’elles étaient démoralisées et n’étaient pas soutenues par l’opinion publique. Cependant elles fournissent de l’aide aux conscrits et diffusent les nouvelles du front. Elles ont aussi organisé des manifestations régulières à Saint-Pétersbourg ; certains observateurs ont rapporté l’hostilité du public.

Résistance anti-guerre à Moscou

Depuis le début de cette année, les anarchistes ont organisé sept manifestations contre la guerre à Moscou avec un maximum de 110 participants. Ces manifestations comprenaient une coalition qui réunissait : le mouvement anarchiste contre la guerre, Dikobraz, Kaz et le journal Utopia ; les membres des autres groupes anarchistes y ont participé en tant qu’individuels. Pour exiger l’arrêt de l’état de terreur en Tchétchénie, les anarchistes ont brandi des pancartes relatives au climat politique ambiant : « À bas l’État policier » ou « Staline est mort, Poutine vit ! ». Avant les élections, les anarchistes ont manifesté en brandissant des urnes représentant des cercueils et en soulignant le fait que la guerre faisait partie intégrante des programmes électoraux.

Des participants opportunistes du comité contre la guerre, à savoir l’Association Radicale Antimilitariste s’est servie des activités du comité comme d’une plate-forme pour promouvoir le candidat social-démocrate Grigori Yavlitsky, défenseur de la libre entreprise, une stratégie qui va à l’encontre des principes du comité. Ce fut évidemment une grande déception pour les anarchistes membres du comité et cela pose la question de savoir si une telle coopération peut continuer. La police n’a que faiblement perturbé les manifestations, mais deux personnes qui diffusaient des tracts anti-Poutine ont été arrêtées pour diffusion de matériel anticonstitutionnel et la police a menacé d’arrêter les vendeurs du journal anarchiste Autonom. À Nizhmi Novgorod, quelques anarchistes ont été arrêtés pour avoir diffusé de la propagande contre les élections le jour même où celles-ci avaient lieu. Une répression plus importante n’a pas été nécessaire du fait du large soutien populaire à Poutine, mais cette répression à petite échelle présuppose peut-être une plus grande dans les jours et mois à venir.

Différentes initiatives contre les élections

Les trotskistes, ainsi que la nouvelle gauche ont rassemblé quelque vingt personnes samedi 12 mars et les membres de cette nouvelle gauche ont appelé au boycott des élections au cours des manifestations des 11, 12 et 18 mars. Le boycott des élections a été soutenu par les anarchistes, y compris Dikobraz. D’autres anarchistes ont proposé « un vote contre tout », ce qui malheureusement fut également proposé par le principal parti nazi russe (RNE) en faveur de l’unité nationale russe.

Les anarchistes ont donné un avant-goût des célébrations du 1er mai, en organisant la manifestation du « 1er avril » pour « soutenir Poutine » : les slogans exigeaient que Poutine soit nommé Tsar, qu’il fasse des garçons (puisqu’il a deux filles) et que l’État policier soit le bien venu. Il y avait des drapeaux oranges et noirs avec un drapeau rouge et des ballons blancs. Maintenant les anarchistes vont souffler quelque temps avant de faire du 1er mai un grand jour d’action où ils replaceront la guerre dans son contexte en la dénonçant comme partie intégrante du système capitaliste mondial.

Actions à l’extérieur de Moscou

À Saint-Pétersbourg, des initiatives anarchistes, antifascistes, trotskistes ont été lancées par le biais d’un festival musical contre la guerre et d’une manifestation le 27 février. Des piquets ont été mis en place chaque samedi par le comité contre la guerre et chaque vendredi par les mères de soldats. Dans les plus petites villes comme Novgorod, il n’y a eu qu’un faible taux de participation. Certains groupes apportent une aide juridique aux conscrits et déserteurs. D’ailleurs, en janvier, deux membres d’un groupe ont été condamnés à dix jours de prison pour avoir violé la loi. En Sibérie, fortement conservatrice, les flics n’épargnent pas les militants en les harcelant du mieux qu’ils peuvent. En prison, des militants ont entamé une grève de la faim afin de protester contre les peines qu’ont leur avait infligées ; quatre jours plus tard, ils étaient libérés. Dimitri Neverovsky, un objecteur d’Obninsk (région de Kaluga), a été condamné à deux ans de prison le 25 novembre 99. Dans cette région, de nombreux conscrits ont refusé de partir à la guerre. Neverovsky est un militant antimilitariste et sa mère fait partie du conseil municipal. Il a été arrêté pour faire figure d’exemple et d’avertissement. Il a été d’ailleurs frappé par ses geôliers au moins une fois.

Groupe anarchiste Dikobraz (Moscou)

Mail : dikobrazi@lists.tao.ca

Traduit de l’anglais par Michelle (aidée de Erick)


Dans la toile

Puisqu’il faut encore évoquer le nucléaire, consultez le du Collectif vosgien indépendant d’information sur les déchets radioactifs (CIDRA) qui présente aussi une bonne page de liens sur le sujet qui peut servir de base pour une réflexion antinucléaire argumentée (http://www.multimania.com/resister/cidra.html). Pour une approche plus historique, on se préférera Politis (http://www.sortirdunucleaire.org/archives/divers/politishistoire.html) qui nous raconte en huit chapitres l’histoire de la lutte contre superphénix. Sans oublier, bien entendu, de faire un tour sur le site de Perline (http://www.chez.com/perline/Nuke/) que l’on ne présente plus aux lectrices et lecteurs du Monde libertaire.

Pour ce qui concerne l’Unedic, le mieux est d’aller chercher les informations à la source même (http://www.assedic.fr/frames/chiffres/infostat/infost02.htm) et de faire soi-même les calculs qui s’imposent.

J’en profite pour souligner que de mon point de vue, nous bénéficions grâce à l’Internet d’une information complète, quoique parfois aride, à ne pas négliger. En effet toutes les administrations de presque tous les pays du monde nous offre d’une façon honnête ­ aux commentaires près ­ mais parfois trop touffue que nous aurions tort de négliger. Le tout étant de se garder de gober les explications toutes prêtes fournies en annexe et de sortir nos calculettes et autres tableurs du dédain dans lequel un trop grand nombre d’humains les relèguent.

Pour finir cette notule, je voudrais attirer l’attention des internautes sur deux mauvaises nouvelles. La confirmation, dans l’affaire Coste, du délit de « publication permanente », d’une part, et l’article de la loi Trautmann qui spécifie que les « hébergeurs » devront connaître ­ et tenir à la disposition de la Justice ­ les coordonnées réelles des auteurs de site (exit le droit au pseudonyme). Nous y reviendrons.

À bientôt dans la toile.

Blue Eyed Keyboard
samal95@aol.com


Genet à Chatila , documentaire de Richard Dindo

« Je suis Français, mais entièrement, sans jugement, je défends les Palestiniens.
Ils ont le droit pour eux, puisque je les aime. Mais les aimerais-je si l’injustice n’en faisait
pas un peuple vagabond ?
 »
Jean Genet

Sartre disait (dans « Réflexions sur la question juive ») que ce qu’il aimait chez ses amis juifs, c’étaient leurs qualités d’opprimés. Si ce discours vous semble politiquement incorrect, alors vous n’aimerez ni les livres de Genet, ni le documentaire que Richard Dindo a fabriqué à partir des textes et de la visite des lieux et des hommes qui sont à l’origine des derniers écrits de Genet.

Quand il se rend a Beyrouth en septembre 1982 sur une invitation de Leila Shahid, aujourd’hui Déléguée générale de la Palestine à Paris, Genet se sait atteint d’un cancer à la gorge. Il visite le camp de Chatila au lendemain du massacre. L’horreur de ce qu’il voit, l’envie de témoigner fondent son texte « Quatre jours à Chatila » publié à l’époque dans la Revue des Études Palestiniennes. Un captif amoureux (1) sera son livre consacré aux Palestiniens. Il y travaillera jusqu’à sa mort, écoutant le Requiem de Mozart. Richard Dindo ouvre et clôt son film « Genet à Chatila » en montrant la tombe de Genet, avant de nous emmener sur les lieux du massacre, rencontrer les survivants. Il fait lire des passages du livre de Genet à une jeune femme qui établira le dialogue entre les vivants, l’écrivain disparu et leurs morts. « Le ciel, comme seul lieu commun », la terre comme seul lieu pour « vaincre, mourir ou trahir. » Le documentaire de Dindo se saisit du défi formulé par l’écrivain : « il y a des choses qu’on a vues qu’on ne pourra jamais dire avec des mots ». Ainsi se trouve au centre du film une scène d’une violence extrême. Richard Dindo montre une bande vidéo du massacre aux survivants du camp : « Ils avaient su que j’avais une bande vidéo avec moi. Ils voulaient voir leurs morts. Ils n’avaient jamais vu les images filmées de leurs morts. Un responsable politique qui nous a accompagné à travers le camp me l’avait dit. Car il fallait travailler avec les responsables politiques pour avoir les autorisations… J’ai donc organisé une projection. D’une part pour montrer a mon spectateur les images des morts, ces images terribles, mais aussi pour les montrer aux autres afin de nous confronter tous avec cette terrible réalité montrée par les images. Parce que les gens ont besoin d’images pour croire…

Moi, je crois beaucoup à la force de l’image document qui nous prouve même l’inimaginable. Et c’est pourquoi je leur ai montré ces images. Ils ont pleuré quand ils ont vu leurs morts. Par exemple, cette femme en rouge qui avait perdu sa petite sœur.

Elle a pleuré en voyant comment on les a enterrés. Ça m’a donné l’idée d’aller filmer aussi le cimetière qui n’est pas un cimetière et dont ils souffrent. Car les garçons qui jouent au foot sur le sable, ce ne sont pas des Palestiniens. Ce sont des Syriens. Jamais les Palestiniens ne joueraient au foot sur les corps de leurs morts. C’est doublement douloureux pour eux : vivre dans ce camp où sont enterrés leurs morts et regarder comment des Syriens, des étrangers, des occupants jouent au foot sur leurs cadavres, c’est inimaginable. C’est une des douleurs immenses de ce peuple de Palestine : ils n’ont pas de cimetière, ils ne peuvent pas vivre avec leurs morts et ils ont perdu leur patrie.

Chatila, c’est en même temps le réel et sa métaphore, ça renvoie toujours à ce qu’on peut montrer et à ce qu’on ne peut pas montrer. Le massacre de Chatila, ce n’est pas seulement un massacre, c’est aussi une métaphore de la volonté de détruire le peuple palestinien. Tous les massacres dans le monde ont toujours eu le même but : faire comprendre à des minorités : “vous devez partir d’ici”. Les Israéliens sont entrés au Liban parce qu’ils voulaient en chasser tous les Palestiniens… Les massacres de Sabra et Chatila étaient préparés en accord avec les Israéliens.

Il est même probable qu’ils aient participé aux massacres. Je n’ai pas osé le dire parce qu’il n’y avait pas de preuves. Mais les Palestiniens me l’ont dit. Officiellement c’étaient les milices chrétiens du Sud, mercenaires d’Israël et les phalangistes de Beyrouth. En tous cas, ils ont agi en accord avec les Israéliens… Et c’est pourquoi j’ai toujours cru à la force des images comme une preuve de réalité. »

Heike Hurst (Fondu au Noir)

propos recueillis a Locarno, août 1999
(1) Un captif amoureux, Jean Genet, 1986, Ed. Gallimard.


Le Poulpe du collectif « Orange Amère »

L’ordure, hein !

Le dernier Poulpe L’ordure, hein ! se passe à Orange. D’après les auteurs, le Collectif « Orange Amère », dans ce polar ce n’est pas l’intrigue proprement dite qui est importante. Ce qui compte avant tout, c’est de faire ressentir le climat qui règne dans les villes occupées par le F. Haine. Les relents de la terreur semée par les commandos des polices municipales, la peur diffuse qui règne dans ces villes et parallèlement le côté dérisoire du discours et des méthodes qu’ils y emploient.
Le collectif « Orange Amère » nous a rendu visite à la librairie du Monde libertaire. Ils sont « montés à Paris » pour la sortie du bouquin, la fête du livre et aussi parce qu’en ce soir du 22 mars, le Poulpe a 40 ans…
Sept personnes à interviewer, ce n’est pas courant, d’autant plus que tous parlent en même temps et c’est difficile à suivre. Un membre du collectif s’en aperçoit et confie : « La plus calme d’entre nous, c’est Maryse et en plus c’est elle qui parle le mieux du collectif ».

Le Monde libertaire : Comment est né le désir d’écrire un polar sur Orange ?
Maryse : C’est difficile d’imaginer comment on peut vivre dans une ville occupée par des néo-nazis. C’est encore plus difficile de le raconter, d’en parler de vive voix, de trouver les mots justes, de ne rien oublier des événement chocs pour mieux décrire les impressions d’horreur qu’on ressent au quotidien.

ML : Ce livre est-il récent ?
François : Pas du tout, nous avons commencé à l’écrire il y a trois ans. D’ailleurs, on ne sait pas aujourd’hui si c’est un bien ou un mal, mais le bouquin a trop tardé à être publié.

ML : Pourquoi le livre a-t-il eu tant de retard et en quoi est-ce un bien ou un mal ?
Anne : Quand les éditions de la Baleine ont reçu notre manuscrit, ils ont sauté au plafond, en disant qu’il n’était pas question de le publier sous sa forme brute. En effet, dans un esprit d’honnêteté intellectuelle, nous mentionnions les vrais noms des acteurs, mais aussi des lieux. S’ils le laissaient tel quel, on allait se coller au moins une centaine de procès de la part du FN ! Il a fallu beaucoup de temps pour réinventer des noms et noyer ainsi le poisson. Cela dit, le texte n’a pas été touché.

Jean-Paul : Le fait que le livre ait eu du retard est dans un certain sens gênant car la situation a beaucoup évoluée à Orange en trois ans et ne correspond plus exactement à la réalité d’aujourd’hui. D’un autre côté, ça a permis de mettre en avant nos talents de visionnaires, car si lors de l’écriture, nous n’avions pas prévue la scission du Front national, nous avions bizarrement pressentie la montée de Haider (Garlick dans le livre) et de Mégret.

Maryse : Ça fait même peur ! Dans le cas présent, c’est la fiction elle-même qui est devenue la réalité.

ML : En parlant de réalité, quelle est la part d’invention dans les faits ?
Anne : Aucune. Tous les faits cités sont vrais. Le tract du FN, l’attentat, la scène du restaurant, la cave à vins, tout est vrai.
François : Le FNJ qui s’est juré de « pourrir la jeunesse », c’est vrai. Ils ont essayé d’appliquer ce programme dans la ville.
Serge : D’ailleurs, l’idée de Bompart, maire FN d’Orange, quand il est arrivé à la mairie de la ville, a été de tout faire pour casser les réseaux de résistance.

Marcelle : Évidemment, comme dans toutes les autres villes gérées par les fascistes, leurs mesures ont été d’abord économiques : suppression des subventions pour les lieux de vie, les associations, licenciement du personnel de mairie non-coopérant, etc.
Pierre : Ils sont même allés jusqu’à faire des économies de bouts de chandelles, pour faire croire à leur bonne gestion de la ville. Par exemple, en remplaçant dans les écoles, les serviettes dans les lavabos par du PQ de dernière qualité, et d’autres choses dérisoires et sordides du même type ! C’est hilarant et, à la fois, ça fait peur de voir la question politique réduite à un rouleau de PQ !

ML : Quel avenir pour Orange ?
Maryse : Le vrai malheur, c’est que Bompart se représente à la mairie en 2001, en invoquant sa soit disant « bonne gestion de la ville ». Or, Bompart est un fidèle du « cyclope » (Le Pen, dans le livre) et un pur et dur de cette tendance d’extrême-droite, violente et intégriste qu’il faut détrôner par tous les moyens ! Malheureusement, après les années de grande résistance, après la manifestation anti-FN de Strasbourg et surtout depuis la scission des deux F. Haine, on a l’impression que les gens ont tendance à se démobiliser, y compris dans les villes qu’ils continuent à gouverner. Alors qu’à notre avis, ils ne quitteront ces lieux que… « par la force des baïonnettes ! »

propos recueillis par Patrick Schindler


Lyon : Manifestation réprimée pour Mumia Abu Jamal

Près de 200 personnes, dont une très grande majorité de libertaires, ont manifesté, vendredi 14 avril dernier, devant l’Hôtel de ville de Lyon afin de réclamer la libération de Mumia Abu Jamal, militant noir américain condamné à la peine de mort, et plus généralement de dénoncer l’enfermement carcéral.

En effet, du beau monde était réuni à l’Hôtel de ville de Lyon pour inaugurer la ligne aérienne Lyon-New York. Les petits fours étaient au rendez-vous pour le ministre communiste des transports Jean-ClaudeGayssot (dont le parti a pourtant l’hypocrisie de se dire pour la libération de Mumia), le maire de Lyon, Raymond Barre, les patrons d’Air France et de Delta Airlines et surtout l’ambassadeur des États-Unis, Félix Rohatyn.

À peine le rassemblement commencé, alors que deux immenses banderoles étaient déployées et qu’un compagnon prenait la parole pour présenter « le cas Mumia », les CRS sont intervenus avec une brutalité totalement disproportionnée avec l’attitude des manifestants. Le but était simple, éradiquer le rassemblement de sous les fenêtres de la mairie et éviter tous désagréments à M. l’ambassadeur en saisissant le mégaphone et en nous repoussant à une soixantaine de mètres de la mairie à coup de matraque. Un face à face tendu s‘est ensuite engagé où les slogans ont fusé.

Devant la détermination des manifestants et l’ampleur prise par la protestation, les flics ont finalement chargé afin de s’emparer des banderoles. Le rassemblement s’est ensuite dispersé, sans interpellation, après avoir contourné la mairie et avoir renouvelé ses protestations sous la façade principale.

Nous nous sommes donc invités à la fête et avons quelque peu troublé le son des flûtes de champagnes en interpellant l’ambassadeur américain. Le pouvoir a préféré frapper les manifestants, plutôt que de se brouiller avec un dignitaire étranger, tout comme il l’avait déjà fait lors de la venue du président chinois Jiang Zemin.

Plus que jamais nous sommes déterminés à lutter contre l’État, ses crimes et ses violences, la peine de mort et ses prisons, que cet État soit américain ou français et pour que soit libéré Mumia. No Justice, No peace !

Sam et David. — groupe Durruti (Lyon)


Appel à souscription pour Bonaventure

Bonaventure est une association qui regroupe des enfants, des parents, des professionnels pour animer une « république éducative » en dehors de l’Education nationale. Ni école publique, ni école privée… expérience en acte d’éducation et de pédagogie libertaire : les parents descolarisent leurs enfants et se rencontrent pour que l’éducation soit collective…
Ce projet vit depuis 7 ans sans subvention aucune… la « scolarité » y est gratuite, laïque,… l’autogestion économique que nous visons passe par les adhésions… et les appel à l’aide !

Bonaventure début avril 2000

Dans la même semaine, le photocopieur et le camion (neuf places) pour transporter les enfants se sont retrouvés hors d’usage… Le camion offert par souscription il y a cinq ans, a vécu (13 ans, 200 000 km).
Pour un 9 places d’occasion, il nous faut réunir 45 000 F.
Nous ouvrons donc une souscription : chèques à l’ordre de Bonaventure, mention au dos « souscription camion »
(50 F, 100 F… individuellement ou collectivement, les petites sommes nous permettront d’acquérir ce camion pour les différents projets des enfants !) Merci !
Bonaventure, 35 allée de l’angle, Chaucre, 17190 Saint Georges d’Oléron
bonaventure@wanadoo.fr
site http://perso.wanadoo.fr/bonaventure

Bernard Lebœuf pour l’association Bonaventure

Liste des premiers souscripteurs : Raynaud J.M. (Chaucre 17) 100 F, groupe Bakounine (FA) 300 F, Grolier B. (Taillant ,17) 200 F, Marchesseau F. (La Villedieu, 17) 100 F, CNT-SSE 17 (Saint Trojan) 300 F, Preux Th.(Le Château), 17) 200 F, Rappe D (lyon) 100 F, Alternative Libertaire (Bruxelles) 100 F, Toursière M&L (Dolus, 17) 100 F, Rausa J, Negrell M (Meze, 34) 200 F, Gandolfo L (Toulouse) 100 F…
Total souscription : 1800 F