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articles du ML1218

du 26 octobre au 1er novembre 2000
Le jeudi 26 octobre 2000.

https://web.archive.org/web/20040506184100/http://www.federation-anarchiste.org/ml/numeros/1218/index.html

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Ernest, Lionel et Nicole font leur cuisine

Les chômeurs dégustent

Les négociations concernant l’UNEDIC (caisse d’assurance chômage) ouvertes en mars 2000 ne sont que la première étape d’un projet patronal dit de « refondation sociale ». En juin dernier, syndicats patronaux, CFTC et CFDT ont signé un texte visant l’instauration du PARE (Plan d’aide au retour à l’emploi). Celui-ci bouleverse la logique même de l’UNEDIC. D’un système collectif d’indemnisation, où le fait d’avoir cotisé donne droit à des allocations (1), on passe à une logique de contrat, individualisante, où chaque chômeur est contrôlé, le PARE étant obligatoire. L’idéologie simpliste et réactionnaire qui transparaît à travers cette convention s’articule autour de la notion d’employabilité. Un certain nombre de chômeurs seraient en effet « inemployables » (la pauvreté « naturelle ») et donc relèveraient de la charité publique (RMI, minima sociaux). Les « employables », par le biais du PARE, seront poussés à rechercher « activement » un emploi et devront renoncer à la prétention à refuser un travail ne correspondant pas à leur qualification.

Le gouvernement à l’avant-garde de la défense des chômeurs ?

Le gouvernement, durant l’été, a refusé de donner son accord à cette convention UNEDIC. De rebondissement en rebondissement, lundi 16 octobre, il était sur le point d’accepter le texte, considérant même le projet de refondation sociale comme cadre pour moderniser la société. Pour se convaincre que l’opposition gouvernementale n’est qu’un leurre de plus, il suffit en fait d’examiner sur quels points ont porté les tractations. En fait, entre les signataires et le gouvernement, il a été avant tout question de gros sous. Le refus d’une baisse immédiate des cotisations (2) n’est pas tant motivé par le souci d’une extension de l’assurance chômage que par le souhait de voir un budget affecté à la mise en place du PARE. Soyons clairs : le gouvernement est favorable au principe d’un contrôle individualisé.

Quant aux questions sur le contenu, elles ont surtout servi à créer une sorte de brouillard sur l’enjeu même du PARE. La bataille autour des termes « qualifications » ou « compétences » vise à cacher le caractère essentiellement arbitraire et contraignant de tout bilan effectué par l’administration. Le but reste bien « d’adapter » le chômeur au marché de l’emploi, si nécessaire à coup de formations expresses et imposées. Quant aux sanctions en cas de refus d’emploi, elles ne figurent effectivement plus dans la dernière version de la convention. La subtilité réside dans le fait que le Code du travail prévoit déjà des sanctions dans ce cas. Le PARE offre ainsi le cadre à leur application systématique. Le gouvernement est satisfait, l’État conservera le rôle de gendarme des chômeurs par le biais de l’ANPE.

Syndicats : riposte ou gestion du système ?

La CGT ou FO ne sont pas signataires du texte visant à instaurer le PARE. Ils n’ont aucune envie qu’une partie de leur base quitte le navire du syndicalisme de cogestion. Ainsi, depuis juin dernier, ils ont multiplier les déclarations médiatiques plutôt que les actions de lutte. La « combativité » des bureaucraties CGT et FO mène à des impasses, tel l’échec du mouvement de novembre-décembre 1995. Présents dans la rue sous la pression de leur base, ils l’ont été aussi pour garder prise sur le mouvement d’opposition au plan Juppé. Aidant à l’essoufflement du mouvement, ils renvoyaient ainsi implicitement au domaine politicien, donc au vote à gauche. Résultat : poursuite du plan Juppé par l’équipe Jospin. Le souci du gouvernement de ne pas rompre avec la CGT et FO s’est manifesté par la suspension de leur accord au vu du refus des deux syndicats de rejoindre la table des négociations. Ne seraient-ils pas en train de nous rejouer le mauvais scénario de 1995 ?

La gestion du chômage est un des points clefs de la réorganisation actuelle du capitalisme. En effet, l’augmentation du nombre de chômeurs a permis aux gouvernements successifs, au patronat et aux syndicats de réaliser une union sacrée. L’attitude de la CFDT n’est que celle d’un syndicat qui a fait de la baisse du chômage sa priorité. Aux dégradations des conditions de travail, à la pression à la baisse sur les salaires (3), se sont ainsi ajoutées toutes les mesures de lutte contre le chômage, amorces d’une régression sociale d’ampleur. Ces politiques, en effet, ont consisté en la mise en place de multiples exonérations de charges sociales pour les patrons qui, en diminuant les recettes, ont permis de porter atteinte au système de protection sociale. Elles ont permis d’appliquer un partage du travail (35 heures, mais aussi temps partiel, intérim), se résumant par misère et précarité pour tous. Le gouvernement se félicitera probablement, lors de sa réunion à Grenoble en décembre, de la baisse du chômage alors que le nombre de chômeurs et précaires avoisine probablement les 8 millions !

Alors, nous ne pouvons que réaffirmer que, chômeurs ou salariés, nous n’avons aucun intérêt commun avec les patrons. Il est urgent de reprendre des pratiques de lutte de classes et de cesser de donner des chèques en blanc à ces politiques qui se foutent de notre gueule. La révolution libertaire, ce n’est pas pour demain, mais la refondation sociale, oui. Alors, sans représentants politiques ni syndicaux, luttons contre leur « modernisation » sociale… Tous ensemble ?

Maryla et Sébastien. — groupe de Clermont-Ferrand

(1) Ce système comporte une dimension restrictive, un lien ayant été instauré en 1982 entre durée de cotisations et durée d’indemnisation.
(2) 70 milliards sur trois ans, ce qui représente 20 % par an du budget actuel.
(3) La part des salaires dans la richesse produite n’a cessé de diminuer depuis les années 70.


Une approche libertaire de la mondialisation

Entretien avec notre camarade Francois Marchesseau, prof d’économie

M.L. : Comment analyses-tu le phénomène de la mondialisation économique ?
F.M. : Pour comprendre comment la planète s’est transformée en un espace commercial unique, il faut remonter à la fin du XVIIIe siècle avec la naissance de l’industrialisation en Europe donc la création du système capitaliste. Très vite, les puissances industrielles (Angleterre, France, Allemagne) ont besoin de matières premières d’où la colonisation… Ce qui va bouleverser les conditions d’évolution de ce ces sociétés-là.

M.L. : La colonisation se serait donc faite pour une raison purement économique ?
F.M. : Oui, au départ, pour des besoins d’approvisionnement en matières premières. Ensuite, dans l’intention de trouver des débouchés pour écouler les produits fabriqués en Europe (textile, outils, armes). Cela permet également l’assise du pouvoir politique, à savoir l’impérialisme avec la bénédiction des curés qui trouvent d’autres âmes à convertir.

M.L. : Peut-on parler, à ce moment-là de déséquilibre Nord-Sud ?
F.M. : Oui, puisque le Nord (Europe et États-Unis) concentre les activités productives avec des forts taux de plus-value (transformation de produits primaires) et le Sud, quant à lui, sert de réservoirs de matières premières, de réserves à main-d’œuvre, éventuellement de chair à canon au gré des changements de stratégie politique. Il est donc illusoire d’imaginer un développement du Sud comparable au notre puisque notre richesse repose sur l’exploitation, l’asservissement des peuples colonisés.

M.L. : Alors, pourquoi l’accès à l’indépendance des pays colonisés n’a pas favorisé leur développement ?
F.M. : Ces pays sont devenus effectivement indépendants politiquement (avec un modèle étatique européen) mais la domination économique s’est maintenue parce que les flux de marchandises et de capitaux restaient les mêmes. De plus, le partage économique du monde était déjà fait entre les grandes puissances occidentales, le tiers monde continuant à servir de sources d’approvisionnement et fournisseurs de main-d’œuvre à bon marché. Ensuite, parce que les réseaux d’échanges internationaux se développent et la croissance des pays s’amplifie considérablement après la deuxième guerre mondiale, ce qui nécessite beaucoup plus de capitaux d’où l’achèvement de la mondialisation par l’aspect financier. « Le temps du monde fini commence » pour assurer les profits de demain. Or, ce sont les profits accumulés qui rendent possible le réinvestissement et ainsi pérennise le système capitaliste : toute l’humanité se trouve impliquée dans un même jeu.

M.L. : Le non-développement du tiers monde est donc une nécessité du système capitaliste ?
F.M. : Oui, c’est même une question de survie. Depuis les années 70, des pays développés sont même en surproduction, les marchés sont saturés donc nécessité d’écouler les surplus vers le Sud. De plus, pour se développer, le tiers monde devrait utiliser ses ressources pour satisfaire ses besoins propres. Son économie ne serait plus complémentaire mais concurrentielle des pays occidentaux ; ce qui mettrait en danger le système en place. De toute façon, l’endettement du tiers monde l’a enchaîné à notre fonctionnement économique et politique, pour favoriser l’enrichissement permanent d’une classe dominante.

M.L. : Si tout est joué d’avance, quelle est, alors, la solution possible pour le tiers monde ?
F.M. : Nous avons vu qu’il était impossible pour le tiers monde d’espérer un développement similaire au nôtre. Pourtant, une recherche de solutions est possible en dehors des pouvoirs. Dans certains pays africains, des villages entiers retrouvent des principes communautaires et s’organisent seuls. Et, ils s’en sortent très bien depuis qu’ils ont abandonné les méthodes inculquées sous la pression des agronomes et des experts en développement. C’est donc en reconstruisant, avec leurs spécificités socio-économique, un appareil de production adapté à leurs ressources locales et à leur force de travail (éducation, formation) qu’ils pourront briser leurs chaînes.

M.L. : Avec la mondialisation, nous sommes passés du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes au droit des investisseurs à disposer des peuples. Pour contrer cette dictature mondiale, un mouvement anti-mondialiste s’est constitué. Qu’en penses-tu ?
F.M. : Les opposants à la mondialisation se manifestent, en ce moment, à l’occasion de tous les sommets importants des symboles de l’organisation capitaliste : OMC, FMI, Banque Mondiale. Si ce mouvement obtient l’adhésion d’une partie de la population et parfois notre participation, il faut noter que ces manifestations émanent plus du refus d’une incohérence économique que du refus total de l’économie de marché.
Ils demandent, entre autres, un traitement commercial différencié pour les pays les plus pauvres, la prise en compte des implications sociales et environnementales avant l’adoption de toute mesure de libéralisation, la transparence de l’institution, qu’il n’y ait pas de nouvelles négociations sans bilan des accords précédents. Bref, une réforme de l’économie capitaliste mais pas son abolition. Les puissants de ce monde peuvent continuer de jouer avec nos vies, du moment que les règles du jeu sont connues de tous ! Peu importe si le but final est la condamnation de millions de personnes pour le profit de quelques uns !

M.L. : L’association ATTAC, en France, regroupe déjà 20 000 adhérents. Son objectif est de taxer à 0,01 % les mouvements de capitaux pour aider les citoyens. Ce projet te paraît-il découler d’une attitude réformiste, également ?
F.M. : Oui, car cette taxe, imaginée par l’économiste américain James Tobin, ne remet pas en cause l’économie de marché. Sur 1 500 milliards de dollars de spéculations par jour, la taxe représenterait 150 millions de dollars soit 1 milliard de francs par jour., donc 365 milliards de francs par an ; comparée au PNB d’un pays comme la France (environ 8 300 milliards par an), c’est une goutte d’eau prélevée dans un océan de richesses ! Pour moi, ATTAC est partisan d’une libéralisation contrôlée de l’économie mondiale et non de son abolition.

M.L. : Quelles sont les moyens de lutte contre la marchandisation de l’homme et comment faire pour que l’utopie devienne la réalité de demain ?
F.M. : La vraie résistance, à mon avis, n’est pas d’adopter une position défensive mais plutôt de passer par la création de réseaux de liens solidaires, de structures autogestionnaires (Système d’échanges local, centres d’éducation libertaire, coopératives). « Agir local, penser global » me semble être une réponse plus adaptée au phénomène de la mondialisation. Peu de temps avant sa mort, François Partant avait écrit une fiction qui pourrait vite devenir une réalité si tous les exploités agissaient pour la mettre en œuvre. « Imaginons qu’un paquebot fasse naufrage au cours d’une croisière. Quelques centaines de personnes en réchappent et se trouvent sur une île déserte, où elles savent que personne ne viendra les chercher. Les naufragés vont devoir s’organiser pour survivre. Après avoir fait l’inventaire des ressources de l’île, ils se répartissent les tâches, les uns étant à la charge de fournir la nourriture, les autres de construire des abris, etc. Si, ayant trouvé des épis sauvages, ils décident de cultiver du blé, ils ne se demanderont pas si leurs rendements à l’hectare seront comparables à ceux de la Beauce, ni si leur production céréalière sera compétitive avec celle des États-Unis. La seule question sera de savoir si la récolte de blé assurera du pain à tout le monde. Il en sera de même pour toute autre activité productive ».

propos recueillis par Françoise Huitel et Didier Ribes. — groupe Michel Bakounine


Mondialisation, développement, autogestion

La mondialisation capitaliste qui ravage actuellement la planète toute entière (anéantissement des derniers espaces d’autonomie au plan de l’agriculture, de l’économie, de la culture, assujettissement du politique à la loi du marché, primauté de la spéculation financière, marchandisation de tout, règne des multinationales, chômage, misère, développement des inégalités sociales, destruction de l’environnement et des conditions mêmes de la vie…) est elle inéluctable ? Doit-on se résigner à ne se battre que pour la moraliser un peu (taxe Tobin) et pour la réformer (pas davantage) à petite touche de citoyenneté dans l’antre du FMI ou de l’OMC ? La nécessité d’échanger avec un maximum d’êtres humains implique-t-elle l’exploitation et l’asservissement du plus grand nombre ? La nécessité d’échanger signifie-t-elle qu’il faille tout échanger ? Comme le disait Kropotkine puis après lui François Partant, la notion d’échange ne devrait-elle pas concerner que le seul SURPLUS de l’autonomie ? Et puis, l’échange doit-il obligatoirement être marchandisé ? Quel est le prix du plaisir d’offrir ? L’entraide, l’amitié, un sourire…, peuvent ils se conjuguer à un autre temps que la gratuité ? Pendre haut et court les riches et les maîtres du monde qui siègent dans les conseils d’administration des grandes firmes multinationales, plumer la volaille socialiste, coco, écolo, qui leur cirent les pompes…, sera-t-il suffisant pour opérer un renversement de perspectives ? La notion de développement et celle de productivisme ne portent-elles pas en elles le capitalisme comme la nuée l’orage ? L’aventure du siècle à venir n’est-elle pas celle de la fédération mondiale d’autonomies autogérées et du respect des conditions de la vie ?

groupe Michel Bakounine


La pilule passe mal

Non, le feuilleton Norlevo n’est pas terminé. On se rappelle que le 16 juin dernier des associations anti-avortement avaient requis (avec succès) devant le Conseil d’État l’annulation des circulaires du ministère de l’Éducation nationale et de la Direction générale de la santé du 6 janvier 2000. Ces circulaires auraient permis, entre autres, la délivrance du Norlevo (pilule du lendemain) par les infirmières scolaires. Résultat : le 30 juin, la circulaire était annulée.

Pourtant, le 5 octobre cette proposition de loi était adoptée par l’Assemblée nationale après quelques débats houleux. En effet, cela n’a pas plu à certaines personnes comme Christine Boutin ou Philippe de Villiers. Citons ce dernier : « Vous lancez une guerre chimique contre l’enfant à naître ». Rien que ça. Ce genre de phrase nous rappelle le triste amalgame souvent opéré par les anti-IVG entre l’extermination des juifs dans les années 40 et l’IVG. Restera au Sénat à examiner le 31 octobre cette proposition de loi visant à autoriser la vente libre du Norlevo en pharmacie et sa distribution dans les collèges et lycées par les infirmières scolaires (sans prescription médicale ni autorisation parentale) après un rapport sexuel non ou mal protégé.

Eh oui, ils en sont encore là nos chers hommes politiques. On se pose la question de savoir si cette circulaire doit être votée ou non. Quand on sait que la loi du 17 avril 1920 « réprimant la provocation à l’avortement et à la propagande anticonceptionnelle » interdit toute publicité ou propagande, par quelque moyen que ce soit, en faveur de l’avortement ou de la contraception, n’a pas été abrogée.

La pilule d’accord, et après…

Quand on sait qu’un décret-loi du 29 juillet 1939 prévoit de graves sanctions disciplinaires à l’encontre du personnel médical qui s’y serait livré (de 5 ans de suspension à l’incapacité absolue d’exercer la profession). Quand on sait que la loi Veil de 1975 ne tolère l’IVG que dans des cas exceptionnels (« situation de détresse ») et ne reconnaît pas réellement l’avortement comme un droit. Quand on sait qu’une femme mineure ne peut accéder à l’avortement sans le consentement des parents ou du représentant légal (alors qu’elle peut accoucher « sous X », c’est-à-dire abandonner son enfant sans ce consentement des parents : politique nataliste ?). Quand on connaît le prix d’une plaquette de pilule contraceptive (pour un mois) de troisième génération (à peu près 50 FF non remboursés) et celui d’une boîte de préservatifs.

Alors on se demande si on pose les vraies questions. Bien sûr cette loi concernant la pilule du lendemain sera bénéfique, mais c’est tout une conception de la sexualité, de la contraception et de la place du choix donné aux individus qui devrait être remis en cause. Cela devrait tout d’abord passer par une information plus importante chez les jeunes sur la contraception et la sexualité. Chez les moins jeunes aussi, car le tabou de la sexualité existe toujours. Vous me direz qu’on a beaucoup parlé par exemple du préservatif. Mais cela a eu lieu à cause (ou grâce) du sida, et l’exemple du préservatif à un franc n’a pas duré longtemps.

Les lois ne suffisent pas

Il faudrait aussi que les femmes ne soient plus considérées comme des irresponsables. Responsables elles le sont ! Pour la très grande majorité des femmes (5/6), le recours à l’avortement est accidentel et unique. « L’IVG en France n’est donc pas un moyen de contraception, même pour les femmes qui y ont recours plusieurs fois dans leur vie. » souligne le rapport Nisand sur l’IVG en France. Rapport des plus officiels si l’en est, et fondé sur des études concrètes.

C’est un changement global des mentalités qu’il faudrait, et non quelques lois tentant d’exister face aux anti-avortement, pro-vie et pro-famille. Espérons donc que cette loi soit enfin votée, mais surtout continuons à lutter pour faire avancer nos idées. Car il s’agit avant tout de la liberté de choisir sa vie, en connaissance de cause. N’oublions pas surtout que toutes ces associations anti-avortement restent vigilantes et virulentes, et qu’elles n’attendent qu’une faiblesse de notre part pour faire passer leur idées déjà présentes dans le gouvernement.

Quand à la gauche plurielle : c’est bien beau de faire passer des lois, encore faudrait-il que les moyens économiques nécessaires soient présents et que le personnel médical ou autre soit en nombre conséquent et correctement formé pour informer et aider les jeunes à choisir leur sexualité sans tabou. On en est loin…

Céline. — groupe Kronstadt (Lyon)


Marche européenne des femmes : la non-marche du siècle

15 000 femmes étaient attendues, seraient-elles là ? Les autorités bruxelloises avaient daigné autoriser le rassemblement au parc du Cinquantenaire : lieu surtout dédié à la guerre (musée de l’armée) et à la religion (mosquée). Des milliers de femmes (et quelques hommes) étaient déjà là, faisaient leur, en douceur, un lieu aux multiples symboles patriarcaux (canons, chars, drapeau national etc.) Le soleil avait gagné sur la brume : « le soleil avec nous ! » Le syndicat chrétien passe ; nous clamons « Ah si Marie avait connu l’avortement, on n’aurait pas tous ces emmerdements ! » Mines interloquées et consternation dans les rangs.

Les « femmes en noir » forment un cortège multiculturel (Ex-Yougoslavie, Royaume-Uni, Italie, Espagne, Suisse) beaucoup avec un keffieh, et en tête Ruth (Israël) et Leïla (Palestine) marchaient en se tenant la main. Nous leur avons emboîté le pas en entonnant « les femmes s’en vont en lutte, c’est fini le temps des cuisinières, les femmes s’en vont en lutte, contre leur oppression. Oppression millénaire, du patron, du mari, du saint père, oppression millénaire, nos chaînes nous les bris’rons ! »

Un parcours humiliant imposé par la préfecture

Les tracts partent plutôt bien, on fait des échanges, on se sourit malgré un parcours humiliant dans le quartier des institutions européennes complètement désert. Nous sommes des milliers, nous passons, une fois de plus, inaperçues. Les forces de l’ordre ont modifié unilatéralement le parcours et les femmes politiques, qui se sont attribuées la tête de cortège, filent doux en entraînant le cortège dans un parcours encore plus vexant. Bizarrement, ce sont presqu’uniquement des policières qui se trouvent en première ligne et qui disent « Non » et aussi « On aimerait bien être avec vous » aux femmes qui s’insurgent contre cette brimade.

À mi-parcours, nous nous rangeons sur le trottoir avec notre banderole « prolétaires de tous les pays, qui lave vos chaussettes ? » Les femmes passent, lisent, sourient, rigolent, applaudissent. Nous sommes resté-e-s une heure sur ce bout de trottoir et pourtant nous n’avons pas vu la fin du cortège : les femmes de Galice, du pays basque, d’Andalousie, les « Mujeres libres », des Allemandes, des Autrichiennes contre le fascisme. Mais aussi, des femmes d’Afrique qui ont fait le déplacement, des femmes en exil comme les Irakiennes, les asiatiques, les Kurdes qui chantent à tue-tête et surtout, surtout les Afghanes. Elles marchaient à petits pas dans leurs cercueils de voile, comme les femmes emmurées vives en Afghanistan qui, une à une, tombent pour la folie des talibans génocidaires. Elles passent en silence, leur vue suffit à nous loger une boule dans la gorge et à installer une sensation de froid morbide malgré le reste du cortège chantant, souriant. Des femmes peinturlurées, des banderoles très personnelles, des femmes dansant, des pancartes drôles ou mordantes, des femmes se tenant par la main, la taille ou les épaules.

Des femmes à perte de vue

Comme les autorités nous ont « autorisées » à tourner en rond, nous sommes de retour dans le parc et ses stands, les petits pour les associations, les grands qui abritent les ateliers de discussions. En fin d’après-midi, un mouvement de fronde gagne : nous avons toutes été choquées par ce parcours qui nous a dissimulées aux yeux du monde et à 35 000 encore ! Mais un autre mot d’ordre circule.

La composition de la masse des touristes sur la Grand-place change. À 18 heures, les « femmes en noir de Belgique » donnent le signal en dépliant en silence leur banderole et bientôt les calicots occupent deux côtés entiers de la place. Des centaines femmes se groupent et chantent dans toutes les langues l’hymne et l’Internationale des femmes. Stupéfaction des touristes. Du commissariat central situé à 200 mètres, arrivent deux voitures de la police de Bruxelles. « Vous voulez venir avec nous messieurs ? Pas de problèmes ! » Le groupe s’écarte devant les voitures… et se referme. Les deux voitures et leurs occupants sont pris au piège de femmes qui dansent la farandole et chantent de plus belle autour d’eux.

Le soir, sur cette même place, est organisé, pour les touristes, le traditionnel « son et lumière ». Les lumières s’allument puis le son : des dizaines de scouts qui s’exclament « solidarité avec les femmes du monde entier ! » Le lendemain, sur la Grand-place, les mêmes scouts occupé-e-s à divers jeux de groupe : un petit garçon hurle sur une fillette déjà à terre « À genoux pour le saute-mouton ! » Pour lui comme pour les médias, cette marche n’a pas eu lieu : les agences France Presse, Reuters, DEPIC etc. n’ont pas consacré la moindre dépêche ni à la marche européenne des femmes ni à la marche mondiale des femmes.

Taslima


Faits d’hiver

L’homme et la bête

Contrairement à ce que pensent certains camarades, l’être humain ne naît pas « bon » et une « bonne » société ne constituera jamais une garantie suffisante pour le maintenir dans de telles dispositions. Il ne naît, bien évidement, pas davantage, « mauvais », et une « mauvaise » société s’avérera tout autant incapable de le maintenir en l’état.

L’être humain, c’est une évidence que refuseront toujours les moralistes et les cyniques de tous bords, est essentiellement un animal social. Un volcan de pulsions bonnes et mauvaises que la « civilisation », dont c’est peu dire qu’elle n’en finit pas de balbutier, ne pourra jamais qu’endiguer et que la révolution, dont c’est tout aussi peu dire qu’elle ne commence qu’à balbutier, ne pourra jamais que canaliser.

Là est sans aucun doute possible l’essence même de la liberté ontologique de l’aventure humaine. De cet éternel possible incapable de n’être jamais acquis ! Un petit fait d’hiver est là pour nous le rappeler.

Ces jours ci, la cour d’appel de Rouen a, en effet, examiné le recours déposé par la Société normande de protection des animaux et les propriétaires d’une brebis qui a trouvé la mort dans la nuit du 21 au 22 mai 1998 après avoir subi les « assauts » d’un homme de 40 ans qui revenait d’une soirée passée chez des amis. En première instance, le prévenu, qui a reconnu les faits, avait été condamné à 3 000 FF d’amende et 6 000 FF de dommages et intérêts.

Pour peu qu’on y rajoute les derniers épisodes en date de la longue saga des petites et grandes tueries et autres abominations qui jalonnent l’histoire des hommes, certains ne manqueront pas de voir dans ce fait divers sordide un exemple de plus de la bestialité de la nature humaine et d’applaudir à la répression. D’autres, parce qu’ils pensent que le capitalisme est la seule explication à la misère sexuelle en général et au viol de brebis en particulier, ne manqueront pas de la dénoncer.

Quant à ceux (dont je suis) qui ont compris que la révolution ne fera que limiter (et bé, oui !) le nombre des violeurs de brebis, on voudra bien leur pardonner de simplement se réjouir du désarroi qui ne va pas manquer de s’emparer de la Légion quand tombera le jugement éminemment antimilitariste de la cour d’appel de Rouen. Car, aujourd’hui, c’est le viol des brebis que l’on sanctionne ! Mais, demain, qu’en sera-t-il de celui des chèvres ?

Et après demain ?

Jean-Marc Raynaud


Lycées : élection des délégués ou comment canaliser la violence ?

« De véritables élections de délégués de classe sont un des éléments d’une citoyenneté concrète au sein de l’établissement scolaire… La volonté politique des personnels, et tout particulièrement, du chef d’établissement, de créer ce champ de parole et d’avoir ce dialogue social est décisive… » (ministère de l’Éducation nationale).

Dans le cadre de la campagne actuelle autour des conseils de délégués pour la vie lycéenne (nouvelle instance créée par la réforme d’Allègre), la question des règlements intérieurs est mis régulièrement en avant : « De véritables élections de délégués et une formation des élus, un vrai dialogue social, des possibilités de médiation pour régler les éventuels litiges ou conflits, l’intégration des droits et des obligations des lycéens… » Un proviseur du lycée Jules-Verne de Nantes explicite encore un peu plus cette position : « Les élections ont une réelle utilité, à commencer par la refonte du règlement intérieur… » (OF, 18 octobre 2000)

La question des règlements date depuis l’existence des institutions scolaires mais prend actuellement une place importante. La violence scolaire devient ainsi au fil des années un « nouveau » problème pour au moins deux raisons. D’une part les médias insistent lourdement sur quelques accidents et d’autre part on manipule les statistiques en requalifiant certaines actions. Ainsi, ce qui n’était auparavant que des problèmes pédagogiques (question du sens), comme le bavardage, le chahut, l’absence… deviennent des incivilités et peuvent de cette façon entrer dans les statistiques de la police et de la justice !

Face au bavardage, la répression !

Les plans anti-violence se succèdent avec une seule et même logique. D’abord celle de la répression avec, entre autres, le plan Allègre où sur simple demande de l’administration la police peut entrer dans les établissements… Cette politique répressive se justifierait par la perte des repères et en particulier l’effondrement de l’autorité paternelle. On accuse ainsi souvent les familles de ZEP de laxisme alors que les punitions corporelles familiales y sont souvent plus fréquentes et dures. Cette politique n’est pas nouvelle et feint d’ignorer que la répression n’a rien de structurant pour le/la jeune. Le deuxième volet de ces plans est celui de la citoyenneté.

La citoyenneté, c’est d’abord le renforcement de l’éducation civique et de la morale, avec l’idée derrière que les jeunes ne connaissent pas la règle, la loi (ne pas écrire sur le mobilier scolaire…). Alors que c’est bien parce que la règle est connue, intellectualisée que la transgression est possible ! Le deuxième objectif de la citoyenneté (et surtout avec l’outil électoral) est de diviser les lycéen-ne-s : certain-ne-s collaboraient à la constitution d’un « nouveau » règlement (sous le contrôle de l’administration, tout de même) alors que d’autres (une minorité, malgré tout non-négligeable : 10, 20, 30 %… ) se situeraient dans un refus du cadre (violences, incivilités).

La perversité de cette politique, c’est la négation de l’origine de la violence. « Lorsque l’acte gratifiant devient impossible, que la fuite, l’évitement le sont également, alors surgit l’agressivité… » (Laborit, Journal de la paix, Mai 75). Évidence : l’individu-e est agressif parce qu’au préalable il/elle a reçu des agressions. C’est ainsi que l’on peut dire, entre autres, que pour des questions de santé mentale, l’agressivité est certainement préférable à la résignation ou au retournement de cette violence reçue contre soi-même (démarches suicidaires, deuxième cause de mortalité chez les 13-20 ans, névroses…). Notre principal problème c’est de conscientiser cette agressivité mais en aucun cas la manipuler, la canaliser. Car cette violence n’est en aucun cas gratuite et répond à des attaques de sources différentes. La première source, la plus reconnue, est sociale. Elle est le reflet de notre société d’exclusion (10 % des ménages touchent moins de 3 300 FF par mois et chez les moins de trente ans 19 %…).

L’école : un instrument de sélection sociale

Pour le/la jeune issu-e de milieu précaire, de ZEP, comment imaginer un avenir, comment donner un sens à un apprentissage alors que la famille, les voisin-e-s, les frères et sœurs pointent au chômage, travaillent durement pour un salaire plus que limite ou sont tout simplement incarcéré-e-s. Au-delà de cette violence sociale, qu’il ne convient pas non plus de négliger, l’institution scolaire porte en elle-même une violence institutionnelle. Cette violence sociale est démultipliée par la mystification de l’égalité des chances. Violence car l’école se veut démocratique alors qu’elle est avant tout un instrument de sélection sociale. Dans l’institution scolaire, tout est hiérarchique, et le premier pouvoir est bien celui de la note. L’enseignant contre son gré, ne se trouve pas seulement être un enseignant mais aussi un juge : il note, il oriente… Et pour qu’il le fasse correctement, lui même se trouvera inspecter. Pour tou-te-s les pédagogues, cette question est fondamentale : comment peut on avoir une relation égalitaire, réciproque, sincère avec son juge ? Et dans ce contexte de sélection, pour la personne en échec scolaire l’institution est étrangère. Et son règlement, certes connu, n’est qu’un texte parmi d’autres.

Si l’on souhaite réduire la violence scolaire, il faut « travailler » dans deux directions : celle de la conscientisation, de la perception de sa situation sociale et l’autre vis-à-vis de l’institution elle-même : renversé les mécanismes de la violence institutionnelle (notation, sélection, inégalités de droits entre adultes et jeunes…).

Régis. — groupe FA de Nantes


Dans la toile

Qui sont donc les anticapitalistes (http://www.multimania.com/anticapitaliste/) Des individu-e-s, groupes, associations qui se sont connus lors de l’organisation de la Caravane intercontinentale et qui ont voulu rester en contact. Par la suite, d’autres se sont joints à eux, sur la base de leur charte qui reprend les principes de base de l’Action Mondiale des Peuples contre le « libre »-échange et l’OMC.

Un site qui met en exergue une citation de Nietzsche ne peut pas être mauvais et c’est celle-ci qui nous saute aux yeux lorsque nous abordons celui de L’En Dehors (http://www.multimania.com/endehors/) : « Il m’est odieux de suivre autant que de guider ». Que dire de plus ? Tout est annoncé.

Ils retiennent l’anarchisme qu’il s’agit de « l’élaboration politique de la réaction contre l’autorité ». L’anarchisme s’inscrit aussi indéniablement dans un processus dynamique et pluriel. Alors, pour la durée de ce site, zone autonome et temporaire créée en juin 1999, ils ont fait le choix de vous entretenir d’anarchisme(s) (http://www.multimania.com/anarchismes/).

Le Réseau No Pasaran ! est un Réseau de lutte contre l’extrême-droite, les politiques autoritaires et sécuritaires. Les groupes et collectifs sont fédérés entre eux. Le réseau n’est ni une structure figée, ni une organisation partidaire. Retrouvez le site de leur Commission Immigration (http://www.samizdat.net/sansfrontieres/), il est très régulièrement tenu à jour.

Il est complet, il est sympa et, en plus, il est beau, si vous voulez une information sans concession, ne ratez pas le site de Samizdat (http://www.samizdat.net/infos/).

Recherche sur l’anarchisme est un forum international, inauguré le 1er janvier 1996 et consacré au compte rendu de livres, à la recherche et discussion des théories, histoires et cultures des mouvements anarchistes dans le monde et de thèmes qui leur sont liés. L’anarchisme est défini comme le rejet de toute forme de domination, ce concept étant distingué de celui de pouvoir. La discussion peut faire référence au mouvement anarchiste historique, mais aussi à d’autres sujets, dans la mesure où ceux-ci correspondent à cette définition. Une belle réalisation de notre ami Ronald Creagh (http://melior.univ-montp3.fr/ra_forum/).

La Banque Universale de l’Art (approved = parce que la naiveté et la poésie ne prendront jamais le Pouvoir) est un organisme non-lucratif ouvert à tous les artistes non dollaro-dépendants, afin de provouvoir l’usage du « Dellar » [=/anti-dollar] dans la communication des artistes entre eux et avec leurs publics. L’usage du « Dellar » apparaît comme la seule alternative crédible à la domination économique socio-politique du dollar dans l’univers. La naissance du « Dellar » découle des perversions du système capitaliste (http://dellar-antidollar.ctw.cc/).

Voilà, c’est fini pour cette fois. N’hésitez pas à me communiquer les adresses de sites que vous voudriez voir annoncés.

À bientôt dans la toile.

Blue Eyed Keyboard
alain@minitelorama.com


Vite fait… Bien fait

• Traite d’esclaves. Pris dans une tempête en mer Égée, un cargo a échappé de peu au naufrage dans la nuit du vendredi au samedi 21 octobre. Remorqué in extremis jusqu’à un port grec, les gardes-côtes y ont découvert 627 immigrants clandestins dont 144 enfants à court de vivre.

USA is beautiful. Le temps de travail des hommes y est en moyenne de 49 h par semaine, celui des femmes de 42 h ; les congés annuels le plus souvent de deux semaines.

• Question de priorité. Le très catholique maire de Marseille — Jean-Claude Gaudin — a accordé une subvention de 7,5 millions de francs pour la restauration de la basilique Notre-Dame-de-la-Garde. Pour loger les SDF, construire des HLM ou organiser des transports en commun la nuit, la municipalité a, en revanche, des problèmes de trésorerie.

• Record d’Europe. Durant les huit premiers mois de l’année, 849 personnes ont été tuées en Italie dans des accidents du travail, soit 18 % de plus que l’année précédente au cours de la même période.

• Le capitalisme, c’est ça : 826 millions de personnes souffrent de malnutrition chronique dans le monde, soit un être humain sur sept.

• Neuf nouveaux cas de vache folle ont été déclarés dans l’Ouest de la France, ce qui porte à 71 le nombre de cas déclarés depuis le début de l’année.

• MNEF. Le parquet de Paris a demandé le renvoi en correctionnelle de Strauss-Khan pour faux et usage de faux. Pour justifier la perception de 603 000 FF d’honoraires en contrepartie d’un travail que la justice ne lui contestait pas, DSK n’a en effet rien trouvé de mieux que de produire des factures antidatées. Plus con, tu meurs.

• Huit transports de déchets nucléaires vont être organisés d’ici la fin de l’année entre l’Allemagne et le centre de traitement de La Hague. Des manifestations ont déjà eu lieu le long du trajet prévu, notamment à Metz le 18 octobre et à Mezidon-Canon le 21 octobre. D’autres sont prévus dans les semaines à venir. A vos agendas.

• Plusieurs dizaines de milliers de cheminots ont manifesté jeudi 19 octobre à Paris contre les projets européens de libéralisation du trafic ferroviaire.

• Mercredi 6 décembre, nous serons aussi des milliers à Nice pour manifester notre opposition radicale à cette Union Européenne qui organise la privatisation de l’ensemble de nos services publics et le démantèlement global de nos acquis sociaux.

monsieur.pol@wanadoo.fr


Encore un sans-papier mort en Belgique

Le 12 octobre dernier, Ferri Xhedvet, un réfugié albanais âgé de 25 ans est mort au centre fermé (équivalent belge des centres de rétention) du 127 bis à Steenokkzeel. Il avait tenté sa chance : avec 8 de ses camarades, il avait voulu s’enfuir. Hélas pour lui, il est tombé du haut du mur d’enceinte : une chute de 5 m de haut, de laquelle il ne peut se relever. Il appelle à l’aide ainsi que 4 de ses camarades qui renonceront à la liberté pour prévenir les gardiens.

Ceux-ci l’ont récupéré et remis en cellule, sans se soucier, semble-t-il, de son état. Quant ils s’occuperont de lui, il sera trop tard. Les causes de la mort ne sont pas encore connues. Une enquête est en cours.

Deux ans après Semira Adamu, c’est donc le deuxième sans-papiers à mourir en Belgique entre les mains des autorités. Deux morts de trop. Divers témoins rapportent que Ferri, alors qu’il était blessé, aurait été menotté par les gendarmes et traîné par les pieds jusqu’à la cellule.

Le 18 octobre, une délégation du Comité des sans-papiers 59, du MRAP, de la FA et du collectif étudiant, a été reçue par le consul de Belgique à Lille à l’issue d’une manifestation qui s’est terminée devant le consulat aux cris de « Sans papiers expulsé-e-s, sans papiers assassiné-e-s ». Tout en déplorant le décès, le consul a contesté que des irrégularités aient été commise par les autorités belges. S’appuyant sur les premiers éléments de l’enquête et les instructions de son gouvernement, il a affirmé que rien ne laissait voir que Ferri était blessé et qu’il fallait aussi comprendre le personnel très éprouvé de ces centres, et que les ressortissants albanais dans les centres se montraient, selon l’avis de son ministre, particulièrement agressifs et difficiles à maîtriser… Il s’est également répandu sur le fait que 4 500 demandeurs d’asile arriverait par mois sur le sol belge et que la Belgique seule ne pouvait résoudre cette grave question.

La délégation lui a fait remarquer toute l’indignité de la position de l’État belge, qui criminalise toute une communauté pour excuser sa propre culpabilité. Une fois de plus, se trouvent donc posées les questions du droit d’asile, des centres de rétention et de l’arbitraire qui frappe les sans-papiers. Il serait pourtant si simple de régulariser les sans-papiers. Le consul a fait remarquer qu’une procédure de régularisation était en cours en Belgique et que cette dernière constatation était mal venue. C’est vrai : 32 664 personnes ont fait une demande de régularisation en Belgique. Jusqu’à maintenant : 474 personnes ont été régularisées.

Bertrand Dekoninck. — groupe de la métropole lilloise


Rouen : Les sans-papiers occupent une église pour réclamer leur régularisation

Le fait d’avoir des papiers est pour vous une chose naturelle. Vous imaginez difficilement ce que veut dire le mot « sans ». Il conditionne notre vie. Notre existence est marquée par la peur et l’attente…

Aucun des engagements importants pris par la préfecture lors de notre entretien avec elle le 16 septembre n’a été respecté (examen ou re-examen de toutes les demandes des membres du collectif avec entretien individuel, ouverture de la liste pour ceux ou celles qui nous ont rejoint, annulation des arrêtés de reconduite à la frontière). Elle nous maintient dans l’attente, l’angoisse et l’incertitude ! C’est pourquoi, convaincus que seule la lutte paie et déterminés à lutter jusqu’à notre régularisation, nous occupons l’Église sainte Thérèse à Saint-Étienne-du-Rouvray depuis le 2 octobre.

Le débat que nous avons organisé le 13 octobre à la Halle aux Toiles a été une vraie réussite (plus de 200 personnes). Nous avons pu exposer la situation des sans-papiers de Rouen et parler de celle des sans-papiers sur l’ensemble du territoire.

En France, en effet, des milliers de sans-papiers sont maintenus dans la précarité la plus totale et sont surexploités par les patrons.

C’est pourquoi lutter aujourd’hui avec les sans-papiers, c’est lutter pour l’unité de tous les travailleurs. D’autre part, les sans-papiers sont victimes d’une répression violente et absurde : conditions d’interpellation, centres de rétention, expulsions… Entre 1984 et 1997, par exemple, le nombre de personnes incarcérées pour infraction à la législation sur les étrangers a progressé de 330 %.

Par ailleurs, les régularisés d’hier n’ont obtenu qu’une vignette d’un an au mieux et sans garantie de renouvellement : comment avoir une vie normale dans ces conditions ? Pas d’emplois déclarés, pas de compte bancaire. Impossible de louer avec un bail de trois ans.

Le gouvernement ne fait rien pour changer la situation des sans-papiers en France.
Nous nous battons pour obtenir :
• la régularisation de tous les sans-papiers par carte de dix ans ;
• la libération de tous les sans-papiers emprisonnés ;
• la fermeture des centres de rétention ;
• l’arrêt immédiat des expulsions ;
• la suppression de la double peine ;
• l’abrogation des lois Pasqua-Debré-Chevènement.

Nous appelons à une grande manifestation le samedi 28 octobre à 14 h 30 devant l’église Saint-Sever.

Le collectif des sans-papiers de Rouen et agglo


Chronique anarcha-féministe

Les violences conjugales… parlons-en !

Dimanche soir j’ai regardé la télé. Enfin un programme sur les violences conjugales à une heure de grande écoute.

Premier reportage : interventions de la police suite à des alertes téléphoniques. Les flics interviennent, proposent à la victime de l’emmener au commissariat déposer plainte. Tout cela avec beaucoup de douceur… caméra oblige ? Ce n’est en tout cas pas l’expérience que nous avons sur le terrain lorsque nous sollicitons la police pour ce type d’appels au secours.

Deuxième reportage : le centre pour femmes battues de Belfort. Gros plan sur des femmes accueillies en urgence. Le personnel du centre nomme leur agresseur « le père de leurs enfants » tandis qu’il parle aux hommes violents de leur « femme ».

Gros plan sur un couple, discussion lourde de menaces dans les propos échangés. Lui ne peut pas vivre sans elle et semble prêt à tout pour la récupérer, elle pétrie de culpabilité commence à douter de sa détermination. On a envie de crier « courage fuyons » avant qu’il ne soit trop tard. Tous les ans des femmes meurent de suites de violences conjugales, parlons-en, parlons-en bien.

Une côte d’Adam cassée


Athénées libertaires

Un renouveau de l’anarchisme ibérique ?

Si l’histoire de l’anarchisme espagnol est indissociablement lié au sigles de la CNT, de la FAI ou de Mujeres libres, il conviendrait de ne pas oublié le rôle essentiel que les athénées ont joué dans la diffusion et l’enracinement des idées libertaires. Les témoignages ne manquent pas ; mais celui de Francisco Carrasquer, qui a vécu les années 30 en Espagne, est très significatif. Il raconte (1) : « L’Athénée libertaire de Las Corts (Barcelone) ­ comme tous les Athénées libertaires ­ était un lieu central pour tout et pour tous, sauf pour y boire de l’alcool ou pour y jouer aux cartes. S’y rendaient principalement des syndicalistes des deux sexes de la CNT et on y organisait toutes sortes d’action culturelle, ce qui était propre à cette génération libertaire si avide de savoir pour mieux révolutionner le monde ; cours du soir, d’alphabétisation, enseignement de culture générale ou d’arts graphiques, conférences publiques, récitals de poésie, réunions d’amateurs de théâtre, projections, lectures commentées ; et surtout des débats où se discutaient des problèmes idéologiques, où l’on évoquait comment affronter avec efficacité un conflit du travail, une campagne de revendication, une déclaration de grève […]. Mais en dehors des réunions plus ou moins périodiques et annoncées, l’Athénée était un lieu de rencontre des travailleurs du quartier, où il ne manquait jamais de groupes de discussion spontanée pour parler de l’actualité politique à travers le monde. » Aujourd’hui encore et comme au début du siècle, les athénées, en Espagne, continuent à diffuser la culture libertaire, l’éthique anarchiste et la pratique autogestionnaire. Se comptant par dizaine, ils se sont adaptés aux évolutions culturelles et technologiques : certains athénées animent des émissions de radio ou des sites web, d’autres publient des fanzines ou des revues, éditent des ouvrages, organisent des repas de quartier, des expositions, des concerts, des colloques…

S’organiser pour mieux peser

Ces structures composant une véritable colonne vertébrale pour l’anarchisme ibérique ont toutefois un impact limité à cause des clivages qui divisent et affaiblissent le mouvement libertaire. Surtout depuis la scission de 1979 de la CNT qui a eu pour conséquence de générer deux (avec la CGT), puis trois (avec Solidaridad obrera) syndicats nationaux se réclamant de l’anarchosyndicalisme. Et à côté de ces syndicats demeurent les organisations plus spécifiques de l’anarchisme que sont la FAI, la FIJL (Jeunesses libertaires), et « Mujeres libres ». Sans compter la « mouvance » libertaire, potentiellement riche mais sans cohésion d’ensemble.

Face à la persistance de l’éclatement du mouvement libertaire et à sa difficulté à peser efficacement sur les événements malgré son dynamisme important, un malaise profond émerge. L’un des signes les plus forts de ce ras-le-bol est envoyé par les athénées. Ceux-ci se sont réunis les 26 et 27 juin 1999 à Sant Boi (2) pour y évoquer diverses questions comme l’antimilitarisme, le municipalisme libertaire, les limites de la violence révolutionnaire, etc.

Cette rencontre fut aussi l’occasion de constater que les divisions (surtout anarchosyndicalistes) pouvaient hypothéquer les efforts de coordination entre athénées (3). Car les athénées comptent naturellement des militant-e-s libertaires de tous horizons, syndicalistes ou non, qui influencent donc leurs orientations ou peuvent accentuer des divisions. Ce constat valide le choix de l’autonomie économique et politique des athénées par rapport aux organisations existantes, anarchistes ou anarchosyndicalistes. Cette transversalité milite, selon certains, en faveur de l’idée selon laquelle une meilleure coordination entre athénées pourrait donner naissance à une résurgence du mouvement libertaire.

Le fédéralisme anarchiste contre les divisions anarchosyndicalistes

Les athénées, s’ils collaborent localement avec des structures non anarchistes (centres sociaux…), se situent clairement dans le mouvement libertaire à la confluence des idées et des organisations qui le composent. Selon l’athénée Al Margen, « la structure de base de l’anarchisme est le groupe affinitaire, avec toutes ses limites, mais est en même temps capable de développer en son sein un métissage suffisamment solide pour permettre une action effective dans la lutte pour la transformation sociale, dans le sens où nous l’entendons ». L’objectif de formaliser des liens entre athénées connut une réussite certaine au cours des premières rencontres de Sant Boi. Mieux, l’athénée libertaire d’Oviedo qui organisa les deuxièmes rencontres en mai 2000, alla plus loin en proposant par la suite la création d’une « Fédération libertaire » (4). Elle serait constituée de « collectifs libertaires ou anarchistes » avec « l’objectif de disposer d’une structure organisationnelle qui coordonnerait tous les libertaires pour assumer la conjonction d’actions et de propositions de tous types ». Cette proposition conclut son sixième point par : « Comme l’ennemi est global et international et que notre proposition de changement révolutionnaire n’accepte pas les frontières, la Fédération devrait intégrer un organisme de dimension internationale à caractère libertaire pour être cohérente avec son internationalisme. »

Si ces propositions ne furent pas adoptées aux rencontres de Sant Boi des 27 et 28 mai 2000, le principe de la création d’un réseau concrétisé par un bulletin mensuel interne « Buscando el norte » fut pourtant voté comme un premier pas vers une future Fédération ou Alliance libertaire par les délégué-e-s présent-e-s. La constitution d’une structure plus formelle sera examinée lors de la prochaine rencontre des athénées…

Quelle internationale libertaire ?

La question reste posée. Difficile d’envisager que cette fédération ou Alliance libertaire d’athénées espagnols puisse s’intéresser, une fois constituée, à l’Association internationale des travailleurs (AIT) puisqu’elle ne regroupe que des organisations anarchosyndicalistes. Si l’on se remémore le discours tenu par le secrétaire de la CGT espagnole lors du 1er Mai à Paris, on y parlait de la constitution d’une « Internationale libertaire », « une organisation capable de faire face au monstre capitaliste ». Mais qui devrait sans doute regrouper aussi bien des structures anarchistes non syndicales que des syndicats comme la CGT, la SAC suédoise ou la CNT-Vignoles y important de fait les divisions anarchosyndicalistes propres à chaque pays. Or c’est en réaction aux divisions des syndicalistes que des athénées libertaires ont entrepris leur démarche. À l’heure qu’il est, la seule structure politique anarchiste internationale est l’IFA, composée des Fédérations anarchistes de sept pays dont notre fédération francophone.

Reste donc qu’il nous faut être à l’écoute et saluer la démarche à la fois pluraliste et fédéraliste de ces athénées libertaires, entre autres parce qu’ils interrogent tous les protagonistes de la division de la scène politique et syndicale de l’Espagne rouge et noire. Cette réaction met aussi en évidence la nécessité d’organisations politiques anarchistes capables de regrouper, au-delà des clivages syndicaux, différents courants libertaires, pour un anarchisme social, pluraliste et fédéraliste.

Relations internationales de la FA

(1) Polémica nº 71
(2) La Lletra A nº 56
(3) D’où la nécessité de s’organiser au-delà des appartenances (ou non) syndicales.
(4) La Campana nº 138


Harare, Zimbabwe.

La police et l’armée se sont affrontés à des émeutiers de la faim dans le centre de la capitale durant plusieurs jours la semaine passée. La police a tiré des grenades lacrymogène à l’intérieur de maisons privées et dans des bus de banlieusards venant du township de Kuwadzana et se rendant en centre ville.

Les manifestants ont bloqué le principal accès routier avec des rochers avant que la police ne les disperse.

Une douzaine de soldats ont attaqué des journalistes occidentaux mercredi 19 dans le township de Dzivarasekwa, dont un photographe d’Associated Press et un cameraman à coup de fouet et de matraque. On s’étonne que les chaînes de télé occidentales (les nôtres) d’ordinaire si promptes à dénoncer ce genre de pratique contre leur corporation se soient abstenue de trop en parler. L’Afrique orientale est elle moins vendeuse que le Proche Orient ?

Malgré un certain nombre de protestations d’association de droits de l’homme ou même religieuses le chef de la police a déclaré qu’il ne détenait aucune information quant à de quelconques incidents.

Pourtant, son collègue, le commandant Mozango a expliqué que les manifestants avaient « agacé » la police en érigeant à nouveau des barricades après que les rues aient été « nettoyées ». Et quand la police est agacée, on sait ce que ça fait, surtout quand ils ont de fouets… « La patience des policiers peut s’épuiser et il peut y avoir des blessés si les gens persistent à vouloir dresser des barricades » a-t-il cru bon d’expliciter.

Selon la radio d’État, 58 personnes ont été arrêtées mardi 18, dont 8 pour pillage, (les 50 autres pour délit de protestation pouvons nous deviner). Ils ont rejoint les 25 (officiellement) arrêtés la veille.

Ces émeutes qui agacent tant la police sont dues à une hausse de 30 % du prix du pain, du sucre et des boissons conditionnées. Ces augmentations qui interviennent alors que le Zimbabwe connaît sa plus grave crise économique depuis son indépendance en 1980 (alors la Rhodésie de Ian Smith), ne sont que les plus récentes hausse. Il y a déjà eu ces derniers temps une augmentation sur l’essence, le lait, la farine et autres produits de première nécessité.

L’inflation atteint 70 % et le chômage 50 %. Alors, bien sûr, on ne s’étonnera pas que la plus grosse boulangerie de Harare se soit plaint que trois de ses camions aient étés attaqués et se soient fait dévaliser 5 000 pains. Il fallait bien pour faire cesser un tel scandale que des hélicoptères lâchent des grenades dans les rues (avec l’altitude, ça se répand mieux), et que l’armée soit appelée en renfort.

Pour mémoire, les dernières émeutes de la faim suite à une augmentation de 25 % des farines de maïs avaient fait 5 morts en 1997 après que Mugabe, l’inamovible dictateur démocrate répugnant, ait envoyé l’armée.

infos transmises par les Relations internationales de la FA


Des anarchistes hongrois sont toujours en prison

8 camarades anarchistes de Hongrie furent arrêtés après les manifestations du S26 à Prague. Tous ces camarades sont accusés d’un crime appelé « attaque contre un officiel public (fonctionnaire ? !) » (dans ce cas, un policier) et tous sont en détention. Leurs noms sont Laszlo Baki, Gabor Baki, Tomas Ivady, Istvan Laszlo, Bagi Arne, Michael Holz, Agnes Sara Staller, Aniko Kocsis, Anita Nemethne Rafli.

Certains sont des anarcho-communistes qui ont pris part à une discussion informelle le 25 septembre à Prague entre organisations plateformistes irlandaise (Workers Solidarity Movement), française (Alternative Libertaire) et tchèque (Organisation révolutionnaire anarchiste — Solidarita). D’après des informations officieuses que nous avons, la police n’aurait aucune preuve contre eux (spécialement contre nos sept camarades parmi eux). Tous ont eu un avocat commis d’office payé par l’État, mais du fait que ce type d’avocat n’est en général pas très intéressé par ces cas, nous leur avons trouvé un nouvel avocat. Son travail va coûter moins cher que d’habitude, cependant nous avons quand même besoin d’argent pour les frais de défense.

Envoyez les dons au compte de l’ORA-Solidarita à : IPB Blansko, Rozmitalova 6, 67801 Blansko INBACZPP164035592/5100

Le salaire ouvrier moyen en République tchèque est de moins de 400 dollars par mois, donc même ce qui semble un petit don pour un groupe ou un individu en occident peut équivaloir à une journée ou même une semaine de salaire.

Une manifestation en soutien aux camarades hongrois a déjà eu lieu en face de l’ambassade tchèque en France, mais il y a toujours un besoin urgent de plus de pression internationale pour demander qu’ils soient libérés et que toutes les accusations contre eux soient abandonnées.

Hacktivist news service


Le Tableau noir , Samira Makhmalbaf

Le film de l’iranienne Samira Makhmalbaf, Le Tableau noir, est un parfait produit de Makhmalbaf Film House, la production indépendante créée par son père, le réalisateur Mohsen Makhmalbaf.

En Iran, il est projeté dans sa version originale : parlé kurde avec des sous-titres en farsi/le parler persan actuel. Mohsen Makhmalbaf avait écrit le scénario de son premier film La Pomme, alors qu’ils ont écrit ensemble le scénario du Tableau noir. Ils se sont basés sur des informations glanées dans des journaux, sur des récits en provenance de cette région frontalière du Kurdistan iranien. Une imagination avertie, fertile en anecdotes politiques, a fait le reste. L’histoire est simple : des instituteurs sans élèves, donc sans travail, errent dans les montagnes du Kurdistan iranien. Leur tableau portés sur le dos, ils se déplacent, oiseaux terrestres, auxquels il ne manque qu’un souffle pour déployer les ailes. Ils proposent d’enseigner contre un morceau de pain, contre rien. Mais les enfants sont occupés à faire de la contrebande. De leur génération, ils sont les seuls représentants. Les vieux veulent rejoindre leur pays, errent sur ces routes et vont payer l’instituteur avec 40 noix, s’il leur montre le chemin de la frontière pour rejoindre leurs terres.

Réflexion amère sur la transmission du savoir, chaîne cassée par la réalité cruelle des guerres successives. Terreur éprouvée à l’évocation des bombardements successifs et de l’utilisation de gaz chimiques. Le film trouve un équilibre entre fiction et réalité, enchante par ses passages poétiques et cocasses : la femme qui marche avec tous ces vieux dit d’elle «  je suis comme un train, on monte dedans et on en descend, mais le seul pour lequel je m’arrêterai toujours, c’est mon fils ! » Elle a l’air d’une apache sauvage indomptable. Elle est pauvre, mais libre de s’engager ou de se désengager. Aucun misérabilisme dans ce portrait. D’une façon très culottée, Samira Makhmalbaf dépeint une sorte de filiation par le zizi et le pipi : le vieux grand-père n’y arrive pas, l’instituteur va y perdre son tableau et le petit a sa mère pour veiller sur le sien. C’est joyeux et cocasse.

Dans la séquence finale, un jeune contrebandier va être tué quand il saura enfin écrire son nom. Une lettre arrive, est-elle écrite en arabe, en turc ou en kurde ? En tous cas, elle n’est pas écrite en persan, mais l’instituteur qui sait la déchiffrer dit « votre fils pense à vous et vous aime, sinon il ne l’aurait pas écrite ! » Probablement il n’a pas su la lire. Le film ne montre et ne dit que l’essentiel : l’essentiel dans la transmission d’un savoir, c’est dans l’esprit de son utilisation… le père veut être rassuré, savoir que son fils, affectueux et fidèle, soit en vie et en bonne santé. L’instituteur qui s’embarque avec les vieux qui marchent vers leur pays va perdre son unique richesse, son tableau, car au passage de la frontière son mariage éclair avec la femme du convoi va être dissout. À titre de dédommagement, la femme va garder son tableau. Film âpre, une évocation au-delà de revendications territoriales ou humanitaires, une œuvre de maturité réussie par une jeune femme de 20 ans. Samira Makhmalbaf raconte volontiers que son acceptation en tant que metteur en scène auprès de l’équipe du tournage (le film de son jeune frère Maysen le confirme) passait par l’épreuve de tout faire, tout montrer, tout traverser : elle est allée dans l’eau glacée pour montrer l’exemple, elle a grimpé avec son équipe pendant deux heures tous les jours pour rejoindre les lieux sauvages, les routes de montagne escarpées où se déroule le film. Vêtue de son tchador, elle arpente les sentiers, montre aux acteurs comment porter ce tableau, se brouille avec son comédien qui joue le personnage du vieux kurde malade. « Tu surjoues ! » lui dit-elle. Il quitte le tournage. Elle le remplace par un homme grand, maigre qui s’acquitte très bien de son rôle, car il ne dit presque rien, signifie tout par un mouvement de la tête.

À Venise, elle était membre du Jury, avait gardé son sourire de jeune fille émerveillée, mais tout en respectant les consignes : vêtue d’un manteau long et noir, les cheveux couverts par un foulard. Parfaite représentante du cinéma iranien, elle était aussi devenue inapprochable. Être indépendante dans sa création exige une discipline surhumaine.

Heike Hurst


Le temps du tango

L’ouvrage représente un an de travail d’un bénévole dans le cadre d’un Comité de défense de l’environnement. 400 pages d’une plume acerbe analysant 24 mois d’enquêtes publiques relatives aux installations classées agricoles, de juin 1997 à mai 1999, et portant sur l’étude de 398 dossiers : une tâche gigantesque.

400 pages qui dénoncent sans complaisance l’absurdité d’un système déjà dénommé le « contre-exemple breton », où le cheptel équivaut, en terme de pollution d’origine agricole, à une population de 60 millions d’habitants… pour 3 millions de bipèdes ; l’absurdité de l’agriculture intensive et de l’élevage hors-sol, maintenus à coups de subventions, et qui se caractérisent par la surproduction programmée, la baisse des cours, la concentration des moyens de production, la pollution alarmante de l’eau et de l’air, les risques sanitaires et alimentaires.

400 pages où se trouve décortiqué le fonctionnement du CDH, Comité départemental d’Hygiène, qui accorde systématiquement les autorisations de créations, d’extensions, de régularisations, contre les remarques des municipalités, les avis défavorables des commissions d’enquêtes, les réserves de la DDASS ou d’autres services, réduisant l’enquête publique, processus « démocratique » de consultation, à l’état de coquille vide.

400 pages qui décrivent un univers d’abus, de passe-droit, de laxisme, de négligences, de dérogations, de fraudes, de désinformation et d’inertie, où la règle principale est le mépris de la règle. Mais 400 pages raisonnables qui n’assassinent le préfet que sur le papier pour ne pas affliger les Corses.

Si les anarchistes ne sauraient se satisfaire des propositions suggérées (nouvelles réglementation, moratoire), la lecture de ce document ne peut qu’être salutaire pour aider à comprendre comment le CDH se transforme en agent de promotion de l’élevage hors-sol, comment des instances administratives deviennent les serviteurs zélés des firmes de l’agro-alimentaire, de la pétrochimie, du machinisme agricole et des banques qui les soutiennent.

J.-P. Tertrais. — groupe la Commune (Rennes)

24 mois de fonctionnement du CDH d’Ile-et-Villaine ou le temps du tango. Jean-François Piquot. À commander au Comité de défense des 4 cantons. La Chevolerais, 35380 Maxent. 135 FF (port compris).


L’homme qui tua Getulio Vargas

Le héros, Dimitri Borja Korozec, naît en 1897 à Banja Luka (Bosnie) d’une mère brésilienne, contorsionniste dans un cirque et d’un père serbe, anarchiste dans l’âme, membre d’une secte nihiliste ultra radicale « Poluskopzi ou Demi-Castré ». Le petit Dimitri a la particularité d’avoir un deuxième index à chaque main : « Dimitri n’avait qu’un défaut, dû peut-être aux torsions et contorsions qu’il avait subies dans le ventre maternel : il était terriblement maladroit ». Défaut qui lui vaudra bien des déboires et le poursuivra toute sa vie dans sa carrière de terroriste international : « Anarchiste depuis le berceau et ayant son propre père pour mentor, à douze ans il avait déjà lu Proudhon, Bakounine et Kropotkine. Il jugeait Proudhon théorique à l’excès, et à ses yeux Bakounine était presque un conservateur. Il leur préférait Kropotkine qui avait renoncé à sa charge de secrétaire général la Société géographique de Russie pour épouser la cause anarchiste, mais estimait cependant qu’il manquait d’audace. Malgré son âge tendre, sa faveur allait aux méthodes violentes. Au vrai, il rêvait d’éliminer physiquement tous les tyrans de la planète »

Il débute sa carrière dans la Main Noire et participe à l’attentat contre l’archiduc François-Ferdinand. En fuite vers Paris, il fait la connaissance de Mata Hari et du nain Motilah, son garde du corps (!) un hindou membre de la secte des Thugs. Arrivé à Paris, il entreprend d’assassiner Jaurés mais sa maladresse le fait encore échouer. En 1917, il décide de quitter la France pour le Brésil (pays de naissance de sa mère) mais son bateau est torpillé au large du Portugal. Il débarque finalement aux États-Unis. Après avoir travaillé dans le cinématographe à Hollywood, il entre dans la bande d’Al Capone à Chicago. Son habituelle maladresse lui fait rater l’assassinat qui aurait dû permettre à Capone d’échapper à la justice. Le climat de Chicago n’étant plus alors des plus salubre pour lui, il s’envole pour le Brésil (novembre 1935). Une fois installé dans ce pays, il n’a plus comme seul but que celui d’assassiner le président Getulio Vargas. En 1954, sa carrière de terroriste s’achève en Égypte, où il semble mêlé à un attentat contre Nasser.

À partir d’une solide documentation historique, Jô Soares nous livre la biographie imaginaire d’un terroriste libertoïde aussi déterminé que maladroit. L’humour féroce de l’auteur, rend ce livre de 320 pages d’une lecture toujours facile et agréable, en dépit d’un sujet ­ le terrorisme ­ pas nécessairement comique.

Ronald Reagan après qu’on lui ait tiré dessus : « Bon sang, j’ai oublié de me baisser ! »

Jacques Bonhomme

L’homme qui tua Getulio Vargas. Jô Soares. édition Calman-Lévy.


Manif anti-McDo à Brest

Notre but était de sensibiliser les clients à la conscience de classe, en leur expliquant que manger chez McDo (ou tout autre fast food du genre) c’était cautionner une politique de pollution, d’exploitation des pays du sud et de régression sociale en France. Pollution, parce que les papiers ou cartons d’emballage ne recouvrent la nourriture que quelques minutes, et tout hamburger qui attend un peu trop et irrémédiablement jeté (en théorie).

Afin de sensibiliser les clients à ces problèmes, nous avions déverser un tas d’ordures bien de chez Mc-donalds devant l’une des entrées. Pour rentrer il fallait forcément enjamber papiers gras, cartons d’emballage, et autres saloperies délicatement parfumées à la frite froide. Quel meilleur argument pouvions-nous donner ?

Exploitation des pays du sud, car les céréales qui nourrissent les bœufs pour McDo viennent des pays du tiers monde. Parce qu’il faut environ sept calories végétales pour produire une calorie animale, et que bien souvent dans le tiers-monde les personnes meurent de faim, nous pensons qu’il serait plus simple que les céréales produites dans le sud servent à nourrir d’abord les personnes qui les cultivent plutôt que des bœufs destinés eux, à nourrir les petits occidentaux bien gras.

Régression sociale, car chez McDo, il est interdit de se syndiquer (si ce n’est légalement, cela est vrai dans les faits), parce que la gestion à l’américaine (ton patron c’est ton pote) c’est de l’arnaque destinée à favoriser l’exploitation des employé-e-s (en instaurant un rapport affectif entre patrons et employé-e-s néfaste à la lutte), parce que chez McDo, il n’y a pas de licenciements, mais un turn-over « volontaire » extraordinaire. En moyenne un-e employé-e ne reste pas un an ! Il/elle démissionne avant, son pote de patron lui rendant la vie suffisamment impossible pour cela.

Qu’en retirer ?

Certes, le grand soir n’est pas arrivé ; certes, s’attaquer seulement à McDo c’est réducteur, mais avant de globaliser les luttes, commençons par générer des luttes. En ce sens notre manifestation était réussie. Parce que les divers militant-e-s du Finistère se rencontrent de plus en plus (Erika, nucléaire, Mégret…), nous apprenons ensemble la démocratie directe sur le tas, et c’est toujours un plus pour l’avenir. Aussi, nous donnons une conscience de classe (même si le nom n’a pas été forcément prononcé) aux personnes qui discutaient avec nous. Notons que plusieurs personnes ont compris nos arguments, et ne sont finalement pas allées chez Mc-dollar.

Enfin, pour rester réaliste, il faut apprécier le chemin qu’il nous reste à parcourir. Des jeunes (12/13 ans) sont venus nous voir complètement paniqués. D’après eux, si à cause de nous McDo fermait, ça serait une catastrophe pour la jeunesse de notre beau pays. Elle ne saurait plus où aller le samedi après-midi !

Lorsque McDo cible les enfants, ce n’est pas pour rien. Il deviendront des consommateurs/trices bien discipliné-e-s.

Renaud. — groupe CRABES (Quimper)


Une librairie anarchiste à Besançon

Voilà pratiquement trente années que la Fédération anarchiste est présente à Besançon à travers le groupe Proudhon. Manifs, occupations en tous genres, conférences-débats aux sujets aussi nombreux que variés, vous avez sûrement déjà vu nos affiches ou entendu parler de nous. Et pourtant, dans notre soif de changement révolutionnaire, il nous manquait quelque chose, un endroit où se rencontrer, discuter, où l’on puisse trouver ces livres aux idées prétendument utopiques qu’aucune Fnac, Forum ou autre Virgin mégastore ne vendront, trop occupés à montrer le soixantième volume des mémoires de De Gaulle ou la biographie cachée des 2Be3.

À la librairie L’Autodidacte, 5 rue Marulaz, vous trouverez plutôt ces inconnus qui gagneraient à être des illustres, ces Bakounine, Malatesta, Durruti, Jacob, tant d’hommes et de femmes engagé-e-s de toute leur volonté dans une lutte pour l’égalité, l’autogestion, le fédéralisme, la culture et l’éducation pour tous. Hommes et femmes de pensée et d’action, toujours impliqués dans les luttes sociales de leur époque, avec pour but ultime l’anarchie, une société sans patrons et sans État, sans frontières.

Parce qu’aujourd’hui, à l’aube de ce nouveau millénaire, le capitalisme a imposé son modèle économique sur toute la planète, nous serions censés en être à la « fin de l’histoire », au « système parfait ». Drôle de perfection qu’une domination sans partage s’accompagnant de toujours plus d’inégalités avec d’un côté le développement de fortunes colossales et, d’autre part, une exploitation et un appauvrissement, une précarisation et une criminalisation d’une frange de plus en plus large de la société !

Cependant tout cela est démenti par le réveil de la critique et des luttes sociales, loin des magouilles électorales de partis chaque jour davantage discrédités. Les propositions anarchistes d’action directe et d’autogestion ont aujourd’hui leur place dans nos luttes de tous les jours, dans nos quartiers, sur notre lieu de travail et ailleurs…

C’est pour cela que nous avons choisi d’ouvrir une librairie, parce que les grands fleuves commencent toujours par des petits ruisseaux et c’est pour cela aussi que loin de la grisaille du quotidien nous vous convions à un grand pot d’inauguration le samedi 28 octobre dès 15 heures… Bonne humeur exigée !

Bruno


Lille : Verdict du procès de Stéphane

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